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Le poète et l'analphabete (poème sur le rapport à l'argent et au monde)

Le poète et l'analphabete (poème sur le rapport à l'argent et au monde)

Publié le 29 mars 2022 Mis à jour le 29 mars 2022 Culture
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Le poète et l'analphabete (poème sur le rapport à l'argent et au monde)

Un échevin et sa femme, Marinus van Reymerswale (vers 1490/1495–1546?), 1538.

 

Le poète et l'analphabète

 

L'Analphabète :

Eh toi là le poète

 

Le Poète :

moi

 

L'Analphabète :

toi le lépreux des banques

toi le gueux des calanques

 

Le Poète :

quoi

 

L'Analphabète :

pourquoi es-tu en fête

ta main est-elle heureuse

aux jeux ou en amour

dans tes joutes fiévreuses

pour ainsi tour à tour

danser

chanter

et rire

 

quand tous dans notre monde

des greniers aux sous-sols

pleurons les fruits immondes

de nos ors nos pistoles

épiées

blessées

martyres

 

quel trésor caches-tu

quelle arme opposes-tu

sous ton casque fendu

dans tes poches rendues

éclaire-nous poète

 

Le Poète :

hélas analphabète

mon trésor pour toujours

te sera inconnu

car tes mains sous la nue

immanquablement courent

et jamais ne s'arrêtent

 

elles comptent recomptent

les intérêts des prêts

les lisant comme un conte

loin des attraits des prés

 

loin des charmes des dunes

sans le souffle des prunes

sans les pinceaux des arbres

qui colorent mes larmes

 

car quoi ni toi ni moi

n'avons voulu ce toit

cette maison sans clé

ce landau sans les fées

 

alors à tout choisir

des banques aux palais

des diamants aux saphirs

je traîne mon boulet

 

L'Analphabète :

quoi poète

toi si noble

claire tête

des vignobles

 

toi qui portes ces hardes

comme moi mon blason

vers ces ports ces campagnes

sous toute lunaison

 

tu prétends supporter

un poids au mien pareil

un poids dont les années

dégradent mes soleils

 

Le Poète :

oui

oui ma seule richesse

celle qui éblouit

mes nuits oh mes pauvresses

n'est qu'une vaine impie

 

coque pleine d'injures

nef sacrée de parjures

mots refusés du monde

sons perclus jusqu'aux tombes

 

ma tunique de boue

mes jambes grelottantes

pailletées des cailloux

des enfants de la lande

 

brillent des éclats d'or

pourtant que les doux anges

envoient aux sémaphores

au milieu de ma fange

 

je suis je sens je sais

mais ma voix seule face

aux tintements des pièces

n'est jamais qu'un dadais

 

L'Analphabète:

ah file vil manant

je comprends maintenant

ton gribouillis savant

tes mots pour mon argent

 

va chacun sait combien

les chanteuses de sort

ne connaissent sans frein

que le cours des louis d'or

 

Le Poète :

les seuls cours que je suive

sont ridés de silures

longés de frêles grives

et embaumés d'augures

 

L'Analphabète :

va je n'achèterai

aucun secret fût-il

susurré par les fées

 

Le Poète :

ton or est ton exil

 

Ce poème est en quête d'un(e) illustrateur(trice), n'hésitez pas à vous faire plaisir !

D'autres textes, poétiques ou non, à retrouver sur mon site :

www.jaimecrire.over-blog.com

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