Fatty à la clinique (Good night, Nurse, Roscoe Arbuckle, 1918)
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Fatty à la clinique (Good night, Nurse, Roscoe Arbuckle, 1918)
En apparence "Fatty à la clinique" n'est pas un film cohérent. Il se compose de trois tableaux aux liens assez ténus: Fatty ivre sur la voie publique qui fonctionne comme un court-métrage autonome, Fatty chez lui et enfin Fatty à la clinique de l'eau tarie. Cependant il est possible et même assez facile de les relier si l'on comprend la personnalité de Fatty et le sens de son cinéma.
En effet la première partie qui se déroule dans la rue, sous une pluie battante montre des personnages qui ont en commun d'être des exclus de la société: Fatty, une bohémienne et un noir (en fait un blanc grimé en noir, seule possibilité de les représenter à l'époque). Fatty tente à plusieurs reprises de se réfugier dans un drugstore mais il se fait systématiquement rejeter dans le caniveau. Ca ne l'empêche pas de poursuivre une idée fixe: allumer une cigarette! La deuxième partie montre pourquoi Fatty vit dehors. Lorsqu'il rentre chez lui avec ses nouveaux amis, le domestique a pris sa place sur le canapé et sa femme l'attend pour l'envoyer en cure de désintoxication. Par conséquent la tentative de Fatty pour subvertir sa grande maison bourgeoise en lieu de rigolade et de plaisir tourne court. A la clinique enfin qui est plutôt un asile d'aliénés, il est anesthésié par une équipe menée par un boucher (joué par Buster KEATON qui avait déjà fait une apparition travesti en femme au début du film).
Il ne lui reste plus qu'à se venger en rêve, la partie la plus excitante du film. Dans celle-ci, il s'enfuit de la clinique après l'avoir mise sans dessus-dessous avec une bataille de polochons d'anthologie où les plumes envahissent l'écran. Poursuivi par les médecins, il va si vite qu'il gagne une course sans s'en rendre compte (un gag directement repris par Jacques TATI dans "Jour de fête (1947)"). Enfin, toujours dans le but de leur échapper, il se déguise en nurse et fait les yeux doux à Buster KEATON qui tombe également sous son charme. Une scène de séduction aussi désopilante que troublante par son caractère non-conformiste. Le visage ravissant d'Arbuckle et tout particulièrement la douceur de son regard est particulièrement bien mis en valeur par la caméra mais aussi par les attributs féminins. Ce qui n'est pas surprenant, le féminin allant de pair avec les rondeurs. Des attributs physiques rejetés par les sociétés occidentales dont on connaît également la profondeur de la misogynie. Fatty célèbre ainsi la beauté et la sensualité de ce qui est hors norme sur la rigidité de ce qui est formaté. Pas étonnant que l'on y voit l'impensable, c'est à dire Buster KEATON avec la banane car "Fat is beautiful"!