Damian

Je m'assois lourdement sur le canapé du bus, l'esprit encore embrouillé par les événements de la nuit. Logan, Ethan, et Aiden sont déjà là, chacun plongé dans ses propres pensées, mais je sens leurs regards se tourner vers moi dès que je sors de ma chambre. L'ambiance est tendue, presque électrique, comme s'ils attendaient tous quelque chose de ma part.

— Alors, qu'est-ce que tu as foutu, Damian ? commence Logan, son ton oscillant entre la curiosité et l'agacement.

Je soupire, passant une main dans mes cheveux en désordre. Je savais que cette discussion était inévitable, mais ça ne rend pas les choses plus faciles.

— J'ai testé Arya, finis-je par avouer, ma voix basse mais claire. Je voulais voir jusqu'où elle irait, si elle était comme toutes les autres qui se pointent en pensant qu'elles peuvent tout obtenir en jouant de leurs charmes.

Ethan, toujours direct, lève un sourcil.

— Et ça t'a servi à quoi ? demande-t-il, visiblement perplexe. Tu t'attendais à quoi exactement ?

J'évite son regard, fixant un point invisible sur le sol. Je sais que mes actions peuvent sembler stupides, voire cruelles, mais dans ma tête, tout avait un sens.

— J'ai voulu vérifier si elle était sincère, dis-je finalement, ma voix plus ferme. Si elle pouvait se tenir debout malgré tout ce qu'on lui balançait. Si elle était ici pour le groupe, pour le travail, ou si elle était simplement là pour... autre chose.

Aiden, habituellement plus réservé, se redresse dans son siège, une lueur de compréhension dans ses yeux.

— Et alors ? Tu as obtenu ta réponse ? demande-t-il doucement.

Je hoche la tête, mais je sens l'amertume monter en moi.

— Ouais, je l'ai obtenue, murmurai-je. Mais ça m'a laissé un goût amer. 

Logan croise les bras, son regard perçant se posant sur moi.

— Et maintenant ? Tu penses que ça t'a vraiment avancé quelque part ? Ou est-ce que tu t'es juste éloigné d'une personne qui aurait pu être différente ?

Je reste silencieux, mes pensées tournent en boucle. Je ne veux pas admettre à voix haute ce que je ressens vraiment, mais je sais que Logan a touché un point sensible. Derrière ce défi, il y avait quelque chose de plus, une tentative de me protéger, de ne pas me laisser trop vulnérable. Et maintenant que j’ai réussi à la repousser, je me demande si cela en valait vraiment la peine.

— Je ne sais pas, finis-je par dire, mes mots lourds de remords non avoués. Peut-être que j'ai merdé. Peut-être que je n'ai rien appris du tout.

Ethan me fixe, ses yeux durs s'adoucissent légèrement.

— Mec, tu joues avec le feu à force de vouloir tester les gens comme ça. Tu ne fais que te brûler, et cette fois, tu as peut-être aussi brûlé quelqu’un d’autre.

Je serre les poings, sentant la culpabilité monter en moi, mais je refuse de la laisser transparaître. Je garde tout cela pour moi, enterrant mes remords sous une façade de détachement.

— Je sais, murmurai-je, mais cette fois, c'était nécessaire. Je devais savoir.

Aiden se lève, s’approche de moi et pose une main sur mon épaule.

— Parfois, on doit apprendre à laisser tomber, à faire confiance aux autres sans tout remettre en question. Peut-être que c'est toi qui dois changer ta façon de voir les choses, Damian.

Les remarques d’Ethan commencent à me faire bouillir de l’intérieur. Chaque mot qu’il prononce semble conçu pour me pousser à bout, pour me rappeler tout ce que je préfère enterrer profondément.

— On a tous vu qu’elle était différente et que tu agissais différemment avec elle, enchaîne Ethan, sa voix pleine de reproches. Mais monsieur Stone préfère jouer au con, encore une fois, plutôt qu’admettre qu’il aurait besoin d’un bon psy à qui confier ses problèmes d’addiction, parler de son enfance et de ses traumatismes pour s’en guérir. Et puis, parlons de ta consommation d’alcool, parce que, ouais, c’est un problème aussi. C’est de ça dont tu as besoin, mec. Pas de briser le cœur de toutes les filles un peu mignonnes que tu croises.

Les mots d’Ethan frappent comme des coups de poing, et je sens la colère monter en moi, brûlante, incontrôlable.

— T’as un putain de problème, Damian ! continue-t-il, ignorant mon expression de plus en plus sombre. Et tu te réfugies dans l’alcool, dans tes conneries de défis, pour éviter d'affronter la réalité. Mais à ce rythme-là, tu vas finir par te détruire complètement. C’est quoi la prochaine étape ? Dissoudre le groupe ? Nuir à l’image de tout le monde parce que tu te comportes comme un idiot ? Tu veux te réveiller un matin et te rendre compte que tu as tout perdu ?

Je me redresse brusquement, la rage éclatant en moi comme un feu incontrôlable. Je n’en peux plus de l’entendre parler, de l’entendre déblatérer sur ce qu’il pense savoir de ma vie, de mes problèmes.

— Tu devrais fermer ta gueule, Ethan, craché-je, ma voix tremblant de colère. Tu ne sais rien de moi !

— Peut-être que non, mais je vois où ça te mène ! réplique-t-il, les yeux flamboyant de défi. Et si personne te dit la vérité en face, tu vas continuer à foutre ta vie en l’air !

La tension monte en flèche, l'air autour de nous se charge d'électricité. Avant que je ne m’en rende vraiment compte, mes poings se serrent, mon corps se prépare à l’affrontement. Ethan ne recule pas, son regard défiant le mien, prêt à en découdre.

— Allez, viens ! Fais-moi voir ce que tu vaux vraiment, hurle Ethan, me provoquant encore plus.

Je n’ai plus de retenue. Je balance un coup de poing en direction d’Ethan, qui l’esquive de justesse avant de riposter. Le coup qu’il me porte à l’épaule me fait reculer d’un pas, mais la douleur ne fait qu’attiser ma rage. Je me jette sur lui, le frappant de toutes mes forces, sans réfléchir, sans retenir mes coups.

Nous nous battons férocement, les poings et les cris se mêlant dans un chaos furieux. Le bruit de nos corps qui s’entrechoquent résonne dans le bus, brisant le silence tendu qui y régnait quelques instants plus tôt. Aiden tente d’intervenir, mais il est rapidement repoussé par l’intensité de la bagarre.

— Putain, arrêtez ! hurle Aiden, mais ni moi ni Ethan ne l’écoutons.

La porte du bus s’ouvre soudainement avec fracas, et Kai entre en trombe, prenant immédiatement la mesure de la situation. Sans perdre une seconde, il se précipite vers nous et, avec une force surprenante, il nous sépare, nous écartant l’un de l’autre.

— Ça suffit ! rugit Kai, son regard furieux passant de moi à Ethan. Vous êtes complètement cinglés ou quoi ?

Je respire lourdement, le sang battant à mes tempes, les poings encore serrés. Ethan, de son côté, est essoufflé, mais il n’a pas l’air de regretter un seul mot de ce qu’il m’a dit.

— Il devait entendre la vérité, Kai, crache Ethan, toujours sur la défensive.

Kai se tourne vers moi, son regard perçant semblant me transpercer.

— Damian, tu vas te calmer tout de suite, ordonne-t-il, sa voix autoritaire ne laissant aucune place à la discussion. Ce n’est pas comme ça qu’on règle les choses. Et toi, Ethan, arrête de foutre de l’huile sur le feu !

Je recule d’un pas, essayant de reprendre le contrôle de ma respiration, mais la colère est toujours là, grondante, prête à exploser à nouveau.

— Tu crois vraiment que c’est en te battant avec Ethan que tu vas régler quoi que ce soit ? continue Kai, son ton moins dur, mais toujours ferme. Tu sais que t’as des problèmes, Damian. Ce n’est pas une nouveauté. Mais te battre avec nous, ça ne va rien arranger.

Je ne réponds rien, la culpabilité se mélangeant à la rage qui bouillonne encore en moi. Je ne veux pas l’admettre, mais Kai a raison. Pourtant, au fond de moi, je sais que ces remords vont rester là, sous la surface, et que je ne suis pas encore prêt à les affronter pleinement.

Kai se tourne ensuite vers Ethan, qui semble enfin se calmer.

— Et toi, calme-toi aussi. On ne va pas résoudre les problèmes de Damian en le mettant en pièce, dit-il, essayant de ramener un semblant de paix dans la situation.

Je ferme les yeux un instant, tentant de refouler la tempête intérieure qui menace de m’engloutir. Je sais que cette bataille avec Ethan n’était qu’un symptôme de quelque chose de bien plus profond, quelque chose que je ne suis toujours pas prêt à affronter.

Mais pour l’instant, tout ce que je peux faire, c’est essayer de me contrôler, de refouler cette rage qui me consume. Je me détourne, m’éloignant de mes amis, la mâchoire serrée, le cœur lourd. Je ne suis pas prêt à parler, pas maintenant. Tout ce que je veux, c’est trouver un moyen d’étouffer ces voix dans ma tête, celles qui me rappellent à quel point je suis foutu.

Et quelque part, je sais que ce n’est qu’une question de temps avant que tout cela ne resurgisse à nouveau.