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Dans les limbes

Dans les limbes

Publié le 5 juil. 2020 Mis à jour le 5 juil. 2020 Culture
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Dans les limbes

 Dans les Limbes de Jack O’Connell est un roman classé parmi les thrillers. Mais il ne faut pas bien longtemps avant que le lecteur comprenne qu’il est bien loin de se limiter à cette étiquette.
Il y a beaucoup de choses qui se bousculent et qui cohabitent dans ce roman : du fantastique, de l’onirisme, de la science, de l’intimiste, de l’aventure, du polar… et surtout une intrigue à double-fond qui vous happe et vous entraîne dans des contrées que vous ne soupçonniez pas… Quelque part entre le monde physique et le monde de l’esprit, entre réalité et rêve il y a les limbes…

 
Sweeney est pharmacien. Il accepte un poste dans la renommée clinique privée du docteur Peck à Quinsigamond (la ville imaginaire dans laquelle se déroulent tous les romans de O’Connell). Cette clinique soigne exclusivement les personnes dans le coma et Sweeney parvient à y faire hospitaliser son fils Danny, plongé dans le coma depuis plusieurs mois. Sweeney n’a jamais perdu l’espoir de guérir son petit garçon et les méthodes non conventionnelles du docteur Peck sont leur dernière chance.
Avant son accident Danny était un fan inconditionnel du comics
Limbo, une bande dessinée où sont relatées les aventures d’un groupe de monstres de foire à travers les contrées du pays imaginaire de Géhenna, emmené par Chick l’enfant-poulet et Bruno l’hercule de foire. Son père continue encore et toujours de lire ses comics à son petit garçon dans le coma.
Et Sweeney ne va pas tarder également à découvrir le lien inattendu qui unit la clinique dans laquelle il vient d’arriver à un gang de bikers (
Buzz et ses « abominations ») qui squattent l’usine désaffectée de prothèses de la ville…

Le récit s’articule autour de deux histoires menées en parallèle : ce qui se passe à la clinique et ce qui se passe dans le comics
Limbo. On passe donc de chapitre en chapitre de la réalité où se côtoient des bikers fous, des toubibs très spéciaux et un Sweeney qui est de plus en plus souvent sujet à des rages noires et des pertes de mémoire, au monde imaginaire de Limbo qui m’a furieusement fait penser à un mix entre le Freaks de Tod Browning et la série HBO Carnival (excellente série en 2 saisons qui voit s’affronter les incarnations du bien et du mal au sein d’une foire itinérante des années 30 aux USA). D’ailleurs pour mieux ancrer la partie Limbo dans le monde des comics, la fonte d’écriture change dès qu’on évolue dans ce monde là, (elle passe en Comic sans MS, fonte utilisée couramment dans les comic-books).

O’Connell est un sacré raconteur d’histoires, en un rien de temps il vous fait plonger dans son récit et on a du mal à lâcher le bouquin tant on a envie de savoir ce qui va se passer. Étonnamment c’est la partie consacrée aux phénomènes de foire qui m’a le plus accroché, alors que j’aurais parié l’inverse au début. En cours de lecture, on ne peut pas s’empêcher de faire des liens entre les deux histoires, entre ce qui se passe dans le monde de Sweeney et dans celui de
Limbo. L’auteur tisse sa trame en finesse, il ne surligne pas à outrance les recoupements et concordances entre les personnages du comics et ceux de la réalité mais laisse faire au lecteur ses propres comparaisons et au fur et à mesure sème ça et là des indices qui nous permettront de faire nos propres hypothèses (qui ne se vérifieront pas forcément d’ailleurs). C’est là la force de O’Connell mais peut-être aussi ce qui pourrait être reproché par certains à son livre : il y a une très grande part laissée à l’interprétation de chacun. L’onirisme, l’imaginaire sont des mondes très personnels, chacun en a sa propre approche et l’auteur n’impose pas un décryptage unique à son histoire. Un peu comme un film de David Lynch (allez, mon préféré Mulholland Drive par exemple) où d’un spectateur à l’autre on n’aura pas forcément compris les mêmes choses mais dont on ressort profondément marqué par ce qu’on a vu.

Je l’avoue, la conclusion du livre a été pour moins une petite déception, mêlée d’une touche de frustration de ne pas en savoir plus. Parce qu’on n’a pas de fin mot de l’histoire à proprement parler. On a un dénouement, mais il reste ouvert à l’interprétation que chacun voudra bien en faire. En particuliers la fin de la partie
Limbo est à la fois forte et marquante, mais assez déroutante en même temps.
Bizarrement, avec le recul, je ressens moins cette déception qu’au moment où j’ai terminé le bouquin. Aujourd’hui quand j’y repense c’est avant tout la qualité d’écriture et le pouvoir addictif du roman que j’ai retenus. Une impression très largement positive donc. À mon avis ce Jack O’Connell que je ne connaissais pas du tout est un écrivain à suivre, on le sent évoluer dans un univers bien à part et très personnel, pas conventionnel pour un sou. Dans
Dans les Limbes il aura su avec brio mêler l’action au fantastique, tout en ménageant le suspense et en faisant la part belle à la réflexion et à l’immersion du lecteur dans l’histoire.
Lecture chaudement conseillée donc !

 

Cet article a été initialement publiée sur mon blog : www.moleskine-et-moi.com

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