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Dojoji et autres nouvelles (1953) Yukio Mishima

Dojoji et autres nouvelles (1953) Yukio Mishima

Publié le 8 juin 2022 Mis à jour le 8 juin 2022 Culture
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Dojoji et autres nouvelles (1953) Yukio Mishima

Bienvenue au pays du soleil levant

Le recueil Dojoji et autres nouvelles est un extrait contenant quatre des dix nouvelles que compose La mort en été. Yukio Mishima a débuté la rédaction de ces récits en 1953 et l'a terminée en 1966, soit quatre ans avant son suicide rituel. La personnalité de l'auteur est assez fascinante : du côté paternel il est issu du monde de la paysannerie tandis que sa grand-mère maternelle, qui l'a élevé, était liée au monde des samouraïs. S'il on ajoute à cela des désirs homosexuels qu'il a osé mettre par écrit dans plusieurs de ses romans, et le fait qu'il se fut porté pâle pour la Seconde guerre mondiale, chose qu'il considérera longtemps comme une honte, cela donne un aperçu de la complexité de cet auteur. Ses nouvelles apportent un éclairage passionnant sur le Japon et sur une société orientale aux coutumes souvent éloignées de la nôtre. 

Le début

Dans un magasin d'antiquité, le vendeur réunit plusieurs acheteurs potentiels pour des enchères. Le lot d'exception est une grande armoire en bois d'acajou aux motifs baroques, que l'antiquaire qualifie d’œuvre unique en son genre. Trois hommes et deux femmes discutent de la valeur de l'objet, et commencent à surenchérir. Les caractères des uns et des autres se montrent au grand jour petit à petit, une des femmes montant les enchères juste après l'autre tandis que les hommes se montrent sceptiques. C'est alors qu'une voix se fait entendre, celle de la danseuse Kiyoko, qui désire plus que tous se procurer l'armoire, et à un prix très peu élevé. Le vendeur se sent offensé mais le jeune femme insiste, prétendant qu'elle connaît l'histoire de cet objet, et qu'une fois qu'elle l'aura racontée personne ne voudra l'acquérir.

Analyse

Quatre histoires forment Dojoji et autres nouvelles : Dojoji, Les sept ponts, Patriotisme et La perle. Elles sont toutes très différentes l'une de l'autre et mettent en valeur chacune des facettes de la société japonaise. L'une est une pièce de théâtre, l'autre a pour personnages principales des geishas, la troisième raconte le seppuku, ou hara-kiri, d'un samouraï, tandis que la dernière met en scène plusieurs dames de la haute société. Le talent de Yukio Mishima nous permet de plonger immédiatement dans ces univers à l'opposé les uns des autres et en quelques pages de nous faire adhérer à son propos. On est tout de suite happés par ces personnages et le suspens singulier qui émane de ces histoires est assez saisissant. Certaines histoires sont plus fortes émotionnellement que les autres, mais toutes possèdent en elles une intrigue originale et entraînante. 

Et tous ensemble, les récits racontés dans Dojoji et autres nouvelles apportent un éclairage sur le Japon et ses rites de passages. On pense particulièrement au suicide par éventrement que Yukio Mishima décrit avec précision, ce qui est d'une cruelle ironie quand on sait que l'auteur s'est réservé quelques années plus tard cette mort. Mais également au rituel de la cérémonie du thé, avec cette nouvelle fascinante où quatre dames de la hautes société révèlent chacune un caractère oriental bien trempé. Il est question d'honneur dans chacune de ces nouvelles, amis également d'attachement à la Patrie ou bien de fidélité. Derrière les masques apparaissent des mentalités solides et l'on découvre un Japon aux traditions bien ancrées qui s'apprête à entrer dans la modernité en cette deuxième moitié de vingtième siècle.

On retrouve ainsi dans Dojoji et autres nouvelles l’essence même du travail, et même de l’existence, de Yukio Mishima, faite de contradictions. Né dans la capitale japonaise, c’est un homme de la ville mais qui a reçu une éducation classique et intellectuelle, ancrée dans les traditions de son pays. Aussi bien attiré par les valeurs modernes et occidentales que par ses racines, il évoque avec concision les tourments des âmes dans ces courts récits. La passion semble demeurer le fil d’Ariane qui va nous guider entre cette épouse désespérée et cette danseuse délaissée, dans ces histoires dont les superstitions et autres rites ne sont pas sans évoquer les contes écrits par Guy de Maupassant. On se laisse ainsi transporter avec aisance dans ces univers grâce au style fluide de l’auteur et à sa puissance d’évocation sans pareille.

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