Maudit Karma
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Maudit Karma
Un humour décalé et corrosif. Une situation originale et un brin ironique. Des rebondissements et de l’inattendu. Voilà ce que ce roman de David Safier promettait. Voilà ce à quoi je m’attendais donc. Bon, j’ai été déçu.
Laissez-moi vous exposer d’abord de quoi parle ce roman, Maudit Karma de l’auteur allemand David Safier. C’est l’histoire de Kim Lange, une animatrice de télévision au sommet de sa gloire. Belle, intelligente et prête à tout pour sa carrière, elle succombe pourtant de manière inattendue et plutôt incongrue, peu après avoir remporté le prix de la meilleure animation d’une émission télévisée. Mais loin d’être la fin, ça n’est que le début de son histoire. Car à peine trépassée, la voilà présentée à Bouddha, qui lui apprend que durant son existence elle a accumulé une quantité importante de mauvais karma, et va devoir en répondre au cours de sa prochaine réincarnation. En effet, Kim reprend ses esprits dans le corps d’une fourmi, membre d’une fourmilière située justement… dans le jardin de son ancienne maison. Elle assiste ainsi à la vie d’Alex, son veuf de mari, et de Lilly, leur petite fille de cinq ans, se rendant bien compte à quel point elle les avait négligés jusqu’ici. Qu’à cela ne tienne, Kim est bien décidée à regagner du bon karma, afin de regrimper dans l’échelle des réincarnations et pouvoir ainsi se rapprocher de plus en plus de sa famille. Au cours de cette quête elle va rencontrer un acolyte improbable en la personne de Casanova. « Le » Casanova historique de Venise, grand séducteur devant l’éternel, lui-même réincarné inlassablement en fourmi depuis des siècles. Mais Kim ne compte pas se contenter de son sort, d’autant que Nina, son amie d’enfance, se rapproche de plus en plus d’Alex et risque bel et bien de prendre sa place au sein de sa famille...
Bon. Je sais, moi aussi j’étais un poil dubitatif devant ce pitch de départ. Mais, me suis-je dit, c’est parfois dans les moments les plus inattendus qu’on a les plus belles surprises. Pas cette fois-ci malheureusement.
Non pas que le livre soit foncièrement mauvais. Il ne m’est pas tombé des mains en cours de lecture, au contraire, j’ai même été agréablement surpris de ce point de vue : il se lit vite et facilement. C’est plutôt fluide, il n’y a pas trop de temps morts, et le style n’est pas déplaisant. Même l’humour n’est pas complètement à jeter, il y a des trucs réussis, j’avoue avoir souri l’une ou l’autre fois. Non, le problème se situe ailleurs à mon sens. C’est un sentiment diffus qui m’a accompagné pendant toute la durée de la lecture de ce roman. L’impression de cliché. C’est même plus subtil que cela : en fait j’ai eu l’impression qu’à tant vouloir sortir des sentiers battus, à tant vouloir paraître original, cela en devenait cliché. Pas tant dans les idées ou les situations couchées sur papier par l’auteur (effectivement plus d’une sort de l’ordinaire), mais dans ses intentions-mêmes. En effet, on ne s’attend évidemment pas à voir l’héroïne se réincarner en doryphore ou en cochon d’inde par exemple, cependant la finalité de tout cela est totalement attendue et tristement banale. Au point d’ailleurs que David Safier pousse d’un cran supplémentaire le bouchon dans le sens du too-much, avec un final happy-end complètement raté, qu’on voit venir de loin, et que j’ai pourtant trouvé en même temps totalement pas crédible du tout. Notez tout de même que j’avais accepté le principe des réincarnations et de Bouddha qui apparaît au début de chacune d’entre elles pour faire un petit speech, et donc que j’étais plutôt large d’esprit dans ma conception du « crédible ». C’est dire si la fin choisie par l’auteur m’a paru naze.
L’autre gros point noir, toujours selon moi, de ce roman, ce sont ses personnages. Je parlais de clichés plus haut, là on pourrait évoquer la caricature pour varier un peu le champ lexical de cet article. Alors oui certes, il faut se replacer dans le cadre d’un roman humoristique, léger et sans grande ambition (enfin là je préjuge peut-être des intentions de l’auteur, si ça se trouve le gars pensait livrer un ouvrage de fond et un outil de profonde réflexion, va savoir…), qui permet donc de ne pas trop approfondir les caractères des personnages. Mais quand même, de là à tout faire à la truelle, autant exercer ses talents en tant que maçon, plutôt qu’en tant qu’écrivain. Les dialogues, entre autres, m’ont vraiment semblé parfois très légers. Quant à la définition des caractères, comme je le disais plus tôt, on se croirait plus volontiers dans un article de presse féminine au rabais* que dans un roman digne de ce nom. Est-ce parce que l’auteur est un homme et que son personnage principal est une femme que c’est aussi simpliste et plus prévisible qu’une recette d’œuf au plat ? Ce serait sexiste comme explication (en temps normal un personnage et son auteur ne devraient pas être forcément du même sexe pour que le texte soit crédible), alors j’imagine que ça tient à d’autres facteurs que je n’ai pas su remarquer. Tiens, pour essayer de vous illustrer mon impression de lecture, il y a une formule que je trouve totalement appropriée : Kim, l’héroïne qui passe par différentes réincarnations tout au long du roman, est ce qu’on qualifierait du néologisme si horripilant et pourtant à la mode actuellement : une fille attachiante. Voyez ce que je veux dire ?
En fait, je crois que j’aurais dû commencer par ça, l’article aurait été plus vite écrit. Maudit Karma est l’histoire d’une fille attachiante qui se réincarne en fourmi. Tout est dit.
À moins donc, d’être vous-même une fille attachiante, je me permets de vous déconseiller la lecture de ce roman qui de toute manière a connu un immense succès populaire, et qui je pense ne souffrira pas de mes pauvres petites recommandations d’aller lire ailleurs...
*quitte à me faire traiter d’horrible machiste autant préciser ma pensée : c’est l’exemple qui m’est venu pour singulariser cette propension à se vautrer dans le cliché et le manque de subtilité des personnages...
Cet article a été initialement publié sur mon blog : www.moleskine-et-moi.com