Pense pas et danse
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Pense pas et danse
Marion, Sayonara Monsieur Kung-fu (Bobby Heatie/ adaptation : Daniel Buisson), Arabelle, 1981.
Orientalisme
Sayonara Monsieur Kung-fu est l’adaptation française de Japanese Boy, du groupe Aneka sortie la même année. C’est une chanson plutôt sympathique qui surfe sur le succès de la version originale. Marion y chante un Orient fantasmé qui mêle le Japon (sayonara), la Chine (kung-fu), Manille, Bangkok, la saison des pluies, le thé, le bambou et le manioc, qu’on trouve beaucoup en Afrique, mais aussi en Asie, tout comme les éléphants.
La vraie trouvaille de la chanson tient dans une syntaxe qui bouscule l’ordre des mots et ne conjugue pas les verbes :
« Lui près de moi pleurer beaucoup
…
Un jour nous retourner à la maison de thé
…
Et moi mon cœur pas changer »
Ces mots, signés Daniel Buisson, confèrent à la chanson une drôle d’aura difficile à expliquer. Il a voulu dire quelque chose, c’est sûr, mais on ne sait pas vraiment quoi.
Bulle de plastique
Le titre qui se trouve en face B, Bulle de plastique, signé du même Daniel Buisson, est nettement plus intéressant. C’est une vraie perle pop assumée, héritière du Comic Strip de Serge Gainsbourg, du Bubble-Gum de Brigitte Bardot (époque Gainsbourg), du Pop Art et du Souchon de J’ai dix ans. Elle cristallise la nostalgie des années collège, cour de récréation, premiers baisers :
« Bulle de plastique, lèvres rosées
Jette pas ton chewing-gum pour m’embrasser
Jette pas ton bubble ça donnera du goût à tes baisers »
La voix de la chanteuse, pleine de fraîcheur et de douceur, met parfaitement le texte en valeur.
Il y a dans Bulle de plastique tout ce que j’aime, tout ce qui me pousse à dénicher ces chansons secrètes et à les raconter : une chanteuse décomplexée qui habite pleinement son univers, sans snobisme, des paroles décalées, amusantes et juste ce qu’il faut de bizarres :
« Avec tes santiags et tes jeans délavés
Tu me fais plus rêver qu’un jingle de pub de la télé »
Et pour finir, perdue dans les lignes au milieu des bulles et des pops, comme une pépite dans le ventre de la mine, cette sentence parfaite, définitive, digne des aphorismes des plus grands :
« Si t’es presque un homme t’as rien à dire et tout à prouver »
On croirait entendre du Bill Baxter, le célèbre philosophe des lumières noires et des stroboscopes :
« Embrasse-moi idiot
Et j’oublierai tes défauts »
« Si t’es presque un homme t’as rien à dire et tout à prouver »
Tais-toi. Pense pas. Et danse.
Bulle de plastique s'écoute ici et Sayonara Monsieur Kung-Fu là