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Chapitre 6

Chapitre 6

Published Jun 8, 2022 Updated Jun 24, 2022 Culture
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Chapitre 6

Chapitre 6

Florence, 02/09/21

            L’IRM d’hier a mis en évidence une tumeur au niveau du cerveau de Clara. C’est ce qui explique ses maux de tête et ses vomissements. Une biopsie est prévue ce matin. L’échantillon prélevé permettra de confirmer ou infirmer le diagnostic de cancer. Le chirurgien hésite sur la méthode utilisée. Il a expliqué qu’il y en avait deux : par stéréotaxie, la moins invasive, et la craniotomie, pendant laquelle il pourrait retirer la tumeur dans son entièreté avant de l’analyser au microscope. Dans le premier cas, il réaliserait, sous anesthésie locale, une incision de quelques millimètres dans la boîte crânienne de Clara pour introduire une aiguille et faire le prélèvement. Dans le deuxième, sous anesthésie générale, il ouvrirait le crâne pour extraire la tumeur, ce qui demanderait une semaine d’hospitalisation.

            Ce soir, j’ai eu beaucoup de mal de contenir mon désespoir devant ma fille. Je n’ai pas pleuré, mais je n’avais pas le cœur à sourire. La lecture qui précède le sommeil est normalement apaisante pour nous deux. Je ne sais pas si Clara a ressenti mon mal-être, mais moi, je n’ai pas réussi à m’évader avec l’histoire du Petit Poucet, que ses parents abandonnent dans la forêt parce qu’ils n’ont plus d’argent pour nourrir leurs enfants. Je me suis sentie dans le même cas de figure que cette maman qui se sent impuissante et qui n’a d’autre choix que de s’en remettre au destin. Je ne suis pas de taille à lutter avec la maladie. Je me sens bien minuscule et inutile. L’oncologue a beau me dire que ce n’est pas la peine de s’inquiéter, que la biopsie révélera peut-être une tumeur bénigne…comme tous les parents concernés, j’envisage le pire. Des centaines de questions se bousculent dans ma tête, mais une seule au fond, m’obnubile. Combien de temps restera-t-il à Clara sur cette Terre si la tumeur est cancérigène ? Je ne peux pas la poser maintenant et j’espère n’avoir jamais à la poser. Impossible de ne pas associer le cancer à la mort.

Dès que Clara s’est assoupie, j’ai laissé éclater ma colère intérieure, le plus silencieusement possible, dans les toilettes, pour ne pas éveiller ses soupçons. Je suis fâchée contre le destin qui s’acharne sur moi. Après m’avoir enlevé son papa, il veut me voler notre fille. J’en veux aussi à Stéphane qui n’est pas là pour m’accompagner dans cette épreuve. Enfin, je me hais de ne pas avoir consulté plus tôt le médecin. Si ma fille s’en va, je ne survivrai pas. C’est bien clair dans mon esprit : si elle doit mourir, moi aussi. Sans elle, ma vie sur Terre n’aura plus aucun sens. Depuis la mort de Stéphane, je l’ai surprotégée, craignant un accident. Je n’ai jamais imaginé que le danger viendrait de l’intérieur, qu’un mal pouvait ronger ma petite fille, qu’il pouvait s’insinuer en elle sournoisement, sans faire de bruit et sans éveiller le moindre soupçon. Je la croyais à l’abri du danger, grâce à ma vigilance. Je suis bien obligée d’admettre que je me suis voilée la face. Personne ne peut rivaliser avec la mort. C’est injuste ! J’ai juste envie de hurler, mais j’étouffe mes cris dans une serviette de bain. Clara ne doit rien deviner de ma détresse.

            Ce matin, après une nuit blanche à me lamenter sur son sort, j’ai les yeux bouffis. Peu de chance que du maquillage arrive à camoufler mon état. Pourtant, il va bien falloir sourire à Clara et faire semblant, lui faire croire que tout va bien, qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter, que c’est juste une toute petite opération, que nous pourrons rentrer chez nous dans quelques heures et que bientôt, ce ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Mais, en découvrant ses yeux interrogateurs, je n’ai pas le courage de lui mentir. Elle ne sera pas dupe de mes explications alors que mon visage exprime l’inverse. Son hypersensibilité lui permet sans doute de lire en moi. J’en suis quasiment certaine.

  • Tu as ce qu’on appelle une tumeur. C’est une boule qui comprime une partie de ton cerveau. C’est pour cette raison que tu as souvent des maux de tête et la nausée.
  • Le docteur va me l’enlever et on pourra rentrer à la maison ?
  • C’est fort probable qu’on la retire, oui, mais cela signifie que tu resteras hospitalisée une semaine.
  • Alors, je ne pourrai pas aller à l’école demain ?
  • Non, ma chérie.

Les larmes emplissent les yeux de Clara. Je ne peux retenir les miennes à la vue des siennes qui viennent s’échouer sur sa robe. Je lui tends les bras. Elle se blottit contre moi, la tête sur mon épaule.

  • Je veux aller à l’école, moi ! me répond-elle la voix chevrotante.
  • Je comprends ma puce.

Moi aussi, je préférerais l’emmener à l’école, mais je ne peux pas le lui dire. Je suis l’adulte. Je ne peux pas lui transmettre mes peurs. Je dois plutôt banaliser l’acte et envisager le meilleur.

  • On va voir ce que disent les docteurs. Si ça se trouve, avec des médicaments, on pourra peut-être la faire disparaître.

L’espoir gagne Clara. J’aimerais être aussi optimiste.

  • Alors, ça veut dire que je pourrai à l’école demain ?
  • C’est possible. C’est le docteur qui décidera.

Elle retrouve aussitôt le sourire. C’est fou la capacité d’adaptation des enfants. Ils peuvent passer des larmes au rire sans transition. Heureusement, d’ailleurs. Je ferais mieux de faire pareil. Après tout, c’est possible qu’il n’y ait pas grand-chose et que tout rentre dans l’ordre rapidement. Dans quelques semaines, je me sentirai peut-être ridicule de m’être autant inquiétée et ça ne sera peut-être plus qu’un mauvais souvenir. Je l’espère en tout cas et j’ai envie d’y croire. L’optimisme de Clara déteint sur moi. De quoi envisager plus sereinement cette journée qui démarre. Elle ne m’interroge pas davantage sur mes larmes. Je suis sauf pour aujourd’hui et me sens soulagée de ne pas devoir lui expliquer les pensées morbides qui ont accompagné ma nuit.

 

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nt accompagné ma nuit.

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