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Le séga est dans les détails

Le séga est dans les détails

Published May 2, 2023 Updated May 2, 2023 Music
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Le séga est dans les détails

 

 

Troisième partie : rayonnement du maloya (6)

 

Géographie contraire

En 1970, le séga fait une nouvelle apparition. Cette fois cela semble plus sincère. La chanteuse Isabelle Aubret reprend sur un 45 tours le titre Allez Baba, du ségatier mauricien Serge Lebrasse. Isabelle Aubret était une figure incontournable de la chanson française dans les années 60, elle avait gagné le concours Eurovision avec la chanson Un premier amour en 1962 et avait représenté la France une seconde fois en 1968. Quand elle enregistre Allez Baba !, elle est au sommet de sa gloire et le disque bénéficiera d'une très bonne couverture médiatique. La chanteuse parvient à prendre des intonations créoles assez convaincantes mais cette reprise sonne malgré tout un peu trop chanson française. Si le disque fait de bonnes ventes et est plutôt bien reçu, ce succès passager ne permet encore pas vraiment au séga de s'installer.

 

Maurice et La Réunion sont des îles très lointaines. Les chanteurs ne se déplacent pas, leurs disques arrivent difficilement jusqu'en métropole. Le public n'est pas assez curieux, et surtout il n'a pas la possibilité d'aller chercher à l'autre bout du monde des disques dont il soupçonne à peine l'existence et que les labels et les médias ne lui servent pas. Il était plus facile aux travailleurs jamaïcains de rapporter des disques de rythm and blues des États-Unis qu'aux français de métropole de savoir ce qui se passe sur la scène de ses départements et territoires d'outre-mer. Et puis la France, il faut bien le reconnaître, en ce qui concerne la culture, a une grosse tendance à l'égocentrisme et peut parfois manquer d'ouverture d'esprit. C'est probablement dû à son héritage culturel massif, et aussi à son petit côté vieux continent.

Allez Baba ! reste un succès ponctuel de plus, qui n'ouvre pas les portes au séga. Isabelle Aubret n'a pas réussi à faire ce qu'avait fait Eric Clapton avec sa reprise de I Shot the Sheriff. Pourtant l'intention de départ était la même : reprendre la chanson d'un artiste originaire d'une ancienne colonie et l'adapter au marché actuel de son pays. Mais Allez Baba ! n'est pas I Shot the Sheriff, et Isabelle Aubret n'est pas Eric Clapton. Cela ne peut pas fonctionner à tous les coups.

 

Ambalaba

Par  ici la musique.

maxime leforestier ambalaba

maxime leforestier ambalaba a

En 1988, c'est au tour de Maxime Leforestier d'entreprendre avec succès l'aventure séga. Il sort l'album Né quelque part, dont le single Ambalaba est extrait. Ambalaba est à l'origine une chanson de Claudio Veeraragoo, un ségatier mauricien, comme Serge Lebrasse. C'est d'emblée un immense succès qui suffit à lui seul à relancer la carrière d'un Maxime Leforestier alors en pleine traversée du désert. Les radios martèlent le titre à longueur de journée, et le public se familiarise à nouveau avec cette langue coulante qu'est le créole :

 

« Tout c' que ti besoin moi donne toi

Ti robe à fleur moi donne toi

Chapeau la paille, tu peux gagner

Tu fais toucatacata dans mon la case

 

Ambalaba »

 

Le chanteur est juste dans son interprétation, subtil, il n'en fait pas des tonnes. Mais encore une fois le succès n'est que ponctuel. Claudio Veeraragoo est l'auteur de plus de trois cents chansons, mais on ne retiendra que Ambalaba, et encore, seulement la version de Maxime Leforestier. L'auteur original, on oubliera même son nom, de toute façon imprononçable, un nom à coucher dehors, dans un hamac tendu entre deux palmiers, ah ce sont bien eux les plus heureux... L'oubli est un peu réparé en 2016, quand le label Strut publie la compilation Soul Sok Séga, consacrée à la musique mauricienne sur laquelle figurent deux chansons de Claudio Veeraragoo.

 

Le séga est dans les détails

C'est comme si le séga n'avait pas de réelle existence en dehors des quelques bribes parvenues jusqu'à nous, comme si la métropole occultait de ses pensées tout un territoire pour ne considérer que quelques détails. Le cas d'Ambalaba est très révélateur : il ne s'agit que d'une chanson sur plus de trois cents. La part que l'on connaît est infime, dérisoire. Une seule chanson sortie d'un ensemble et brièvement mise en lumière ne suffit pas à éclairer la toile de fond, ni même à nous la laisser deviner.

Eric Ausseil est lui aussi dans les détails.

 

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