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Un certain Paul Darrigrand (2019) Philippe Besson

Un certain Paul Darrigrand (2019) Philippe Besson

Publié le 25 mai 2020 Mis à jour le 25 mai 2020 Culture
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Un certain Paul Darrigrand (2019) Philippe Besson

Aimer à perdre la raison

Avec Un certain Paul Darrigrand, Philippe Besson poursuit le sillon dans l’autofiction, qu’il a entamé en 2017 avec Arrête tes mensonges. Ce roman autobiographique traitait d’une histoire d’amour vécue à 17 ans par le personnage principal. Cette romance, fondatrice pour le jeune homme dans sa construction en tant qu’homosexuel, résonnait dans le vécu de son auteur. Celui-ci ne s’en cachait d’ailleurs pas, autant dans les entretiens de promotion pour le livre que dans l’utilisation du « je » pour qualifier les actions menées par son héros. Il nous prévenait alors dans la quatrième de couverture : « Aujourd'hui, […] je dis la vérité. Pour la première fois. Dans ce livre. ». Ce roman nous raconte cette fois ci la passion qu’il a vécu à l’âge de 21 ans, qui l’a visiblement marqué puisqu’il y reviendra encore en sortant six mois plus tard Dîner à Montréal.

Lors d’un déménagement, l'auteur retrouve une photo ancienne de lui avec un autre jeune homme, Paul, qui le trouble énormément. Il se souvient des circonstances durant lesquelles le cliché a été pris. C’était à l’île de Ré, où il était parti durant les vacances de noël avec trois de ses amis. Il se souvient alors des mois qui ont précédé ce moment. En juin, il finissait sa scolarité à Rouen, une école de commerce qu’il avait choisie à contrecœur, et où il s’est senti durant trois ans décalé par rapport aux autres étudiants. La ville ne lui plaisait pas plus, et il y a passé une existence frugale. Le week-end, il revenait parfois chez ses parents à Barbezieux, ou s’enfermait dans sa chambre à lire ou regarder la télévision. Ravi de quitter la Normandie, le jeune homme de 21 ans a décidé de s’ouvrir au monde en revenant dans sa région natale pour y poursuivre ses études.

On pourrait tout aussi bien nommer Un certain Paul Darrigrand Incertain Paul Darrigrand. Car le personnage décrit dans ce roman de Philippe Besson est insaisissable. Cet obscur objet du désir pour l’auteur, qui brûlera d’amour pour cette figure énigmatique, sera pour lui toujours fuyant. Et pour cause, disons les choses telles qu’elles sont : Paul refoule son homosexualité. La situation est sans doute plus compliquée pour lui, et Philippe Besson tente de nous l’expliquer en creux. Car Paul, après de brèves réticences, se lance à corps perdu dans une relation fougueuse avec le personnage principal du roman, Philippe. Il assume donc d’une certaine manière son orientation sexuelle, sauf qu’il va la taire au reste du monde. Et pour cause : Paul est marié à Isabelle, et il ne songe pas une seconde de la quitter, bien qu’éprouvant un amour que l’on peut penser sincère pour Philippe.

Tout ceci ressemble un peu aux Feux de l’amour au final. Un certain Paul Darrigrand ne se démarque pas vraiment de nombreux romans de Philippe Besson, qui a une fâcheuse tendance à rendre fleur bleue les situations qu’il raconte. On se croirait parfois devant du Harlequin où la seule différence serait que l’histoire d’amour dépeinte concernent deux hommes, et non une classique romance hétérosexuelle. L’idée est intéressante, mais elle sent le réchauffé : ce n’est pas la première fois que Besson a recours à cet artifice. L’auteur pousse d’ailleurs plus loin l’auto-référencement, puisque plusieurs des situations vécues par les protagonistes du roman ont déjà été racontées dans d’autres de ses livres. Et il ne s’en cache pas, citant lui-même par exemple Son frère ou Un garçon d’Italie. D’aucuns pourraient prendre cela pour de l’honnêteté, d’autres pour un excès de vanité.

D’autant plus que dans Un certain Paul Darrigrand, Philippe Besson utilise encore une fois les mêmes ficelles d’écriture qu’il a adoptées depuis quelques temps. Les phrases courtes sont nombreuses, et les digressions sont entre parenthèses. On se demande pourquoi l’auteur systématise ce procédé qui ne fait qu’alourdir la lecture et qui n’apporte pas grand-chose. Cela ressemble plus à une posture pour Besson, qui se pose en digne héritier de Marguerite Duras, mais il a du mal à atteindre sa puissance évocatrice. Pourtant à certains moments on retrouve les quelques fulgurances de sensualité dont été truffé son premier roman, En l’absence des hommes. C’est à croire si le talent de Philippe Besson n’est pas plus aiguisé lorsqu’il raconte des histoires complètement fictionnelles plutôt que de ressasser des moments vécus qui, même romancés, ne parviennent pas à convaincre.

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