C’est du poulet ?
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C’est du poulet ?
Au milieu des années 60, Anne Léonard enregistre plusieurs EP (des disques 4 titres, dits super 45 tours) sous le nom d’Annie Jansen, avant de marquer une pause de quelques années pour mieux rebondir (son dernier disque, en 1982, s’appelle La Grenouille) sous son vrai nom dès 1973.
En 1977, elle publie son unique album 33 tours, très tourné sur la chose et la partie charnue de sa personne, intitulé Ma p’tite culotte-Mon p’tit Q. Anne Léonard a au moins l’honnêteté d’annoncer sans détour la couleur : il sera question de son cul. C’est souvent cela une chanson, bien que ce soit rarement revendiqué.
Dans le morceau intitulé Mon p’tit Q, petite chose tout à fait plaisante (je parle de la chanson), dont elle est l’auteure en plus de l’interprète, elle commence par jouer la carte de l’humour :
« Dam dam, c’est pas les miches à Bardot
Dam dam, il est bien plus rigolo »
Chacun ses armes.
Et la chanson défile comme ça, enchaînant les images étranges :
« Mon cul, il mûrit pas qu’en automne
Faudrait pas le confondre avec une pomme »
« Mon cul, c’est pas le clavier d’un piano » (Sous entendu : pas touche...)
« Tout nu, c’est une pièce de collection »
« Mon cul, c’est pas le dos d’un chameau
Mais c’est pas non plus une montagne à escargots »
On voit bien l’idée portée par les bosses du chameau, le galbe, les formes, mais c’est moins facile de comprendre cette histoire de montagne à escargots.
« Mon cul n’a pas besoin d’un cache-nez
Car c’est le seul endroit qu’est pas prêt de s’enrhumer »
Ce glissement anatomique est aussi bizarre que charmant.
Les paroles intègrent aussi quelques références culturelles :
« Mon cul, c’est l’obsession d’Hamilton »
Sans commentaire, la lubricité du photographe n’étant plus à prouver.
« Tout nu, c’est pas celui de Ponareff »
Allusion directe à cette affiche scandaleuse de 1972, sur laquelle le chanteur exposait ses fesses.
« Mon cul, c’est sûrement pas du dindon »
En référence au fameux :« et mon cul, c’est du poulet ? », prononcé par la petite Zazie, le personnage de Raymond Queneau, pas la chanteuse, dans Zazie dans le métro, le roman, puis le film du même nom (Louis Malle, 1960).
Au détour de ces images empilées, on découvre bientôt cette trouvaille de génie :
Mon cul n’as pas le planning du Carlton
Mais c’est pas non plus les remparts de Carcassonne »
Qui n’est pas sans rappeler la réplique prononcée par Carrie (Andie McDowell) après avoir énuméré tous ses amants dans Quatre mariages et un enterrement : « moins que Madonna, mais plus que Lady Di, j’ose espérer ».
Le tout est cancané plutôt que réellement chanté, sur une mélodie un peu pétaradante, genre fanfare, dont Anne Léonard est aussi la compositrice. La voix n’est pas gracieuse, il faut bien le reconnaître. Pour parodier son propre texte, je dirais que c’est pas les cordes vocales à Céline, mais c’est tout de même très efficace. Fond et forme s’accordent parfaitement, c’est bien là le plus important.
Un dernier p’tit pour la route : après Ma p’tite culotte et Mon p’tit cul en 1977, Anne Léonard enregistre quelques années plus tard une nouvelle chanson au titre joliment travaillé : Qu’est-ce qu’il a ce p’tit con à marcher sur mon cœur ? C’est charmant une fois de plus. Puis elle interrompt sa carrière en 1982.
Morceau disponible en streaming ici :