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Chapitre 23 La lettre

Chapitre 23 La lettre

Publié le 11 févr. 2022 Mis à jour le 12 févr. 2022 Culture
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Chapitre 23 La lettre

Ils avaient pris une seule voiture pour arriver chez le notaire. Ils s'étaient donné rendez-vous à Paris. Soudés dans la peine et dans les démarches, ils n'étaient pas venus depuis des années dans la maison de leur enfance. Tout était intact dans leurs souvenirs. Ils remontaient à la surface avec leurs cris, leurs joies et leurs tristesses. Aude lâchait son masque de femme forte pour une personne plus humaine. Le potager derrière la demeure avec ses légumes plantés ; des jardinières de géraniums bordaient les fenêtres ; un hangar où des bûches s'entassaient. Les volets marron fermés , un mur crépi en blanc ; les allées en béton envahi de mousse ; l'herbe coupée à ras ; les fils à linge avec les épingles encore suspendues ; le temps s'était arrêté chez leur père.
Une fois à l'intérieur, la tapisserie blondie par le soleil ; la poussière sur les meubles et sur les cadres ; toute leur histoire était là. Le fauteuil en cuir et le canapé rouge ; les photos de Matthieu bébé, Aude va dans sa chambre. Les posters accrochés avec des punaises, le bureau avec les crayons, elle ouvre son placard. Un carton avec divers cahiers dont un violet écrit : mathématique ; un jaune avec des croquis. Elle aimait dessiner. Un livre sur Rome et un ballon de football, elle avait sûrement caché. Elle ne s'en souvenait même pas de son existence. Elle retrouve ses objets personnels et sa vie d'avant. Elle se défilait avec une pointe de nostalgie. Elle retrouve son journal intime. Elle parcourt sur des évènements sans importance. Comment pouvait-elle oublier tout cela ? C'était si loin dans sa mémoire. Elle se redécouvrait une jeune fille à travers ses propres mots. Elle se renseignait ainsi sur son passé et ses états d'âme. L'histoire de sa vie de l'âge à partir de ses neuf ans jusqu'à ses dix-huit ans. Tout y était : les déboires de ses parents, leur séparation et leur divorce. Elle remontait le temps avec son petit album de sa naissance avec sa mère. Elle défait les objets de place et les range de nouveau.
Elle pénètre dans la chambre de son père. Tout était soigneusement classé ; répertorié ; les livres sur son étagère ; les dossiers. La couette repliée dans le bas du lit rustique, elle s'assit dessus. Une impression étrange, d'un vide. Elle regarde les titres en se penchant. Les romans ne lui étaient pas inconnus.
Une photo coincée entre deux livres tombe. Au dos, le prénom de Rose, qui était-elle ? Puis, le nom de famille Poinsard. Ce patronyme frappe son esprit : n'était-ce pas ainsi que Valérie s'appelait ? Une enveloppe à l'intérieur du livre pour Valérie et Matthieu. Aude se tâtonne et hésite. Avait-elle le droit de lire dans les papiers de son père ? Ne le trahirait-elle pas par cette fouille dans son intimité ? Ne devait-elle pas respecter sa mémoire ?
Naître pour mourir avait-il un intérêt ? Vivre absolument. À quoi bon si ce n'est pour perdre les gens qu'on aime ? Une larme lui coule. Un profond dilemme et des interrogations subviennent. C'était tellement tentant. Pouvait-elle assouvir un besoin de connaître le contenu de ces mots adressés à autrui ? Elle tenait entre ses mains peut-être une chose lourde qui porterait préjudice à Valérie. C'est ce qu'elle imaginait, sinon pourquoi ce document serait-il là ? Pourquoi n'avait-il pas envoyé directement ? N'avait-il pas eu le temps ? Pris de court ? Pas le courage ? Sa curiosité la titillait trop, ce mystère l'excitait et ces papiers pouvaient révéler une chose importante. Elle ouvrit l'enveloppe. Des feuillets étaient à l'intérieur. Aude tremblait, son cœur s'accélérait. Elle se sentait mal. Elle déplia la première feuille :
 
Chère Valérie,
J'écris cette lettre et si vous la lisez en ce moment, c'est que je ne serais plus là. La visite chez mon médecin ne me donne pas beaucoup de temps à vivre. Je profite encore de ma lucidité et le pouvoir de vous adresser quelques mots. Ma chère Valérie, je n'ai pas oublié les trois années passées ensemble avec Matthieu. Je sais que je n'aurais pas dû succomber aux plaisirs charnels avec toi, même si ma femme et moi nous prenions de la distance pour nous remettre en question. Tu t'es présentée comme une déesse séductrice et charmeuse. Tu étais une vierge pure à mes yeux sous ton air timide avec tes parents. Un soir, cela se déroulait un week-end, tu es venue me voir. Tu t'es déshabillée. Tu étais nue et tu m'as dit : je t'aime. Tu as fermé à clé la porte de la chambre. J'avais cinquante ans et toi, vingt ans. J'étais ton premier homme. Tu m'as quitté pour Didier qui se rapprochait de ton âge. Je ne pouvais pas te retenir. Notre acte commettait beaucoup de dégâts dans notre famille au point de nous renier tous les deux. Mes enfants étaient étudiants. Ensuite, lorsque tu étais avec Didier, tu ne me représentais pas comme le père de Matthieu. Tu m'interdisais de lui dire à mon plus grand désespoir jusqu'au jour où tu es parti en voyage. Oui, je l'ai fait derrière ton dos, je ne voulais pas mourir sans qu'il ne sache. Pardonne-moi. J'ai cru que tu n'allais jamais revenir ou ne pas te revoir.
Je te confie une volonté de ma part : Matthieu sera le seul héritier, je lui lègue ma maison. Aude, Damien et Alexandre n'auront rien de ma part. Les liens ont été cassés depuis longtemps. Notre histoire a ravagé notre famille dès ton départ de chez moi. Ils se sont vengés en me sortant des mots abominables sur nous deux. Je les ai aidés financièrement pour leurs études. Après, je ne leur devais plus rien.
Je t'aime
Pierre.
Aude croyait que ses parents étaient déjà divorcés, juste séparés. Elle l'avait séduit. Ce n'était pas la version de son père. Son père lui mentait et contredisait sa femme Christine. Les enfants ne savaient plus qui racontait la vérité. Aude pensait depuis toujours que Valérie était responsable de l'échec du mariage des parents. Elle qui mettait son père sur un piédestal , il perdait définitivement toute estime. Elle lui en voulait déjà de ne plus être en couple avec sa mère. Valérie bernait tout le monde, même Didier. Elle passe à l'autre lettre :
 
Cher Matthieu,
Matthieu, j'aurais voulu avoir des liens avec toi. J'espère que tu honoreras ma mémoire. Ta mère partagera ses souvenirs de nous trois.
Je sais,  c'est difficile pour toi de digérer que ton père Didier n'est pas ton père biologique. Tu as mon sang qui coule dans tes veines. N'oublies pas que je t'aime. Sois indulgent avec ta mère ne lui en veuille pas. Dans la jeunesse, nous faisons par instinct ou par affection et parfois, les autres sont en désaccord et cela tourne au scandale. Tu entendras peut-être un jour des choses sur nous. Ne nous juges pas. La loi de l'amour n'est pas toujours égale à tous — dans le sens où les sentiments entre deux personnes ne doivent pas naître entre eux ; lorsque la génétique et la moralité ne permettent pas normalement.
Toutefois, tu es au même titre que mes trois enfants et tu seras l'héritier prioritaire à mes yeux. Les ponts sont coupés avec eux depuis si longtemps.
Je t'ai vu grandir de loin avec des nouvelles régulièrement ou tu me rendais visite de temps à autre. J'aurais voulu te dire et crier sur les toits que tu étais mon fils. Je regrette que nous n'ayons pas partagé des moments ensemble. Nous ne réécrirons pas notre passé et notre futur, c'est trop tard.
Ton père qui t'aime.
Pierre
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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