Félicitations ! Ton soutien à bien été envoyé à l’auteur
avatar
Chapitre 68

Chapitre 68

Publié le 31 mai 2025 Mis à jour le 31 mai 2025 New Romance
time 5 min
0
J'adore
0
Solidaire
0
Waouh
thumb 0 commentaire
lecture 12 lectures
0
réaction

Sur Panodyssey, tu peux lire 10 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 8 articles à découvrir ce mois-ci.

Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit ! Se connecter

Chapitre 68

Le soir s’était installé comme un baume. Dans l’appartement, les sons étaient feutrés, les lumières tamisées. Tout respirait une forme de calme tendu, de paix provisoire. Samuel et moi n’avions pas besoin de parler. Nos gestes suffisaient. Les gestes d’un couple qui vient de traverser la tempête et qui sait, sans se l’avouer encore, qu’une accalmie ne signifie pas la fin du danger. Il avait mis une musique douce, un piano lent, presque liquide, qui coulait doucement sur les murs. Je m’étais installée sur le canapé, les jambes repliées, une couverture sur les genoux. Il est revenu de la cuisine avec deux coupes de glace, vanille et chocolat. Il s’est assis à côté de moi, le regard adouci par la fatigue.


— Il n’y avait plus de chocolat noir dans le congélateur, ai-je dit doucement.


Il a levé les yeux vers moi, un sourire en coin.


— Tu sais que c’est un drame national, ça ?


— J’ai failli appeler la police, ai-je murmuré, la voix presque rieuse.


Il s’est approché, a déposé la coupe sur la table basse, puis s’est penché vers moi. Sa main a glissé sous la couverture, cherchant la chaleur de ma peau. Pas de geste appuyé. Juste un lien. Un contact simple. Présent.


— Tu sais, parfois je me demande comment on a tenu, ai-je soufflé.


Il ne m’a pas répondu tout de suite. Ses doigts ont caressé mon poignet, avec cette lenteur propre aux soirs où l’on ne fuit plus rien.


— On a tenu parce que tu ne m’as jamais lâché, a-t-il fini par dire. Même quand j’aurais dû me perdre tout seul.


Je me suis penchée vers lui, j’ai posé mes lèvres sur sa tempe. Il a fermé les yeux.


— Tu ne t’es pas perdu. Tu cherchais la sortie. C’est pas pareil.


Il a esquissé un sourire presque imperceptible, puis a posé sa main sur mon ventre. À travers le tissu, ses doigts ont dessiné un geste lent. Pas de promesse. Pas de cérémonie. Mais une forme de présence.


Et il a soufflé :


— Il va falloir que je parle. Que je trouve des mots. Pour ce bébé. Pour qu’il sache qu’il peut compter sur moi.


Il s’est arrêté là. Son regard s’est perdu quelque part entre moi et ce que nous devenions.


— Et je n’ai jamais appris à le faire.


Je n’ai rien dit. Je l’ai simplement regardé. Je savais qu’il chercherait. Qu’il essaierait. Ce serait imparfait, chaotique peut-être, mais vivant.


Puis, trois coups secs ont frappé la porte.


Je me suis redressée.


— Tu attends quelqu’un ?


Il a secoué la tête, le visage déjà durci.


— Non.


Les coups ont résonné à nouveau. Plus forts. Plus insistants. Cette fois, Samuel s’est levé. Moi aussi.


Il s’est approché de la porte, sans précipitation, mais le corps tendu, comme prêt à encaisser un choc. Je me suis rapprochée de quelques pas, les bras serrés autour de moi.


Il a ouvert.


Et le monde a changé.


L’homme sur le seuil avait ses yeux. Ce vert si particulier, strié d’or. Le même menton. Le même pli dur au coin des lèvres. Mais dans le regard, il y avait autre chose. Une lumière froide, presque vide. Ce n’était pas leur père. Mais c’était pire.


C’était son frère.


Samuel n’a pas bougé. Son frère, lui, s’est avancé d’un pas. Aucune hésitation.


— Je sais ce que tu m’as écrit, a-t-il lancé. Et je m’en fous. Tu crois vraiment que t’as encore le luxe d’ignorer les gens ? Tu crois que trois phrases, balancées à la va-vite, suffisent à effacer vingt ans de silence ?


Samuel n’a pas répondu. Il se tenait dans l’encadrement de la porte, son corps comme une barrière.


— J’te laisse pas le choix, Sam. Tu veux pas parler ? Parfait. Moi, je suis venu te dire ce que toi, t’as jamais eu les couilles de dire.


Il s’est approché davantage.


— T’as jamais affronté notre père. Jamais. Tu passais ton temps à baisser les yeux, à disparaître dans ton coin. Tu veux qu’on parle ? Très bien. T’as été lâche. T’as laissé les autres encaisser à ta place, pendant que toi tu jouais les silencieux respectables.


Samuel a serré les mâchoires. Je l’ai vu, à la manière dont ses tempes se sont contractées.


— Et maintenant tu te caches ici, derrière ta petite vie d’homme propre. Tu crois que cette femme, ce gosse, ça te lave de ce que t’as pas fait ?


Il le regarde, puis moi. Son ton devient plus dur.


— T’as pas coupé le lien. T’as juste changé de décor.


Samuel parle enfin, la voix basse, mais tranchante.


— T’es venu déverser ta rancœur ? T’aurais dû prendre rendez-vous avec un psy.


Son frère ricane.


— Parce que toi, t’as réglé quoi ? Tu portes sa voix, Sam. Son foutu silence. T’as juste changé l’emballage.


Il se tourne vers moi.


— Et elle… elle te sert à quoi ? À prouver que t’es capable d’aimer ? C’est ça ? Elle est là pour t’excuser d’être le fils du salaud ? Ou juste parce qu’elle t’a pas encore vu craquer ?


Je fais un pas en avant.


— Ça suffit.


Il me regarde. Il insiste.


— Non, ça suffit pas. Parce que c’est pas un couple que je vois ici. C’est un type qui se bat pour paraître humain. Et une fille qui croit encore qu’elle peut le sauver.


Samuel explose.


Pas de cri. Pas de mot.


Un mouvement.


Une onde de choc.


Il le saisit par le col, le pousse violemment en arrière. Ils heurtent le mur du couloir, basculent dans le salon. La table basse vole. Une lampe chute. Les deux hommes se cognent, s’empoignent, les poings éclatent contre les torses, contre les épaules. C’est brutal. C’est sale.


Je cours vers eux.


— Samuel ! Arrête !


Je le saisis par le bras. Il ne m’entend pas. Son frère le repousse. Il balaye l’espace d’un geste large — un geste sans but, sans précision. Mon corps est là. Le buffet aussi.


Et c’est mon ventre qui percute le bois.


Pas fort. Mais mal. Très mal.


Je me fige. Puis je sens.


Une chaleur.


Une déchirure.


Un fil humide qui descend lentement entre mes cuisses.


Je baisse les yeux.


Et je vois le sang.


Le temps s’arrête.


Samuel s’immobilise. Son frère aussi.


— Paule ? souffle-t-il. Mon Dieu, Paule…


Je m’effondre à genoux. Mes mains tremblent sur mon ventre. Je ne pleure pas encore. Je ne respire presque plus.


Samuel est là, à côté de moi. Il répète mon prénom, encore et encore.


Mais moi, je suis ailleurs.


Dans cet espace entre deux battements.


Entre deux vies.


Et cette peur-là… cette peur-là, je ne la connaissais pas. Pas encore.


Mais je sens qu’elle ne va plus me quitter.

lecture 12 lectures
thumb 0 commentaire
0
réaction

Commentaire (0)

Tu dois être connecté pour pouvoir commenter Se connecter

Tu aimes les publications Panodyssey ?
Soutiens leurs auteurs indépendants !

Prolonger le voyage dans l'univers New Romance
Chapitre 78
Chapitre 78

Il avait connu l’ombre. La vraie. Celle qui avale les jours, qui ronge le silence, qui fait du sommeil un refuge fragile et...

Prescilliac
5 min
Chapitre 77
Chapitre 77

SamuelJe me tiens là, sous les projecteurs, une médaille d’or dans les mains. Je lève le bras dans...

Prescilliac
7 min
Chapitre 76
Chapitre 76

PauleLe réveil n’a pas sonné. Il n’en avait pas besoin. Il était là uniquement pour donner une illu...

Prescilliac
5 min
Chapitre 75
Chapitre 75

Le temps s’est mis à couler autrement.Ce n’est plus une ligne droite, ni une succession d’heures qu’on rat...

Prescilliac
5 min
Chapitre 74
Chapitre 74

La nuit est tombée sur notre appartement comme une caresse muette, légère et suspendue. Une de ces nuits de fin de printemps...

Prescilliac
5 min
Chapitre 73
Chapitre 73

On entre dans la salle de naissance alors qu’il fait encore nuit. Le monde, dehors, semble suspendu dans un souffle contenu,...

Prescilliac
6 min

donate Tu peux soutenir les auteurs qui te tiennent à coeur

promo

Télécharge l'application mobile Panodyssey