Épisode 28 : Retour à la vie
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Épisode 28 : Retour à la vie
Enfin la fièvre de Siegfried semble tomber, et il a l'air d'aller mieux à force de soins. Mélusine lui caresse le front et il lui paraît moins chaud. Il ne tremble plus, il ne s'agite plus.
Elle ne s'est pas reposée bien longtemps. Une pensée tenace la maintenait éveillée malgré toute sa fatigue accumulée : et si Siegfried reprenait conscience en ne la trouvant pas à ses côtés ? Elle est contente d'être à son poste, de pouvoir être là au moment où il se réveille. Il n'a plus de forces. Quand a-t-il pu manger pour la dernière fois ? Depuis une semaine, il n'a fait que boire. On a bien tenté de l'alimenter par ce biais en lui donnant soupes claires et tisanes, mais ce n'est pas suffisant. Elle donne des ordres pour lui faire préparer de la nourriture légère certes - son estomac de convalescent n'en supporterait pas plus - mais plus consistante.
Il dort encore plusieurs heures. Cette nuit, quand elle était seule à le veiller, elle s'est glissée à son flanc pour le rafraîchir de tout son corps. Elle a pris sur elle un peu de sa souffrance en absorbant son excès de chaleur autant qu'elle a pu le supporter. Autant, aussi, qu'elle en avait le temps avant que le jour se lève et que des domestiques les rejoignent pour faire ce qu'ils avaient à faire : elle ne tenait pas à inspirer d'inévitables commentaires grivois sur ce qui n'a même pas été. Ce qu'elle a fait n'était sans doute pas grand-chose, mais parfois peu de chose suffit pour faire une différence. Et maintenant, elle attend.
Elle attend encore. Elle écarte les mèches séchées qui collent encore au front de Siegfried. Il paraît moins agité, moins torturé, moins apeuré. Tellement moins qu'en comparaison de ce qu'elle a pu voir pendant toute cette semaine qui vient de s'écouler, il lui paraît franchement apaisé. Même si en réalité, ce n'est pas encore ça.
Les domestiques, eux, qui subissent de front le caractère orageux de leur maître et qui ne le voient pas avec les yeux de l'amour, ne sont pas dupes et restent sur leurs gardes. À vrai dire, chacun d'entre eux souhaite ne pas être là au moment où il se réveillera. Dieu sait quelle mauvaise surprise de derrière les fagots il est encore bien capable de leur réserver. Ses colères sont aussi imprévisibles qu'elles sont terribles, on ne peut jamais dire à l'avance sur qui elles vont s'abattre. Madame la Comtesse est la seule qui soit à peu près capable de le gérer, d'ailleurs elle tient à être présente à son réveil, alors ils préfèrent la laisser se débrouiller, toute seule si ça se trouve. D'ailleurs personne ne sait très bien comment elle fait. On se dit qu'elle a sûrement, comment dire, des arguments que nul autre qu'elle ne possède. Et après tout, qui dit que sous ses dehors si doux, si discrets et même parfois angéliques, elle n'est pas en réalité la cause des humeurs de son homme ? Qui dit qu'elle n'a pas deux visages et qu'elle ne lui monte pas la tête contre le monde entier dès qu'ils se retrouvent seuls ? Parfois il faut se méfier des gens qui paraissent trop gentils. Si elle l'était autant qu'elle peut parfois en avoir l'air, ne réussirait-elle pas à l'adoucir ?...
Lorsque Siegfried se réveille enfin, les craintes des domestiques semblent justifiées. Siegfried regarde autour de lui et demande où il est. Mélusine, assise sur une chaise à la tête du lit, se penche vers lui, lui prend la main et lui répond.
- Tu es chez toi, Siegfried, à Lucilinburhuc.
Il ferme les yeux, de nouveau, lâche la main de Mélusine, se prend la tête dans les mains :
- Comment suis-je arrivé ici ? Depuis combien de temps suis-je là ?
- Tu es là depuis une semaine.
Il s'immobilise brusquement en ouvrant des yeux effrayés.
- Une semaine ?!... Que s'est-il passé depuis une semaine ? Pourquoi suis-je dans ce lit ?
Il essaie de se soulever, n'y arrive pas, retombe.
- Pourquoi suis-je si faible ? Je n'arrive même pas à me lever... aide-moi s'il te plaît.
Mélusine lui prend la main, lui soutient le dos et l'aide à s'asseoir.
- Tu as été très malade. Tu as eu beaucoup de fièvre. Tu étais épuisé et tu as beaucoup dormi.
Elle lui installe des coussins dans le dos. Une domestique l'aide. Quelqu'un sort de la chambre, probablement pour porter la nouvelle que le maître des lieux s'est réveillé et est sorti de son délire. Siegfried n'est pas content de la façon dont on lui installe ses coussins. La domestique qui assiste Mélusine pense aussitôt : Ça y est, ça recommence. On retrouve bien Monsieur le Comte, jamais content avec rien. Nous étions trop tranquilles. Mais elle n'en laisse rien paraître et se contente de réajuster les coussins selon les instructions.
Siegfried continue à poser des questions.
- Depuis combien de temps suis-je malade ?
La domestique se tait prudemment, s'en va chercher le bol du repas et la cuillère sur la table et laisse Mélusine répondre.
- Depuis une semaine.
- Tout le temps depuis que je suis revenu ?
- Oui, Siegfried. Nous sommes tous contents de te voir aller mieux.
La domestique, qui tourne encore le dos à la scène, en profite pour faire une grimace que personne ne verra mais qui en dit long. Siegfried continue pendant que la domestique revient après avoir dûment recomposé son expression.
- Je ne me souviens de rien... Comment suis-je revenu ?
- Tu étais à pied et tu t'es écroulé sur la chaussée. Tu es revenu en pleine nuit. Ce sont des gardes qui t'ont vu, qui t'ont reconnu et qui t'ont fait rentrer.
Siegfried se prend la tête dans les mains.
- Je ne me souviens de rien... Comment est-ce possible ?
- Tu étais épuisé. Tu as dû marcher très longtemps. Mange maintenant. Tu dois reprendre des forces.
La domestique passe bol et cuillère à Mélusine. Elle préfère laisser Madame la Comtesse tenter de faire manger Monsieur le Comte. Madame la Comtesse au moins saura peut-être éviter de le faire râler. Elle-même a renoncé à tout espoir d'être récompensée pour ses efforts.
Mélusine fait manger Siegfried, cuillère après cuillère, réussit à lui en faire avaler quelques-unes. Siegfried refuse d'en manger plus. Ce qu'il a déjà absorbé lui pèse sur un estomac déjà noué par une sourde angoisse qu'il ne s'explique pas encore. Il n'est pas bien sûr de vouloir retrouver la mémoire, mais ne plus savoir ce qui s'est passé n'est pas beaucoup plus rassurant.
Mélusine rend bol et cuillère à la domestique, qui les rapporte à l'office.
Puis elle veut lui passer la main dans les cheveux, mais il arrête son geste.
Mélusine fronce les sourcils.
- Qu'est-ce qui ne va pas, Siegfried ?
- Rien.
Il tourne le visage vers elle, arbore un léger sourire.
- J'ai juste besoin d'être seul un moment.
Mélusine en reste perplexe. Seul ? À un moment aussi critique ?
- Tu es sûr, Siegfried ?
Il maintient son sourire, avec difficulté.
- Pas pour longtemps. J'ai juste besoin de retrouver mes esprits.
Mélusine n'est guère convaincue, mais elle trouve plus sage de ne pas protester.
- Si tu veux. Je vais voir comment vont les enfants. Je reviendrai après. Si entre-temps tu as besoin de quelque chose, il y a une cloche sur la table de chevet. Tu peux aussi tirer le cordon au mur au-dessus du lit pour prévenir quelqu'un à l'office. Sinon, repose-toi.
Siegfried a un dernier sourire où Mélusine perçoit de la reconnaissance.
- Merci.
Musique : Vegso - Morior Invictus
Crédit images : toutes les images publiées dans cette Creative Room sont mes créations personnelles assistées par IA sur Fotor.com, retouchées sur Microsoft Photos