Chapitre 2 La bêtise de Stéphanie
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Chapitre 2 La bêtise de Stéphanie
Valérie ne possède pas les clés pour obtenir l'obéissance, mais sa voix haute parvient jusqu'à Didier. Face à leur père, ils ne rétorquent pas. Le trio descend, la table dressée, la soupière attend.
— Je t'ai entendu Valérie, que se passe-t-il ?
— Je gère, ça va. Je regrette que notre fille ne soit plus dans les jeux de la dinette — son geste serait compréhensible et encore…
— Sois plus précise ma chérie.
— Un vêtement a été… je te montrerai tout à l'heure.
Didier s'adapte toujours à Valérie pour éviter de se disputer. Une larme roule sur le visage de Valérie. Didier se sert un verre de vin au goût râpeux, il se racle la gorge. Il plante son regard dans celui de Valérie.
— Je ne soufre pas de cécité Valérie, cela t'a atteint.
— …
Il connaissait depuis longemps sa sensibilité. Les conseils municipaux qui se terminaient à une heure tardive. Elle s'habituait à des horaires réguliers pour se coucher. Si elle cassait le rythme, elle ressemblerait à une marionnette sans énergie. La patience n'était pas toujours de rigueur. Elle stagnait dans une léthargie et les réveils difficiles lui donnaient l'impression d'être vidée. Se battre continuellement avec ses enfants la lassait.
Stéphanie cède et rompt au mutisme de la honte.
—Matthieu et moi, nous avons joué et on souhaitait se déguiser. Je me suis souvenue du chiton dans la penderie de maman. Avec des morceaux de chiffons, j’envisageais en recréer une. Avec le cutter, on voulait tracer les repères. Malheureusement, j'ai coupé la robe en même temps. Je suis désolée.
Valérie se tendait et se lâche.
— Et ton compère de frère ne t'a pas dit : stop ! Ben non, c'est l'aîné, cela devrait être la voix de la raison. Un peu de jugeote ma fille !
Elle pensait être une mauvaise mère et elle n'aimait pas se fâcher. Commettre de la peine, ou parler avec agressivité ne lui plaisaient pas. Elle voulait être un exemple.
Sans défaut.
Sans reproche.
Tout la touchait : un mot, un cri, des pleurs.
Surtout ne pas être comme sa mère, elle se détesterait.
Stéphanie se mord les lèvres, Matthieu n'en mène pas large. La tête baissée, il ne lève pas les yeux. Tous les deux boudent leurs assiettes de steaks hachés à la sauce tartare.
— Vous n'êtes plus des gamins, finissez de manger !
Valérie et Didier continuent leur repas. Matthieu et Stéphanie quittent la table sans desservir.
Valérie s'exprime
— Ce n'est pas simple d'élever des enfants.
—Et aussi être clément et opérer avec tact. J'aurais espéré intégrer ton entourage, mais tu n'as jamais expliqué pourquoi tu n'as pas voulu d'eux au mariage. Ils n'ont jamais rencontré leurs petits-enfants.
— Des blessures gravées au fond de moi qui ne se cicatrisent pas. C'est le destin. Ce n'est pas inédit qu'une famille soit brisée. J'ai déshonoré et je ne les mérite pas. Il n'y a pas lieu de discourir sur eux. Pourquoi me parles-tu de cela Didier ? Je n'étais pas le style de fille dont des parents pouvaient rêver.
Didier n'insiste pas, Valérie devient terne. Le point sensible l'afflige. Une larme coule.
Un ramdam rythmé s'entend dans le mirador avec la batterie de Matthieu. Sa chambre était comme un antre, il acquiesce uniquement lorsqu'il est présent.
—Valérie, quelque chose de grave…
Stéphanie interrompt dans la conversation heureuse d'annoncer une bonne nouvelle.
—Venez voir mon œuvre dans le couloir.
Didier et Valérie se lèvent et suivent Stéphanie. La peinture s'écaille depuis quelque temps. Stéphanie a collé des images de magazines pour égayer ainsi qu'un slogan écrit en feutre noir : colère de nos artistes militants. " Droit à l'expression artistique, le samedi de 9 heures à 18 heures, liberté de pensée et des actes, pouvoir de décision. Matthieu, Stéphanie et toute sa clique."
— Voici mon œuvre, qu'en dites-vous ?
Abasourdie, la découverte, Valérie se contient pour contester. Elle compte sur son mari. Didier réfléchit avant de déclarer quoi que ce soit. Stéphanie a cinq ans de moins que Matthieu. La façon de procéder avec elle est différente.
Didier désire économiser des mots compliqués pour expliquer à sa fille que le mur n'est pas pour dessiner ; coller ou rédiger n'importe quoi. Il se baisse et chuchote à l'oreille de Valérie :
—Accepte et sois heureuse, elle ne manque pas d'imaginations.
— Si tu le dis, je te laisse te débrouiller avec elle. Je sais qu'il faut se moderniser mais là… tu ne vas pas tout de même rétrocéder. Je tolère beaucoup de choses pourtant. J'ai parfois marre d'avoir le mauvais rôle avec eux de la méchante sorcière.
—Nous avons des enfants très actifs.
Didier se redresse :
—Stéphanie, je ne veux pas entraver de t'exprimer à ta façon, mais nos murs ne sont pas faits pour cela. Tu as un don. Tu peux reproduire sur des feuilles. Tu vas arracher tout cela et nous repeignerons plutôt tous les deux. J'ai un pot de peinture inodore. Tu vas m'aider à nous deux, nous irons plus vite.
Stéphanie grimace sur le coup, Didier se rectifie et ajoute :
— Tu pourras dessiner une fois bien sec, qu'en dis-tu ?
— Ma foi, je me crois dans un devoir scolaire, n'aurait-il pas une entourloupette déguisée ?
— Où as- tu appris ce mot ?
— Je regarde les magazines de maman avec solution des mots fléchés.
Stéphanie était autodidacte, elle s'instruisait.
— Par contre, tu vas changer de tenue pour ne pas te salir. Tu fais ce que je t'ai dit tout à l'heure et je prépare la peinture avec les pinceaux, l'eau spirite et gants en plastique.
Partager un moment avec son père est un privilège pour Stéphanie. Valérie laisse Didier prendre en main. Didier part chercher dans le garage avec le matériel. Stéphanie commence à ôter ses assemblages. Valérie participe à la tâche avec sa fille.