Le virus du voyage à l’épreuve de l’ardente patience
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Le virus du voyage à l’épreuve de l’ardente patience
Aller sous le ciel, Muse… Céder à l’appel du large, à l’appel de la forêt, au « call of the wild » cher à Jack London pour mettre de l’air au confinement de nos vies, de nos agendas, de nos pauvres rituels quotidiens dont nous sentions, il y a quelques jours encore, les limites et les contraintes…
Cet appel doit être aujourd’hui entendu autrement.
Au fil du temps, nous avions tous déjà cédé à cette frénésie. Trépidation des aéroports, promiscuité vibrante des décollages, proses des transsibériens ou route du Far West, « hit the road »… Et toute cette agitation dans un seul et même but : celui de conquérir la part rêvée de sauvagerie qui nous échappe, nous tente, nous malmène… Tout cela pour arriver, au terme du voyage, dans l’auberge à la Grande Ourse, la cabane dans les forêts de Sibérie, la carcasse d’un bus abandonné dans la toundra, l’habitacle éclairé d’une grosse voiture américaine sur la route 66.
Et c’est là qu’est le paradoxe : cette parcelle de « wild » enfin reconquise aboutissait à un confinement, à un moment de grâce vécu dans la claustration et l’immobilité. Cette expérience ne nous montre-t-elle pas que l’esprit du « wild » est en l’homme et que, quand nous sommes enfermés, nous devons savoir aller le rechercher en nous ?
Si notre organisme a laissé un jour entrer le virus du voyage, ce virus est aussi capable de muter et de devenir notre garde du corps et notre phare intérieur.
Et un jour futur, au bout de trois ou quatre semaines, peut-être davantage, comme le dit Arthur Rimbaud à la fin de sa Saison en enfer, nous ressortirons et, « armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes ».