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Chapitre 65

Chapitre 65

Publié le 30 mai 2025 Mis à jour le 30 mai 2025 New Romance
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Chapitre 65

Samuel


Elle dort profondément, recroquevillée sur le côté, une main glissée sous l’oreiller, l’autre repliée près de son visage. J’observe ses traits détendus, son front lisse, la bouche entrouverte. Elle respire par le nez, doucement, avec cette régularité paisible que seuls les sommeils profonds autorisent. Dans l’obscurité feutrée de notre chambre, ses cheveux forment une couronne indomptée autour d’elle, et je me surprends à vouloir les effleurer, à m’y perdre.


Je suis éveillé depuis longtemps. Pas parce que quelque chose m’empêche de dormir. Mais parce que j’ai besoin de ce silence. De cette solitude partagée. Elle dort, et moi, je veille. Ce rôle me semble plus naturel que je ne l’aurais cru. Être là, dans l’ombre. Ne pas faire de bruit. Surveiller les contours de ce monde que nous sommes en train de bâtir sans même toujours l’admettre.


Je ne sais pas à quoi elle rêve. Si ses nuits sont habitées par l’idée de l’enfant que nous attendons, ou si elle refuse, comme moi parfois, de le projeter trop vite. Je ne sais pas si elle se voit mère. Si elle m’imagine père. Mais je sens, sans qu’elle n’ait à me le dire, que quelque chose a changé en elle. Une gravité nouvelle, un calme un peu inquiet, un fond de regard qui s’assombrit parfois quand elle croit que je ne regarde pas.


Je reconnais tout cela.


Parce que j’ai connu ces silences. Pas ceux qu’on choisit, mais ceux qu’on subit. Ceux dans lesquels on se réfugie parce qu’on n’a pas appris à demander. À espérer. À croire que l’autre peut comprendre.


Elle ne dit pas tout. Mais elle me laisse voir.


Et moi, je ne veux pas envahir. Pas briser ce qu’elle tente de tenir en équilibre. Je ne veux pas devenir l’homme qui impose, qui prétend savoir à sa place, qui croit que sa présence suffit à tout régler. Mais parfois… j’aimerais qu’elle me laisse faire. Qu’elle me laisse porter un peu plus. Juste pour soulager. Pour qu’elle puisse respirer sans tout calculer. Qu’elle puisse s’effondrer, si elle en a besoin, sans craindre de perdre quelque chose.


Il y a un seuil que je n’ai pas encore franchi. Celui de la parole libre. De l’inquiétude assumée. Alors je m’exprime autrement. Dans les gestes. Dans les objets déplacés. Dans les habitudes qui changent sans qu’elle s’en rende compte.


J’ai commencé à réorganiser la cuisine. Ce tiroir trop haut. Ces épices que j’ai descendues. Le tapis un peu glissant, que j’ai échangé contre un autre. Elle n’a rien dit. Mais elle a souri. Et c’était suffisant.


Est-ce que c’est ça, devenir père ? Sentir l’enfant à travers elle, sans même encore l’imaginer ? Agir sans preuves, sans certitudes, juste avec ce besoin viscéral d’être prêt ? Être père, ce n’est pas faire. C’est être. Un peu plus chaque jour. Un peu mieux, aussi, dans l’ombre, dans les détails.


Je l’ai vue changer. Pas physiquement — ou si peu. Mais dans cette façon nouvelle qu’elle a de s’interroger, de ralentir, de s’asseoir plus souvent sans rien dire. Et dans la mienne, surtout. Celle de guetter sans poser de questions. De rester proche, mais sans pression. De devenir l’homme qu’elle peut appeler, même sans mots.


Ce soir encore, je l’ai regardée s’endormir. Elle m’a tourné le dos, comme toujours. Mais j’ai senti sa main chercher la mienne sous les draps. Elle n’a rien dit. Je n’ai rien dit. Mes doigts se sont refermés autour des siens. Et elle a sombré.


Ce lien-là, silencieux, m’ancre plus fort que tout ce que j’ai pu connaître.


Je n’ai pas reparlé de mon frère. Je lui ai dit que je ne le reverrai pas. Et je crois que c’était la première fois que je parlais d’un membre de ma famille sans colère. Juste avec détachement. Ce n’est pas une fuite. C’est une décision. Il ne fait pas partie de ce que je construis. Il fait partie de ce que je laisse. Et je ne veux plus tendre la main vers ceux qui ne savent que la repousser.


Je veux la tendre ailleurs, désormais.


Vers elle. Vers ce que nous sommes. Vers ce qui arrive.


Je me penche, repousse une mèche qui lui barre la joue. Mon pouce frôle sa tempe. Elle fronce à peine les sourcils, puis se détend. Son souffle reprend son rythme lent. Je reste là. À l’observer. À espérer que, dans le monde de ses rêves, je sois un lieu sûr.


Elle murmure. Je n’entends pas le mot, mais je crois qu’elle dit mon prénom.


Alors je me glisse contre elle. Je ferme les yeux. Et pour la première fois depuis longtemps, je n’ai plus besoin de me projeter dans l’avenir.


Je suis là. Maintenant.


Et c’est suffisant.


Paule


Je me réveille avant l’aube.


Un de ces réveils sans raison, où le silence semble trop dense, trop parfait. Je n’ai pas bougé. Mais mon corps sait. Il se réveille d’abord. Puis l’esprit suit.


Samuel dort à côté de moi, tourné vers moi, son bras posé au creux de ma taille. Sa main forme une courbe protectrice, comme une barrière douce contre le reste du monde. Je ne le regarde pas tout de suite. Je me concentre d’abord sur ma respiration. Sur la sienne. Sur le calme qui enveloppe la pièce, cette bulle hors du temps dans laquelle rien ne presse.


Je sens son souffle sur ma peau. Je sens mon ventre se soulever lentement, à peine. C’est subtil. Mais c’est là. Et dans cette rondeur naissante, je découvre une force étrange. Pas une certitude. Pas encore. Mais un axe. Une ligne intérieure autour de laquelle tout s’organise différemment.


Je repense à ces derniers jours. À la douceur insistante de ses gestes. À ses regards, qui ne cherchent pas à me sonder mais à me comprendre. À sa façon de me frôler parfois sans me toucher, comme s’il savait que j’ai besoin d’espace autant que de tendresse.


Il ne m’a pas posé de questions. Mais il sait.


Je le lis dans sa façon de m’observer quand je passe la main sous mon pull pour ajuster quelque chose. Dans la manière qu’il a eue de laisser une paire de chaussures plates à côté du lit, sans rien dire, comme si elles avaient toujours été là. Dans la façon dont il referme doucement la porte de la salle de bain le matin, pour ne pas me réveiller. Dans les silences qu’il m’offre comme un refuge.


Je sais ce qu’il veut me dire, même quand il ne dit rien.


Hier, il a parlé de son frère. D’une voix posée. Pas sèche. Juste… calme. Il ne le reverra pas. Ce n’était pas une colère, cette fois. C’était un point final. Et j’ai compris que ce choix-là n’était pas fait contre quelqu’un. Mais pour lui. Pour nous.


Il a fermé une porte. Et, en même temps, j’ai senti que quelque chose d’autre s’ouvrait.


Je fais glisser mes doigts le long de son bras. Il ne se réveille pas. Mais il frissonne, imperceptiblement. Je souris.


Je ferme les yeux. Un instant.


Et je crois sentir quelque chose, là, à l’intérieur. Une pression. Un battement. C’est si léger que je n’en suis pas sûre. Peut-être est-ce mon propre cœur, ou l’écho de mes pensées. Mais je le sens.


Je pose une main sur mon ventre. Je n’attends pas de réponse. Je ne cherche pas de miracle. Je veux juste être là. Présente. Entière.


Et dans cette seconde suspendue, je comprends que ce que nous vivons ne peut plus être réduit à des projections, à des scénarios, à des peurs. Ce n’est plus théorique.


C’est là.


C’est en train de se faire.


Je me penche doucement. Je dépose un baiser sur son épaule, nue, tiède de sommeil.


Et je murmure, presque sans voix :


— Nous allons bien.


Il ne répond pas. Mais son bras se referme autour de moi avec une lenteur tendre, presque instinctive. Il m’attire contre lui sans se réveiller. Comme s’il m’avait entendue au travers du rêve. Comme si mon souffle s’était glissé jusque dans le sien.


Je ferme les yeux à nouveau. Et je laisse ce matin venir, lentement, dans le creux de ses bras.


Je ne sais pas ce que demain contiendra. Je ne sais pas ce que sera ce bébé. Ni ce que nous saurons être pour lui. Mais je sais une chose : tant que nous veillerons l’un sur l’autre de cette manière-là, tant que nous respirerons ensemble, même dans le silence…


Nous tiendrons bon.

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