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Chapitre 42

Chapitre 42

Published Jun 8, 2022 Updated Jun 25, 2022 Culture
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Chapitre 42

Chapitre 42

Timéo, 24 décembre

Après sa tentative ratée d’hier soir, ce matin Clara est bien décidée à s’entrainer encore et encore pour réussir à faire une aurore boréale la nuit prochaine. Kimi, son coach, lui propose de rejoindre sa maman, qui doit faire une balade avec les rennes. En apprenant cela, Clara saute de joie. Elle ne voudrait manquer cette sortie sous aucun prétexte. Elle qui en a tant rêvé sur Terre. Je décide de les accompagner ; Titouan aussi. Nous pourrons ainsi suivre les aventures de nos parents respectifs.

Les petits humains sont en train de câliner des chiots Husky. Attendrie par cette scène, Clara nous explique qu’elle aussi adore les animaux et qu’elle avait un chat Mistigri, qui lui manque beaucoup. Titouan, en tant que spécialiste du monde animal nous explique comment faire un bon attelage avec les huskies.

  • En tête de course, tu mets les plus rapides, les plus intelligents et les plus obéissants, mais c’est bien d’alterner, pour que ce ne soit pas toujours les mêmes. Ça permet d’entrainer d’autres chiens à ce poste et de récompenser des chiens méritants, qui sont fiers d’être devant et en général le font bien sentir en donnant tout ce qu’ils peuvent.

Je le coupe dans son élan en lui demandant le nombre de chiens idéal d’un attelage. Il me répond que ça peut varier de deux à vingt pour les grandes expéditions.

  • Je peux continuer mes explications, Timéo ?

Je regarde mes pieds, un peu honteux. Je n’aime pas être remis en place, mais comme Dimitri, j’ai du mal de contrôler mon impulsivité et ça m’arrive fréquemment de couper la parole, sans mauvaise intention.

  • Oui, bien sûr.
  • Ces leaders ne doivent pas nécessairement être des chefs de meute. Ils sont choisis en fonction de leur réactivité et de leur obéissance. Ils doivent être capables d’éviter les obstacles et de ne pas se laisser distraire par un animal sauvage ou un autre attelage par exemple. A l’opposé, tout près du traineau, on met les chiens les plus costauds, ceux qu’on appelle les « wheel dogs ». C’est sur leurs épaules que repose la responsabilité de faire démarrer le lourd attirail et de le tirer dans les côtes. Entre ces deux extrêmes, on trouve les « swing dogs » juste derrière les leaders. Ils sont là pour les seconder quand ils fatiguent. Et enfin, dans les très grands attelages, on ajoute une dernière catégorie, les « team dogs ».
  • Est-ce que les caractères des chiens ont une importance dans le choix d’une équipe ? demande Clara
  • Très bonne question. En effet, c’est primordial. On évitera de mettre deux chiens qui ne s’aiment pas l’un à côté de l’autre car ils passeraient leur temps à se battre. Inversement, les binômes avec des chiens qui s’apprécient beaucoup sont très bénéfiques pour un musher car ils se stimulent l’un l’autre. Dans les courses de vitesse, c’est très apprécié, bien évidemment. C’est aussi intéressant de mettre un jeune chien à côté d’un ancien qui lui apprendra les ficelles du métier et jouera le rôle de l’éducateur.

Maman est installée dans un traineau avec Alice dans ses bras. C’est Papa qui joue le rôle de musher. Florence, la maman de Clara, est installée aux commandes avec Valentine comme passagère et Christiane, la maman de Titouan, tient Frédéric dans ses bras. Je ne peux que constater que des rapprochements se sont opérés entre nos familles au cours de ce voyage organisé. Ce n’est d’ailleurs pas pour nous déplaire à Titouan et à moi. Notre nouvelle amie, Clara, est heureuse de faire connaissance avec nos familles et nous, avec elle. Comme les enfants aux ailes vertes ne côtoient pas trop les autres enfants du royaume en raison des chorégraphies qu’ils passent leur temps à apprendre, nous n’avons pas eu beaucoup d’occasions de nous voir. J’avoue qu’elle me fascine. J’ai en tête sa chorégraphie d’hier soir et j’espère sincèrement que cette nuit, elle réussira à créer l’aurore boréale dont elle rêve pour sa maman.

A peine les attelages lancés, son coach l’invite à survoler celui de sa maman en faisant des mouvements amples de son poignet.

  • Un coup à droite du traineau, un coup à gauche…voilà, c’est bien, continue…ne laisse pas le véhicule prendre de la distance…coordonne tes mouvements…plus relâchés les poignets…voilà, très bien…garde le rythme…à droite…à gauche…des cercles au-dessus de ta tête maintenant que l’attelage est à l’arrêt…très bien…accélère le mouvement de ton bras…super…monte bien haut dans le ciel, mais surtout continue le mouvement circulaire au-dessus de ta tête…imagine le foulard qui vole, qui ondule…imagine la belle aurore boréale que tu pourrais créer.

Il ne lui laisse pas une minute de répit, mais elle ne se laisse pas décourager, malgré ses difficultés à coordonner sa vitesse, ses battements d’ailes, sa direction et les mouvements de son poignet. J’admire sa persévérance et petit à petit, ses efforts commencent à payer. Ses mouvements se fluidifient et elle est parfaitement synchronisée avec la vitesse et la trajectoire du traineau. Je décèle de la fierté dans les yeux de Kimi. Il faut dire qu’il a mis beaucoup d’espoir dans sa nouvelle recrue dont il attendait la venue avec impatience.

  • Bravo Clara. Tu as bien travaillé. Tu peux faire une pause maintenant.

L’après-midi, Clara s’approche du renne de sa maman et se pose sur son dos pour une petite balade. Quelques minutes plus tard, je suis ému par la tendresse de la scène qui se déroule sous mes pieds. Clara a les yeux fermés, la tête posée contre le cou de son animal fétiche tandis que son corps se balance au rythme régulier des mouvements du renne. Nul doute qu’elle apprécie ce moment de communion dont elle a tant rêvé. Kimi l’invite à reprendre l’entrainement pour peaufiner sa technique, en faisant défiler une musique douce. Ca change du rythme de la chorégraphie de ce matin. Celui-ci est plus lent et s’effectue à califourchon sur son renne préféré. Son coach ne la lâche pas et Clara se concentre uniquement sur les mouvements de son poignet. Assis sur le renne qui tire mes parents, j’essaie d’en faire autant, mais je ne suis pas très doué. Je me tiens fermement à ses bois puisqu’il ne les a pas perdus et comme je suis trop petit pour me tenir sur son dos, je suis bercé par le balancier de son cou. A plusieurs reprises, j’essaie de lâcher une main pour imiter Carla, mais j’ai bien trop peur de tomber. Titouan bien évidemment ne rate pas une miette de mes exploits et pouffe de rire à chaque fois, surtout lorsque je me retrouve pendu dans le vide parce que le renne vient de secouer la tête au moment même où j’avais réussi à lâcher une main. Me voilà dans une drôle de posture et les rires de Titouan m’empêchent de me concentrer. Déjà que ce n’est pas facile de battre des ailes dans cette position délicate, je n’avais pas besoin de ses moqueries par-dessus tout. La colère m’envahit et je finis par tomber dans la neige entre les pattes du renne, incapable de réfléchir sereinement. Aussitôt, Titouan vole à mon secours, mais sans pour autant cesser de rire. Il m’énerve, mais je suis bien obligé d’admettre que j’apprécie son aide. Mais bon, il m’a quand même mis hors de moi. Je profite de notre proximité pour lui attraper les ailes et je le plaque au sol dans la neige. Il se débat, m’attrape à son tour et nous roulons sur le tapis blanc sous les yeux de Clara. Distraite par notre dispute, Kimi la rappelle à l’ordre en nous séparant. Nous sommes tout trempés, mais je ne regrette pas mon geste qui m’a permis d’évacuer mon stress. Titouan apprécie un peu moins. Il faut dire que je l’ai pris par surprise alors qu’il m’aidait. Ce n’est pas très sympa de ma part et je m’en veux de ma réaction. J’aurais peut-être moi aussi rigolé s’il avait été à ma place sur le renne. Il est accroupi sur le sol et me tourne le dos.

  • Je m’excuse Titouan. Je n’aurais pas dû…

Avant que j’aie le temps de comprendre ce qui m’arrive, je me retrouve canardé de boules de neige par un Titouan qui rit aux éclats. Il m’a bien eu le chenapan A mon tour, je façonne des boules et les lui envoie. J’en lance une en direction de Kimi qui n’apprécie pas du tout :

  • Je travaille Timéo. Je ne suis pas là pour jouer moi !

Mais lorsque la boule de Titouan arrive en plein dans son cou, il ne peut s’empêcher de jouer avec nous pour nous rendre la pareille. Clara se joint à notre trio et me badigeonne les ailes de neige. Je réalise que c’est la première fois que je l’entends rire depuis qu’elle est arrivée. Comme sa maman, elle évacue le stress, on dirait. Et moi, ça me plaît bien de la voir ainsi.

**

De retour au royaume, c’est l’effervescence. Tout le monde se prépare pour le spectacle. Le grand jour tant attendu est enfin arrivé. Pour entrer dans la salle des festivités, nous devons tous être déguisés en Père Noël et porter la magnifique tenue confectionnée par l’équipe de Noah, sans oublier notre joli bonnet rouge et blanc. La créatrice est resplendissante ce soir. C’est elle qui prend la parole en premier pour nous expliquer le programme de la soirée. Elle n’a rien laissé au hasard dans sa tenue : maquillage, boucles d’oreilles, perruque, faux ongles, robe de soirée à paillettes rembourrée au niveau de la poitrine et hauts talons.  Ainsi habillée, seule sa voix trahit sa différence avec les autres femmes.  Elle nous explique que nous allons assister à des pièces de théâtre et des spectacles de marionnettes et que nous finirons avec un conte de Noël projeté sur l’écran de cinéma. Avant de laisser la place aux comédiens, elle les présente un par un en détaillant leurs tenues, toutes plus belles les unes que les autres. Elle termine son discours en remerciant les couturières pour la mise en valeur de sa collection. Tout le monde applaudit, certains sifflent même d’admiration.

A la sortie de la salle, nous rions encore des gaffes du papy qui ressemblait étrangement à Séraphin dans le film de Noël. Comme nous, ses assistants et tous les autres personnages du film avaient des ailes et comme ils ont tous reçu plein de cadeaux, nous espérons qu’il en sera de même pour nous. Séraphin nous a promis une belle surprise pour demain. En attendant, nous avons tous rendez-vous en Laponie pour admirer le spectacle de l’équipe de Kimi, le chorégraphe. Je croise les doigts en pensant à Clara. Après tous ses efforts, elle mérite de réussir sa mission ce soir et offrir ainsi à sa maman un souvenir inoubliable. Le groupe d’enfants aux ailes vertes attend le démarrage de la musique tandis que toute la jeunesse du royaume les entoure. Nos tenues rouges et blanches contrastent avec les vertes des danseurs et leurs rubans assortis.  Clara, leur mascotte, luit de mille feux. Son costume et ses ailes pailletées sont du plus bel effet et attirent tous les regards sur elle. Equipé d’une caméra posée sur son casque, Kimi se concentre, puis lance la musique. Exceptionnellement, ce sont les adultes du royaume qui sont en salle de cinéma tandis que la caméra de Kimi retranscrit en direct ce que nous nous voyons en réel. En parfait chef d’orchestre, il guide ses élèves durant toutes les chorégraphies. La dernière est la plus belle, celle où Clara se retrouve au centre du cercle formé par les autres enfants et qu’elle s’élève dans le ciel en tournoyant. Au rythme des ondulations de son ruban, de la poudre verte se répand tout autour d’elle et quand elle termine par les coups de poignet de haut en bas, l’aurore boréale se dessine dans le ciel, sous le regard émerveillé de sa maman et de tous les vacanciers qui l’accompagnent.

  • Waouh ! C’est trop beau, s’exclament les bambins du royaume.

Même Titouan et moi, qui avons pourtant assisté à la répétition d’hier, sommes subjugués. Je n’ai jamais vu quelque chose d’aussi beau dans le ciel. Cette aurore boréale verte me fascine. La rose d’hier me semble finalement plutôt banale, en comparaison de celle-ci. D’autres groupes d’enfants qui sont au royaume de Séraphin depuis plusieurs années ajoutent d’autres aurores boréales : des oranges, des violettes et des blanches dans d’autres régions. En prenant de l’altitude, nous pouvons toutes les voir tandis que les images parviennent aux adultes de notre royaume via les caméras embarquées de chaque chorégraphe. Nul doute que le réveillon de Noël 2021 restera gravé dans nos mémoires. C’est une première pour le Royaume, mais une superbe réussite. Nous applaudissons et félicitons Clara, Kimi et tous les autres enfants du groupe pour leur performance et leur jolie danse. Kimi jubile. Clara pleure de joie, émue d’avoir réussi. Kimi la serre dans ses bras et la félicite, puis elle prend la direction de la Terre, impatiente de voir les yeux de sa maman briller d’émotion. Tout près d’elle, un renne se promène dans la neige. Comme Clara, sa maman l’a aperçu. Elle a même récupéré un de ses bois.

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