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Le rose et le noir (1996) Frédéric Martel

Le rose et le noir (1996) Frédéric Martel

Publié le 29 mai 2020 Mis à jour le 29 mai 2020 Culture
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Le rose et le noir (1996) Frédéric Martel

Les identités remarquables

Sous-titré Les homosexuels en France depuis 1968, Le rose et le noir a été pour la première fois publié en 1996, puis réécrit et augmenté pour une publication en 2000 puis en 2008. C’est le premier ouvrage de Frédéric Martel, qu’il a écrit au sortir de son DEA. Depuis une dizaine d’année le jeune homme d’alors est politisé : à 19 ans il se mobilisait contre le fameux projet de loi Devaquet, puis il a milité dans diverses structures gravitant autour du Parti socialiste, avant de travailler avec Michel Rocard ou Martine Aubry. Il a publié plusieurs ouvrages, alternant thématiques homosexuelles (Global Gay, Sodoma : enquête au cœur du Vatican) et socioéconomiques ou politiques (Mainstream : enquête sur la guerre globale de la culture et des médias, J'aime pas le sarkozysme culturel). Notons que ce premier ouvrage a bénéficié en 2002 d’une adaptation télévisuelle, Bleu, Blanc, Rose.

Un jeune garçon « aux cheveux bouclés » écrit dans Le nouvel observateur du 10 janvier 1972 un article déterminant pour beaucoup de ses congénère. Son nom est Guy Hocquenghem est son article, titré La révolution des homosexuels, raconte la vie d’un homosexuel de 25 ans dans la France pompidolienne. Il se souvient de ses années d’école, puis de lycée, où il se fait insulter, puis de sa liaison avec un professeur de philosophie. Il milite alors, politiquement engagé à la gauche de la gauche, comme de nombreux étudiants du pré mai 1968, dont il va être l’une des figures emblématiques. Il ne fait pourtant pas partie du Comité d’action pédérastique révolutionnaire, éphémère mouvement né dans les barricades et qui servira d’inspiration au fameux Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR), dont il sera un membre éminent, tout du moins au début de l’association.

Chronologiquement divisé en cinq chapitres, Le rose est le noir ambitionne de raconter trente ans de l’histoire des mœurs en France. La première partie, La révolution du désir, s’étend de 1968 à 1979 et raconte comment et pourquoi se sont créées en France, dans l’après mai 1968, des associations féministes et homosexuelles. Le deuxième mouvement s’intitule Le temps de la socialisation et couvre la période 1979-1984. Il évoque la figure de Michel Foucault, puis les espoirs et les désillusions suscités par l’accession au pouvoir de François Mitterrand. Ensuite vient La fin de l’insouciance, qui trace durant la décennie 1980 les « années sida » et la renaissance d’un mouvement militant. Puis la première partie des années 1990 est Le temps des contradictions, avec l’histoire d’Act up mais aussi la montée d’un consumérisme communautaire. Enfin Le combat des droits raconte l’épopée du Pacs entre 1997 et 2000.

Le travail effectué par Frédéric Martel dans Le rose et le noir est assez impressionnant. Le caractère quasiment inédit de cette histoire des mœurs françaises contemporaines, sous l’angle des luttes lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles (bien que ces deux derniers aspects ne sont que très peu ou pas évoqués) mérite d’être remarqué. Avec cet ouvrage, Martel participe à une construction identitaire importante, qui a fait date dans le monde académique et qui saura venir en écho à nombre de personnes. La minutie de ce travail, avant tout journalistique, a aussi de quoi marquer. On sent que l’auteur s’est énormément documenté, et qu’il met un point d’honneur à être précis, à la fois sur les dates des événements qu’il évoque, mais aussi lors des témoignages des personnes qu’il fait intervenir. Son impartialité, ou tout du moins sa partialité assumée, est enfin un point à mettre à son crédit.

Car dans son édition la plus récente, Le rose et le noir raconte « la bataille du Pacs », comme le nomme Frédéric Martel, lui qui a été un acteur de ce projet. Il ne s’en cache pas, et son point de vue sans ambiguïté sur certains des personnages de ce récit ne manque pas d’intérêt. On aura auparavant l’occasion d’avoir un aperçu de ce mordant au travers de sa plume acérée, notamment lorsqu’il évoque l’affaire du sang contaminé. On sent également son admiration, quoique lucide, lorsqu’il évoque des figures patronnesses de l’histoire LGBT comme Guy Hocquenghem ou bien Michel Foucault. Car une grande partie des passages de cet essai consiste en de courtes biographie des personnages clés de l’histoire, et c’est avec beaucoup d’intérêt que l’on de rappelle ces noms parfois oubliés de l’histoire contemporaine, et qui ont participé à ce que la situation des homosexuel-le-s ait tant évolué.

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