La pluie tombait, Anastasia pense avec nostalgie aux étés passées au campement. Elle cherche quelques photos, elle en avait si peu... On ne photographie jamais les lieux dans lesquels on pense pouvoir revenir tout le temps, ni les personnes qu'on croit avoir pour toujours à ses côtés.  C'est grâce au plus banal des gâteaux d'anniversaire, s'il reste une photo des splendides tableaux de maîtres au mur de la maison de son enfance. D'Ahmad elle en avait juste une de souvenir dans les anciens locaux du Centre d'Ahmed Baba peu avant que la Grande Bibliothèque soit trenferé dans les nouveaux bâtiments.  S'il y en a une du campement c'est pour célébrer la nouvelle théière en émail remmenée en cadeau de Bamako. Du fils de Slymane on avait une image parce qu'il jouait à côté des bijoux, qu'on devait montrer aux chefs de la maison de l'Artisanat en centre-ville.

De Ramya juste un cliché pour lui montrer comment fonctionne la caméra du téléphone portable «Déjà que grâce à ça on peut parler aux gens à Bamako comme s'ils étaient derrière le buisson... Ce n'est pas trop lui demander de prendre aussi des photos? ... comme les grands appareils des messieurs étrangers, ceux qui donnent à Ahmad presque autant d'argent qu'un Azalaï pour faire trois jours sur les dromadaires, en ronde à quelques kilomètre du campement ?», « Non, ce n'est pas trop lui demander. Attends, ne bouge pas. Voilà... Tu vois ? C’est ta photo ! », « Oh...je suis si jolie ? », « Bien-sûr et encore plus... », « encore plus que dans cette photo ? », « oui... », « mais ne je suis pas si blanche, en réalité ... », « oui, tu es si blanche, en réalité. Tu as la peau fine comme celle des anges » lui avait répondu en se demandant quel taux d'anémie avait pu rendre si pâle une Kel tamachq.

Enfin, de sa sœur du désert – de cette femme majestueuse que des centaines de fois s'était levée pour retirer du feu la taguella avec ses mains nues – ce que lui restait était un collier et son souvenir gravé dans le cœur.  

Autres Nomades, Paris 2016