Chapitre 13
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Chapitre 13
Chapitre 13
Florence, vendredi 1 er octobre
C’est Théo qui conduit la voiture. Je ne m’en sens pas trop capable. Mon esprit s’embrume et s’égare. Je ne sais pas si je vais à l’hôpital pour entendre une bonne nouvelle ou si je vais ressortir terrassée de ce rendez-vous. Comme me l’avait conseillé l’oncologue lors de notre premier entretien, je ne m’y rends pas seule. Je suis perdue dans mes pensées ; Théo, lui, est silencieux, comme d’habitude. La secrétaire du Dr Nemest m’a convoquée parce qu’ils sont en possession de tous les résultats des analyses de Clara.
J’impose à mon esprit l’image de Théo, pour chasser celle de Clara qui m’angoisse au plus haut point. Je me demande toujours ce qui l’a poussé à s’installer à la ferme du Hayon, mais je n’ai toujours pas le courage de lui poser la question. Je vois bien qu’il souffre derrière son silence, même s’il veut faire croire que tout va bien. Sans doute a-t-il peur de raviver les douleurs du passé en évoquant le sujet. Je peux le comprendre, mais selon moi, se murer dans le silence comme il le fait ne refermera pas ses plaies. Je n’ai pas beaucoup pu me confier depuis le décès de Stéphane et j’en aurais sans doute besoin. Paradoxalement, je ne veux pas brusquer Théo et le pousser dans ses retranchements. Surtout pas aujourd’hui. Si j’apprends une mauvaise nouvelle, je n’aurai pas le courage de le soutenir lui. Je préfère au contraire qu’il soit fort pour deux. Je ne pourrai sans doute pas compter sur ses mots ni sur ses bras pour me consoler, mais sa présence à mes côtés me sera bénéfique. Je sais qu’il respectera ma douleur que je sanglote en silence ou que je crie de désespoir. J’aurais préféré que ce soit Mathilde qui m’accompagne, mais Théo était la personne disponible pour m’accompagner cet après-midi. Si jamais c’est une bonne nouvelle que j’apprends, je pourrai la partager avec quelqu’un qui compte beaucoup à mes yeux et ceux de Clara. Il sera le premier à sauter de joie et rien que pour ça, je serai heureuse de lui apporter cette joie. Et dans le cas contraire, je sais qu’il me ramènera à bon port. C’est tout ce dont j’ai besoin dans un premier temps : d’un chauffeur pour me ramener au Hayon.
**
Le Dr Nemest était pile à l’heure. J’ai regardé l’horloge quand je me suis assise. Elle indiquait seize heures exactement. Je crois qu’elle s’est arrêtée sur cette heure-là et que la terre aussi. Je me souviens que j’ai pris une grande inspiration et que j’ai arrêté de respirer en attendant de connaître le verdict. J’ai entendu les premiers mots, puis tout s’est mis à tourner autour de moi. A ce moment-là, j’étais persuadée que mon coeur allait cesser de battre tellement il battait vite depuis l’annonce de la sentence : glioblastome incurable…rien ne semblait plus pouvoir arrêter sa course folle. Mes jambes tremblaient d’effroi. Tout mon corps était pris de spasmes et en apprenant que Clara n’en avait plus que pour quelques mois à vivre, j’ai eu l’impression de recevoir un violent coup de poignard dans la poitrine. J’ai suffoqué. J’ai eu envie de hurler, mais aucun son n'est sorti de ma bouche. J’avais perdu tout espoir et j’ai senti que je mourais.
Je ne sais pas comment j’ai réussi à rejoindre la voiture ni comment s’est terminé l’entretien. Je ne me souviens de rien. A côté de moi, les yeux de Théo sont emplis de larmes et ses épaules hoquètent. Il a les deux bras posés sur le volant de la voiture. J’ai des doutes quant à sa capacité à nous ramener à la maison. Il a l’air aussi anéanti que moi.
Le retour de l’hôpital se fait en silence et pourtant, dans ma tête, les mots du docteur font beaucoup de bruit. C’est très étrange, j’ai l’impression de ne pas l’avoir écouté, mais pourtant, toutes ses phrases sont enregistrées dans ma mémoire. Il a commencé par me dire qu’il aurait préféré m’annoncer une bonne nouvelle, mais que le glioblastome est une tumeur du cerveau très agressive et que chez Clara, elle est située dans le tronc cérébral. Ensuite, il m’a expliqué que le tronc cérébral, c’est l’endroit qui gouverne notre cœur et notre respiration. J’ai instantanément compris qu’il n’y avait aucun espoir de la sauver ; ce qu’il m’a confirmé en ajoutant que jusqu’à présent, on tentait de la chimiothérapie et de la radiothérapie contre les cancers du cerveau chez les enfants, mais que ces deux techniques étaient inefficaces contre cette tumeur particulière, qui empêche les cellules de se dupliquer normalement, contrant ainsi facilement toutes les attaques. Il ne propose donc plus de traitement à ces enfants condamnés pour éviter de les faire souffrir inutilement. Il m’a assuré néanmoins qu’il ferait tout pour atténuer au maximum les douleurs de Clara et que toute son équipe l’accompagnera au mieux dans ses derniers instants. Je revois son air dépité quand il s’est excusé de ne rien pouvoir proposer de mieux et c’est à ce moment-là que je me suis évanouie.
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