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Damian
— En fait, c’est plus… un travail universitaire, bredouilla-t-elle, visiblement nerveuse.
Je lève les yeux au ciel, sentant une pointe d'exaspération monter en moi. Encore une étudiante. Chaque année, c'est la même rengaine. Les étudiants défilent, tous prétendant être là pour leur travail, mais très peu d’entre eux s’intéressent réellement à la musique ou à ce que nous faisons. La plupart du temps, Berkeley m’envoie des groupies déguisées en étudiantes, plus prêtes à coucher qu’à faire leurs devoirs.
Et puis, il y a Carter, le professeur d’éthique qui, ironiquement, semble en manquer le plus. Je me demande parfois s’il les envoie exprès, espérant que l’une d’elles finira par franchir la ligne. Mais aucune de ces étudiantes n’a jamais ressemblé à celle qui se tient devant moi aujourd'hui.
Elle est différente, ça se voit. Il y a une sincérité dans son hésitation, un véritable intérêt derrière ses mots. Pourtant, je ne peux m'empêcher de rester sur mes gardes. Après tout, les apparences sont souvent trompeuses, surtout dans ce milieu. Mais quelque chose en elle me pousse à m’arrêter un instant, à ne pas la rejeter d’emblée.
Je me mis au défi personnel de la tester. Si elle couche avec moi ce soir, je renoncerai à lui accorder son interview. C’est un jeu cruel, peut-être, mais nécessaire. Trop de fois, j'ai vu ces prétendues étudiantes s'effondrer sous la pression, prêtes à tout sacrifier pour un accès privilégié, pour quelques minutes d’intimité avec le "rock star". Elles disent vouloir comprendre mon art, mais tout ce qu'elles cherchent réellement, c'est un souvenir à raconter, une histoire à glorifier.
Mais cette fille… Elle semble différente. Il y a quelque chose chez elle qui m’intrigue, une sorte de détermination tranquille que je n’ai pas l’habitude de voir. Pourtant, je dois en être sûr. Si elle succombe à la tentation, alors elle n'est pas différente des autres, et je n'aurai pas à perdre mon temps. Mais si elle résiste, si elle montre qu’elle est ici pour les bonnes raisons… Alors peut-être, juste peut-être, qu'elle mérite plus qu'une simple interview.
— Bien, on va pouvoir passer aux questions, si vous voulez bien, dis-elle en se réajustant dans la chaise, lissant du bout des doigts sa jupe plissée, tout en croisant les jambes.
Mon regard glisse involontairement le long de sa cuisse, une pensée fugace traversant mon esprit, me demandant à quel moment j’aurai accès à cette partie de son corps. C’est un réflexe presque instinctif, l’habitude de voir les gens comme des objets de désir plutôt que des êtres humains. Mais alors que mes yeux remontent vers son visage, je suis surpris de la trouver en train de me toiser, ses yeux ancrés dans les miens.
Son regard est direct, presque accusateur, comme si elle avait deviné mes pensées. Ce n’est pas le regard d’une personne intimidée ou impressionnée. Non, il y a quelque chose de plus fort, une résistance, une fierté qui ne vacille pas. Pendant un instant, je me sens déstabilisé, pris au dépourvu par cette femme qui, malgré son apparente vulnérabilité, ne semble pas prête à se laisser manipuler aussi facilement.
— Tu peux simplement me tutoyer. Je ne pense pas être beaucoup plus âgé que toi, dis-je, rompant le silence qui s'installait, essayant de dissiper la tension qui flottait entre nous.
Elle me regarde avec une expression indéchiffrable, prenant une profonde inspiration avant de poser la question qui semblait peser sur ses lèvres depuis qu'elle était arrivée.
— Qui est Damian Stone ?
La question me prend de court, non par sa simplicité, mais par la profondeur qu'elle implique. Ce n’est pas la question habituelle que j'entends lors des interviews ou des rencontres superficielles. C'est une question qui va au-delà de l'image publique, des rumeurs, des scandales. Elle cherche à comprendre, à aller au cœur de ce que je suis réellement, pas seulement ce que je montre au monde.
Je reste un moment silencieux, mes pensées tourbillonnent. Qui est Damian Stone ? C’est une question que je me pose moi-même parfois. Il y a l'homme que tout le monde connaît, la rock star rebelle, le musicien torturé. Mais il y a aussi l'autre, celui que peu de gens voient, celui qui se cache derrière les chansons, derrière les masques.
Je plonge mon regard dans le sien, cherchant à déceler ses intentions. Peut-être que cette fille est plus perspicace que je ne l'avais d'abord imaginé.
— Damian Stone, dis-je lentement, est un homme qui essaie de se comprendre autant que toi tu essaies de le comprendre. Un homme qui se bat avec ses démons, qui cherche des réponses dans la musique parce qu'il ne les trouve nulle part ailleurs.
Je fais une pause, mes mots flottant entre nous, laissant leur signification s’imprégner.
— Mais c’est aussi quelqu’un qui ne se laisse pas facilement dévoiler, ajoutai-je avec un demi-sourire. Si tu veux vraiment savoir qui est Damian Stone, ça prendra plus qu’une simple interview.
Je la fixe, curieux de voir comment elle réagira à cette réponse, sachant que, d’une certaine manière, je viens de poser une nouvelle pièce sur le plateau de ce jeu complexe que nous semblons jouer.
Sans ajouter un mot, je me lève brusquement, quittant le canapé où nous étions assis. L'atmosphère s’est soudainement alourdie, et je sens le besoin de mettre de la distance entre nous. Ses questions, son regard perçant, ont éveillé en moi quelque chose que je n'étais pas prêt à confronter, du moins pas encore.
En me dirigeant vers la sortie, je fais signe discrètement au garde du corps posté près de la porte. D'un simple geste, je lui indique de ne plus lui laisser l'accès au backstage jusqu'au début du show. Il hoche la tête en silence, comprenant immédiatement ce que cela signifie.
Je me suis toujours protégé en gardant un mur entre moi et ceux qui essaient de s’approcher trop près. Elle ne fait pas exception. Ses intentions restent floues, et je ne peux me permettre de prendre le risque de me laisser découvrir trop tôt. Pour l'instant, elle devra attendre, là où je peux la garder à l'œil, sans qu’elle ait la possibilité de franchir cette barrière invisible que je viens de dresser entre nous.
Sans un regard en arrière, je quitte la pièce, laissant derrière moi une tension palpable, et une curiosité qui, je le sais, ne tardera pas à se manifester sous une forme ou une autre.