André 7/15
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André 7/15
Il était arrivé avec un quatre-quatre, en pleine nuit, dans le campement saharien. Le chef de tribu ne dormait jamais plus de trois nuits au même endroit. Il ne s’était pas levé quand André était rentré sous sa tente bédouine, avec un pan relevé et maintenue ouverte par deux piquets en bois massif sculpté. Il était couché sur le côté, il regardait le ciel étoilé. Il lui avait fait signe de s’asseoir. On lui avait offert des dattes, du thé chaud. Du désert, au-delà du feu du campement, on ne voyait que les lignes des dunes encore plus sombres qu’un ciel noir. Des sables où la lumière des étoiles se laissait engloutir en délimitant ainsi ciel et terre. Il était resté assis à côté du chef de tribu qui, semi-allongé, ne parlait pas. Une heure, deux heures, trois heures. Puis le chef s’était levé, il l’avait regardé dans les yeux, l’avait congédié avec un geste de la main et était parti se coucher.
Le lendemain matin, il lui avait dit :
— Pour moi, c’est oui. Dites-moi ce qu’il vous faut.
— Oui à quoi?
— Je vais vous accorder ce que vous êtes venu demander hier soir.
—Mais je n’ai rien demandé, nous n’avons pas parlé.
—C’est pour ça que je vous l’accorde. Moi, les personnes, je les évalue par la force de leur silence.
Il était parti, le laissant avec ses trois meilleurs hommes. Ils avaient passé dix jours à étudier les cartes, discuter, planifier. Puis, il avait quitté le pays, mais pour la première fois de sa vie, il avait eu l’impression de faire part de quelque chose, d'être rentré en contact avec un vrai monde, non pas avec un simple lieu d'intervention. Le monde le plus lointain que l’on puisse imaginer. Un monde absolu, qui avait échappé aux mailles du temps. Un monde qu’il avait fait sien par le silence.
Autres Nomades, Paris 2016