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Chapitre 64

Chapitre 64

Publié le 30 mai 2025 Mis à jour le 30 mai 2025 New Romance
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Chapitre 64

Je le sens.


Pas encore dans mes mouvements. Pas dans ma respiration. Mais dans les vêtements. Dans cette robe qui me serre à peine plus à la taille. Dans le pantalon qui refuse de fermer comme avant. Dans les élastiques qui laissent une marque là où ils glissaient autrefois sans bruit. C’est discret, mais c’est là. Un infime changement, un glissement presque imperceptible, qui pourtant transforme tout.


Je n’ai rien dit à Samuel. Pas directement. Pas encore. Il n’a posé aucune question, mais il a vu. Je le sais. Je le vois à sa manière de m’observer, quand je me penche un peu, quand je relève les cheveux, quand je passe devant le miroir sans y prêter attention. Il y a cette nouvelle gravité dans son regard, comme s’il cherchait à s’assurer que je vais bien. Que nous allons bien.


Ce matin, c’est lui qui a préparé le petit-déjeuner. Il a grillé du pain complet, découpé les fruits avec une minutie presque exagérée. Puis il s’est assis, calmement, sans me regarder tout de suite. J’ai posé ma tasse de thé, attrapé un croissant — le dernier, apparemment — et j’ai remarqué son air faussement neutre.


— Il n’y avait plus de croissants à la boulangerie, ai-je dit d’un ton innocent.


Il a levé un sourcil.


— Tu veux dire qu’il n’en restait qu’un, et que tu t’en es emparée sans honte ?


— Il était minuscule. Techniquement, ce n’est pas un croissant. C’est un fragment de croissant.


Il a esquissé un sourire, puis s’est penché pour me le reprendre d’un geste rapide. Trop tard. Je l’avais déjà mordu.


— Vol qualifié, j’ai murmuré la bouche pleine.


— Maternité ou pas, tu restes dangereuse, a-t-il soufflé en retour, mi-rieur, mi-attentif.


Le mot est tombé sans qu’on l’annonce. Maternité. Il ne l’a pas souligné. Il ne m’a pas fixé. Il a juste continué à manger, les yeux sur son assiette. Et moi, je n’ai rien dit. Parce qu’il avait raison. Il y a quelque chose en moi qui prend forme. Lentement. Et ce n’est plus seulement un secret entre mon corps et moi.


Je m’accroche au rythme. Je continue à porter, à courir parfois, même si Samuel me lève un sourcil dès que je soulève quoi que ce soit de plus lourd qu’un bol. Il ne dit rien. Mais il est là. À chaque détour. Il voit tout. Et il s’adapte, comme il sait si bien le faire.


C’est le soir, dans l’intimité tamisée de notre salon, que les choses prennent leur juste place.


Je lis sur le canapé. Il revient du bureau, encore en chemise, les manches retroussées. Il me regarde. Longuement. Puis il s’approche, s’agenouille devant moi, et glisse doucement les mains sous le tissu de mon t-shirt. Je ne bouge pas. Ses doigts effleurent la courbe nouvelle. Il ne cherche pas à appuyer, à vérifier. Il caresse. Il s’imprègne.


— Je crois que ça devient réel, murmure-t-il.


Je pose ma main sur la sienne.


— Ça l’a toujours été.


Il hoche la tête. Ses yeux brillent, mais il ne parle pas. Il baisse la tête et pose un baiser lent, long, silencieux sur mon ventre. Ce n’est pas un geste spectaculaire. C’est un serment muet. Une manière de dire merci sans les mots.


Il y a des soirs où il reste éveillé plus longtemps que moi. Il croit que je dors. Mais je le sens qui s’approche, qui ajuste la couverture. Parfois, il reste là, à me regarder, ou à regarder ce ventre qui grossit, cette promesse qui s’arrondit un peu plus chaque jour.


Un soir, il murmure dans le noir :


— Tu as quelque chose à me dire ?


J’ouvre les yeux. Mon cœur bat plus vite, instinctivement. Mais je ne montre rien.


— Tu as l’air… ailleurs. Depuis quelques jours. Et tu me poses des questions comme si tu voulais que je devine un truc.


Je le regarde, silencieuse. Il a cette franchise douce qui m’agace presque autant qu’elle me touche.


— J’ai juste… envie de savoir si tu vas bien.


Je détourne légèrement les yeux, puis je réponds, tranquille :


— Je me demande si on aura besoin de changer la table de la cuisine.


Il me dévisage, surpris. Puis il éclate d’un rire silencieux, secoué d’un souffle qu’il tente de retenir.


— Tu m’as fait peur.


— T’as posé la question.


Il secoue la tête, puis se penche pour m’embrasser sur l’épaule. Il ne demande rien de plus. Il sait. Ou il sent. Et moi, je suis encore en train d’apprivoiser ce qu’il m’offre : une présence solide, sans intrusion.


Le lendemain matin, il me regarde enfiler un pantalon noir qui se ferme difficilement. Il ne dit rien. Il s’approche, me tend un élastique pour mes cheveux. Puis, en m’embrassant dans le cou, il glisse :


— Tu me diras quand on devra penser à déménager ta garde-robe ?


— Et quand est-ce qu’on déménage ta manie de tout organiser ?


— Elle est livrée avec la cuisine, répond-il sans se démonter.


Je souris. Parce que c’est léger. Et qu’on en a besoin.


Plus tard, dans le lit, il ne me touche pas comme avant. Il ne me désire pas moins. Il ne me traite pas comme fragile. Il m’approche comme on approche ce qui change. Ce qui devient sacré sans qu’on le dise.


Il ne cherche pas à me posséder. Il cherche à me comprendre.


Et moi, je me laisse rejoindre.


Samuel


Je n’ai pas besoin de poser la question. Elle est là, la réponse. Dans la manière dont ses vêtements glissent moins facilement. Dans cette façon qu’elle a d’arranger son pull. De changer sa posture quand elle s’assied.


Je n’ai pas grandi avec l’habitude d’observer les autres. J’ai grandi en me rendant invisible. Mais avec elle, c’est autre chose. Je regarde. J’apprends. J’anticipe.


Et je sens. Chaque jour. Que ce ventre qui s’arrondit doucement n’est pas qu’une transformation physique. C’est une mue. Une translation silencieuse. Une naissance, déjà, dans le creux de son corps.


Et je me découvre à mon tour en train de naître. Pas en tant que père, pas encore. Mais en tant qu’homme qui veut tenir bon. Qui veut mériter d’être là.


Je ne veux pas lui faire peur. Je ne veux pas l’étouffer. Mais je suis là.


Et je reste.


Un jour, je suis resté figé dans l’encadrement de la porte alors qu’elle s’habillait. Elle s’est retournée, a croisé mon regard. Et sans même chercher à me cacher, elle a dit :


— Tu regardes quoi, exactement ?


— Ce qui change, ai-je répondu.


Elle a ri.


— Tu veux dire… ma poitrine ? Parce que ça, c’est flagrant.


— Je veux dire… tout.


Elle a fait un pas vers moi. Lentement.


— Et ça t’effraie ?


J’ai mis un instant à répondre. Puis j’ai dit :


— Non. Mais j’ai peur de ne pas être à la hauteur.


Elle m’a regardé. Longuement. Puis elle a simplement dit :


— Alors, reste. Et ce sera déjà immense.


Et je suis resté.


La paternité. Le mot me heurte parfois. Non pas qu’il me fasse peur — pas comme avant. Mais il m’oblige à m’interroger. Sur ce que j’ai reçu. Sur ce que je peux transmettre. Sur ce que je ne veux surtout pas reproduire.


Je ne sais pas ce que ça veut dire, être père.


Je sais juste ce que ça ne doit jamais être.


Ce n’est pas le silence méprisant d’un homme qui vous regarde en travers.


Ce n’est pas l’exigence froide de celui qui ne touche jamais, qui ne félicite pas, qui ne voit que ce qui manque.


Ce n’est pas l’absence dans la présence.


Ce ne sera pas ça.


Je ne veux pas que ce bébé grandisse en se demandant chaque jour s’il est “assez”.


Je veux qu’il sache. Qu’il sente. Qu’il respire avec nous. Qu’il n’ait pas à gagner sa place.


Et pour ça… il faudra que je parle. Que je montre. Que je reste.


Je ne sais pas encore comment faire.


Mais je sais pour qui.


Parfois, le soir, quand elle s’endort plus tôt, je reste éveillé.


Je glisse ma main sur son ventre.


Je ne cherche pas de mouvement. Je ne cherche pas de miracle.


Je cherche juste à dire : je suis là.


Et je crois qu’en moi aussi, quelque chose commence à naître.

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