Théorie du film (2010) Siegfried Kracauer
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Théorie du film (2010) Siegfried Kracauer
Du cinéma en tant qu’art et de son ancrage dans le monde réel
Il a fallu 50 ans aux lecteurs français pour pouvoir lire Théorie du film. Théoricien du cinéma, Siegfried Kracauer quitte l’Allemagne au début des années 1940 et part se réfugier aux États-Unis après un exil français. Il publie d’ailleurs dès 1947 un livre qui fit grand bruit (et dont la traduction française fut elle aussi tardive) : De Caligari à Hitler. Une histoire psychologique du cinéma allemand. Treize ans plus tard sort donc aux États-Unis cette Théorie du film, judicieusement sous-titrée La rédemption de la réalité matérielle, et le livre est resté longtemps une légende pour nombre de ses lecteurs non seulement car les théoriciens du cinéma ne sont pas légion mais qu’en plus l’auteur y apporte des idées peu orthodoxes.
Qu‘est-ce que le cinéma, en quoi certains films ont-il une affinité plus particulière avec le médium et sont-il pour autant des œuvres d’art : telles sont certaines des questions auxquelles Siegfried Kracauer s’efforce de répondre dans son essai. Il le fait à travers une comparaison du cinéma avec les autres arts : l’héritage qu’il possède de la photographie et les points communs qu’il peut avoir avec le théâtre ou la littérature. L’auteur décortique également tous les éléments du film : l’image, les dialogues, la musique et le son, et les replace dans leur contexte historique. Il établit également une classification des films selon leur contenu et selon leur nature.
Le terme directeur de Théorie du film est celui de réalité matérielle. Pour Siegfried Kracauer, un film n’est fidèle au médium cinématographique que s’il nous permet d’appréhender la réalité sous quelque forme qu’elle soit. Un metteur en scène devra donc mettre en œuvre son talent pour nous montrer le monde physique tel qu’il existe et le mettre en évidence grâce aux procédés cinématographiques. Ainsi un gros plan nous mettra en évidence des détails qui ne nous seraient pas accessibles à l’œil nu et un plan large mettra en valeur des éléments clé que notre vision n’embrassera pas forcément dans son ensemble.
C’est pourquoi les intrigues de types théâtral et les adaptations verbeuses de roman ne sont pas, selon Siegfried Kracauer, des formes adaptées au médium qu’est le cinéma, et qui est né dans la droite continuité de l‘art photographique. Les conceptions développées dans Théorie du film ne sont donc pas forcément très classiques, et certaines ont dû faire débat. L’essai n’était déjà pas très moderne à la date de sa sortie : l’auteur fait majoritairement référence à des films du débuts du cinéma aux années 1930 ou 1940, et affiche clairement sa préférence à l’ère du muet.
Pour Siegfried Kracauer, le passage au parlant, en ce qu’il a permis à certains films de donner une place prépondérante aux dialogues par rapport aux images, constitue presque un contresens par rapport aux visées initiales du cinéma. L’essai est ardu, il possède de nombreux développements théoriques peu faciles à intégrer et fait référence à tant de films qu’il est difficile de tous les connaître. Théorie du film n’en reste pas moins un outil riche et fortement intéressant pour les critiques et les amateurs de cinéma cherchant à développer quelques concepts qui mettent le cinéma en perspective avec son époque et les autres arts.