Un loup à ma table (2009) Augusteen Burroughs
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Un loup à ma table (2009) Augusteen Burroughs
Comment j'ai tué mon père
Sixième roman de son auteur (dont seulement quatre ont été publiés en France), Un loup à ma table est une autofiction. Comme à son habitude Augusteen Burroughs brode à partir de son vécu une histoire qui lui ressemble mais n'est, on l'espère, pas totalement véridique. Il faut dire que le petit Augusteen grandit au milieu des années 1960 en Pennsylvanie entre une mère poétesse maniaco-dépressive et un père alcoolique et violent. Plus tard il ira vivre dans une espèce de communauté dirigée par un gourou qui se fait passer pour un psychiatre et lorsqu'il aura enfin pris son indépendance il succombera à la dépendance de l’alcool. Tout ça il le raconte dans plusieurs de ses romans, avec une plume acerbe et pas mal d'humour qui l'aide semble-t-il à exorciser toutes ces expériences sans doute douloureuses.
Dans un rêve, le jeune Augusteen imagine son père le poursuivant dans une forêt obscure, une arme à la main. Il court le plus vite possible pour lui échapper et parvient tant bien que mal à y arriver. Ses premiers souvenir d'enfance sont épars, ce sont quelques images de sa mère ou de son frère lorsqu'il avait un ou deux ans. Mais son père demeure absent de ses premiers souvenirs alors qu'aux dires de sa mère il était bien là. Il se souvient de ce voyage au Mexique où quand il avait cinq ans sa mère avait souhaité l'emmener avec sa meilleure amie et son fils Peter. Un jour celui-ci disparaît en pleine foule et c'est la panique générale. Tout le monde le cherche et bien qu'on le retrouve vite cet événement reste marqué dans la mémoire d'Augusteen. Mais lors de voyage son père n'était pas là et le garçon a l'impression qu'ils essayent constamment de fuir quelque chose, ou quelqu'un.
D'un point de vue psychanalytique, Un loup à ma table est très intéressant. Les personnages ont tous une névrose plus ou moins grave : la mère est dépressive et se réfugie dès qu'elle le peut dans la solitude, le frère est absent de façon chronique et fuit le cocon familial. Et le père, personnage incontournable du roman, est un homme violent, qui n'hésite pas à humilier son fils ou à maltraiter sa femme. C'est un homme dangereux qu'Augusteen craint autant qu'il l'aime, et aura toujours un besoin irrépressible de se faire aimer de lui.
À un tel point qu'il va jalouser les garçons qui grandissent sans figure paternelle et n'ont pas cette hantise de ressembler un tant soit peu à cet être qu'il méprise au fond de lui. Avec beaucoup d'humour Augusteen Burroughs nous narre ces épisodes parfois anecdotiques parfois douloureux qui ont égrené son enfance et qui on fait de lui l'homme qu'il est. C'est donc avec beaucoup d’auto-dérision qu'Un loup à ma table se fait l'écho de cette jeunesse tourmentée. On sent la dureté de ce qui nous est raconté mais l'on ressent également combien Augusteen Burroughs a accompli un travail sur lui-même pour surmonter tout ça.
Certaines parties de sa vie ne sont pas évoquées dans Un loup à ma table, car elles le sont dans d'autres romans de l'auteur comme Courir avec des ciseaux ou bien Déboire mais le peu qu'il nous en raconte nous donne envie de plonger dans ces histoires. Cela pourrait paraître impudique que d'entrer de cette façon dans l'intimité de ce personnage mais l'élégance de l'écriture et le recul avec lequel sont évoqué les aventures du héros donnent une cohérence fictionnelle à l'histoire. Une histoire peu banale, tour à tour effrayante et touchante, souvent passionnante.