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Chapitre 77

Chapitre 77

Publié le 31 mai 2025 Mis à jour le 31 mai 2025 New Romance
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Chapitre 77

Samuel


Je me tiens là, sous les projecteurs, une médaille d’or dans les mains. Je lève le bras dans un geste presque inconscient, comme s’il appartenait à quelqu’un d’autre. Tout autour, le monde s’agite, s’embrase, acclame. Mais en moi, c’est le silence. Pas un vide. Un calme. Dense. Solide. Le genre de calme qu’on atteint après avoir gravi les hauteurs en solitaire. Ce n’est pas de la fierté. Ce n’est pas un triomphe. C’est une évidence.


Je n’ai rien volé.


Ce moment, je ne l’ai pas arraché. Il est le fruit de tout ce que j’ai refusé de taire, de tout ce que j’ai appris à aimer. De tout ce que nous avons construit, Paule et moi. Et quand mes yeux balayent la foule, je ne cherche ni les juges, ni les photographes, ni les applaudissements. Je ne cherche qu’elle.


Et je la vois.


Au milieu des rangées, elle est là. Immobile, droite, vivante. Le reste du monde disparaît autour d’elle, s’efface, devient un brouillard insignifiant. Elle ne crie pas, ne pleure pas, ne bouge presque pas. Mais dans ses yeux… tout est là.


Je vois la fierté. Une fierté nue, sans filtre, sans calcul. Je vois l’amour. Immense. Indéfectible. Et je vois, plus que tout, cette foi qu’elle a en moi, cette foi qu’elle a portée depuis le début, même quand je la rejetais, même quand je ne voulais pas y croire. Ce regard, c’est la seule chose qui m’importe. C’est pour ce regard que je suis resté debout. C’est en lui que je respire.


Je voudrais la rejoindre. La prendre dans mes bras. Lui dire que cette médaille, c’est elle. Que je suis là à cause d’elle. Grâce à elle. Qu’elle m’a sauvé, dans un monde qui me tenait à genoux.


Mais une voix fend l’air.


— Williams !


Un cri. Net. Féroce. Tranchant.


Je me fige.


Un frisson glacial traverse mon dos. La médaille pèse tout à coup comme un fardeau.


Je connais cette voix.


Et je comprends, avant même de la voir, ce qui va se passer.


Je me fige. Tout mon corps devient pierre.


Je n’ai pas besoin de me retourner pour savoir. Mais je le fais quand même. Je pivote lentement, comme si chaque mouvement allait m’arracher la peau.


Mon regard balaye la foule. Et je la vois.


Addison.


Son visage. Son regard. Ce noir profond que j’ai vu un jour s’éteindre dans les couloirs du laboratoire. Mais il est revenu. En pire. Enragé. Et dans sa main, une arme.


Une arme.


Pas un cri. Pas une menace. Une décision.


Elle est venue pour ça.


Et moi… je ne suis pas préparé.


Je n’ai pas le temps de penser. Mes yeux cherchent Paule. Instinctivement.


Ils la trouvent. Elle est toujours là. Immobile. Toujours ancrée. Elle me regarde. Et je le vois, à cet instant, qu’elle ne sait pas. Elle n’a pas entendu. Elle ne voit pas l’arme. Elle ne comprend pas. Mais elle voit mon regard, à moi. Et dans ses yeux, je vois son cœur qui se serre.


Elle comprend que quelque chose ne va pas.


Mais trop tard.


Addison ne me vise pas. Elle vise elle.


Je sens mon corps hurler sans bruit. Mes jambes veulent courir, mais mon torse reste cloué sur place. Tout va trop vite. Tout va trop lentement. Je veux traverser la foule. Crier. Plonger. Être ce bouclier. Être plus grand, plus fort, plus rapide. Mais je ne peux pas.


Je la regarde, elle. Encore. Une dernière fois.


Paule.


Et dans ses yeux, je vois tout. L’amour. La confiance. L’instant suspendu. Celui juste avant que tout ne bascule.


Et puis le coup de feu.


Sec. Absolu.


Le bruit me traverse comme une lame.


Et elle tombe.


Simplement.


Comme une étoffe trop fine qu’on lâche. Sans cri. Sans résistance.


Je cours. Mon cri sort enfin. Je hurle son prénom. Paule. Paule. PAULE.


Je la rejoins. Je m’effondre à genoux. Je la prends dans mes bras. Il y a du sang. Trop de sang. Elle ne réagit pas.


— Paule. Reste avec moi. Regarde-moi. S’il te plaît, regarde-moi. Je suis là. Je suis là.


Je lui parle comme à un enfant qu’on veut ramener d’un cauchemar. Je la berce. J’appuie sur la plaie. Je supplie. Je hurle à nouveau. J’entends des pas. Des cris. Des gens. Des ordres. Mais je n’écoute rien.


Elle est là.


Et elle ne respire plus.


On me tire en arrière.


Je frappe. Je griffe. Je résiste.


— NE ME TOUCHEZ PAS ! LÂCHEZ-MOI ! PAULE !


Mais ils insistent. Les secours. La sécurité. Ils m’emmènent de force. Et je la vois, posée sur la civière. Son visage pâle. Ses bras inertes. Sa robe maculée.


Et je sais.


Je le sais.


Elle ne reviendra pas.


Il y a eu l’hôpital. La confirmation. L’arrêt. L’heure du décès. Le médecin qui baisse les yeux en me tendant un formulaire. Le sang qui a séché sur mes mains. Mon silence. Celui que je n’ai plus quitté depuis.


Puis la nuit. Une nuit entière à m’asseoir à côté d’un berceau.


Elina.


Notre fille.


Notre fille qui n’a pas compris. Qui s’est réveillée. Qui m’a tendu les bras. Et j’ai pris cette toute petite vie contre moi, tremblant comme un homme qui n’a plus rien pour se tenir debout.


J’ai pleuré sans bruit.


Comme on pleure dans un monde qui ne pardonne pas.


Les jours qui ont suivi sont un flou sale. La police. Les témoignages. Les caméras. Les journalistes. Les proches. L’hôtel. Le silence de tout le monde. Et moi, comme un spectre.


Addison a disparu.


Puis ils l’ont retrouvée. Seule. Décomposée. Mais toujours debout.


Elle n’a dit qu’une phrase.


— Je lui avais dit que je le ferais tomber quand il serait au sommet.


Et tout s’est figé en moi.


Ce n’était pas une balle perdue. Ce n’était pas une folie.


C’était un verdict.


Elle avait visé l’endroit précis où me tuer sans m’atteindre physiquement.


Elle avait visé l’amour.


Depuis, je vis. D’un fil.


Je me lève pour Elina. Je la change. Je la nourris. Je la berce. Je la protège.


Mais je ne ris pas.


Je ne parle presque plus.


J’existe. Pour qu’elle ait un père. Et parce que toi, Paule, tu l’aurais voulu.


Parfois, elle me regarde. Et ses yeux te ressemblent tant que j’en ai le souffle coupé. Elle fronce le nez comme toi. Elle pose sa main sur ma joue comme tu le faisais quand tu sentais que j’allais mal. Elle ne sait rien. Mais elle me soigne, à sa manière.


Et ce soir, j’ai pris un stylo.


Pour t’écrire.


Parce qu’il faut que tu saches.


Paule,


Je t’écris parce que je ne sais plus respirer sans toi.


Depuis ce jour, tout est figé. Le monde tourne, paraît-il. Les jours passent. Mais en moi, plus rien ne bouge. J’avance, je fais semblant. Je mets un pied devant l’autre. Je réponds aux gens. Je tiens Elina contre moi quand elle pleure. Mais à l’intérieur, je suis mort. Exactement là où tu étais vivante en moi.


Tu n’as pas eu le temps de dire un mot. Pas même de comprendre. Et pourtant, tu m’as regardé. Juste avant. Et dans ce regard, il y avait tout. Ton amour. Ton pardon. Ta confiance. Et je ne m’en remettrai jamais. Jamais.


Je voudrais hurler. Détruire. Casser le ciel entier. Demander à qui de droit pourquoi c’est toi qu’on m’a prise. Pourquoi maintenant. Pourquoi alors que je t’aimais enfin comme je le devais. Entièrement. Ouvertement. Sans peur. Sans plus jamais reculer.


Je revois ton corps dans mes bras. Je sens encore ton sang sur mes mains. Ton visage si calme. Trop calme. Comme si tu étais déjà ailleurs. Comme si tu m’attendais de l’autre côté.


Et moi, je suis resté.


Je suis resté ici, sans toi.


Elina me regarde parfois avec tes yeux. Et je tremble. Elle fronce le front comme toi quand quelque chose ne lui plaît pas. Elle s’endort contre mon torse comme toi, autrefois, quand le monde allait trop vite. Et chaque fois qu’elle respire, j’ai envie de pleurer. Parce que tu aurais dû être là pour le voir. Pour la porter. Pour l’aimer. Parce qu’elle t’aurait tant aimée, Paule. Elle t’aurait vue comme moi je te voyais. Belle. Immense. Inaltérable.


Je lui parle de toi tous les jours. Tous les soirs. Je lui raconte ta voix. Ton rire. Tes mains. La force de ton silence. Je lui dis à quel point tu étais vraie, toi, dans un monde où tout vacille.


Mais rien n’apaise.


Je dors mal. Ou pas du tout. Je me lève la nuit pour la regarder, elle. Pour vérifier qu’elle respire. Parce que j’ai peur que tout disparaisse encore. Que tout me soit arraché, comme toi. J’ai peur de revivre ce vide. Ce néant. Cette déflagration.


Tu me manques comme je ne croyais pas qu’un être humain pouvait manquer. Tu me manques dans chaque chose, chaque minute, chaque battement de cœur. Je crois entendre ta voix dans la pièce d’à côté. Je me retourne parfois, persuadé de sentir ton odeur. Et il n’y a rien. Juste le froid.


Tu étais mon feu.


Tu étais mon refuge.


Tu étais mon seul endroit sûr dans un monde que je n’ai jamais su habiter.


Je ne crois pas que je sourirai un jour comme avant. Je ne crois pas que je regarderai quelqu’un comme je te regardais, toi. C’est fini. Une partie de moi s’est arrêtée avec toi, là, dans cette salle de concours. Et je ne veux pas la ranimer. Parce que c’était toi. Et toi seule.


J’avance pour Elina. Pour qu’elle ait un père. Pour qu’elle grandisse avec un amour, au moins, encore debout. Mais je ne suis plus qu’un reste. Une carcasse.


Je t’aime, Paule.


Je t’aime d’un amour si vaste qu’il ne tient plus nulle part.


Je t’aime au point que même l’absence n’arrive pas à le faire mourir.


Tu es en moi, partout, toujours. Tu es dans ma peau, dans mon souffle, dans les silences que je ne partage avec personne.


Et je finirai ma vie en t’aimant.


Jusqu’à te retrouver.


Ton Samuel

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