Alice Cooper - Killer
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Alice Cooper - Killer
J’ai passé cinq années scolaires au lycée de Belley, dans l’Ain : de la quatrième à la terminale. J’étais interne, c’est-à-dire que je partais tôt le lundi matin de la maison pour rentrer le samedi vers 13 heures.
La surveillance et la discipline dans l’établissement étaient assurée par les « pions » qui étaient généralement des étudiants qui trouvaient là un job leur permettant de financer leurs études. Comme nous étions en permanence dans l’établissement, nous autres internes avions des relations privilégiées avec eux.
Un de ces surveillants s’appelait Jean-Louis. Il a été pion pendant plusieurs années. Quand nous étions dans les petites classes, il gardait une certaine distance avec nous, histoire d’avoir une ambiance calme pendant les heures d’étude qu’il surveillait, ce qui lui permettait de réviser ses cours de droit. Arrivés en classe de terminale, le dialogue s’instaurait. Il n’était pas rare que l’on se retrouve quatre ou cinq, après l’extinction des feux, dans une pièce attenante au dortoir pour discuter de différents sujets. Les plus prisés étaient la politique et la musique.
Un jour, Jean-Louis arriva avec une cassette, qu’il présenta à mon ami Michel et à moi. Deux albums y étaient enregistrés, qu’il nous décrivit comme excellents et qu’il voulut nous faire partager. Michel et moi gardâmes donc cette cassette quelques temps à tour de rôle, histoire de bien s’en imprégner.
Un des deux albums était « Berlin » de Lou Reed. Jean-Louis nous avait avertis : « Ne vous arrêtez pas à la première écoute ». Il avait bien fait. Je vous parlerai certainement prochainement plus en détail de ce monument.
Quant à l’autre album, plus abordable, il s’agissait de « Killer » d’Alice Cooper.
Alice Cooper est un groupe formé dès 1965 (d’abord sous le nom « The spiders and Nazz »). Le groupe se sépara en 1974. Le chanteur du groupe, Vincent Furnier, modifia alors son état civil sous le nom d’Alice Cooper et entreprit une carrière solo qui continue encore aujourd’hui.
Alice Cooper véhicule un rock assez violent, illustré par une scénographie empruntée au monde de l’horreur : exécutions sur chaise électrique, à la potence ou sous guillotine (« killer »), costume d’araignée (« black widow »), découpage de poupées à la hache, distributions de billets de banque embrochés sur une rapière (« billion dollar babies ») et j’en passe. Bien entendu, on retrouve cette atmosphère dans les titres des chansons du groupe : « I love the dead », « Killer », « Dead babies », « Welcome to my nightmare », « Poison », etc.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : Alice Cooper (groupe ou solo) a composé une musique d’excellente qualité qui est au centre de son art, comme il l’a déclaré au cours d’une interview il y a quelques années : « Je suis avant tout un musicien, à 98%. Le decorum scénique, c’est les 2% restant ». L’album « Killer » (sorti en 1971) en est à mon goût l’apogée.
Tout d’abord, son architecture : les deux faces sont structurées de la même manière : deux morceaux assez courts et bien rythmés, un morceau un peu plus long et un morceau un peu plus lent pour finir.
Question musique, tout y est : cuivres, violons, harmonica et « wap doo wap » (sur « Be my lover » par exemple) accompagnent des partitions ciselées dans un alliage de rock enrichi d’autres influences. Chacun des musiciens nous sort ce qu’il a de meilleur et tous les instruments sont à l’honneur : les guitares bien sûr, mais la section rythmique basse / batterie est travaillée à l’extrême sur chaque morceau. On a l’impression que chaque effet a été travaillé dans un atelier d’orfèvrerie. Cela fait plus de quarante ans que j’écoute cet album plus ou moins régulièrement (je l’ai écouté trois ou quatre fois ces dernières semaines) et j’en suis toujours dingue.
Je vous recommande bien entendu d’écouter l’album dans son entier. On peut commencer dès maintenant avec ces deux chefs d’œuvre :
« Under my wheels » : Ce morceau ouvre l’album dans un fracas de guitares et de percussions. Alice Cooper donne le ton :
I'm driving right up to you, babe
I guess that you couldn't see, yeah yeah
But you were under my wheels honey
Ce qui pourrait se traduire par quelque chose du genre : “Je viens en bagnole vers toi, tu ne m’as pas vu venir et tu t’es retrouvée sous mes roues, Cocotte ». Tout un programme…
Sur les accords les plus classiques du rock’n roll, on a là un morceau très bien travaillé.
C’est ici :
https://www.youtube.com/watch?v=finr9iOH16k
Sur scène, avec quatre guitares, dont la blonde et époustouflante Nina Strauss :
https://www.youtube.com/watch?v=FFXJj_qzVQM
« Halo of flies » : Rien que le titre sent déjà la viande en décomposition… L’intro à deux guitares nous met la tête dans les mouches. Puis la basse entame un tempo hispanisant. C’est ensuite au tour de riffs bien lourds de peupler nos oreilles. Les couplets sont chantés sur des rythmes différents et l’instrumental reprend jusqu’à un break sur fond de violons. La basse prend le relais, soutenue par une batterie guerrière. Les guitares arrivent enfin et nous jouent une espèce de marche finale endiablée sur un tempo d’enfer.
C’est ici :
https://www.youtube.com/watch?v=fGOD1-NtxH8
Sur scène, pour les guitarophiles et les amateurs de solos de batterie :
https://www.youtube.com/watch?v=87zehv7LfDQ
Hier, et 50 ans après « Killer », Alice Cooper a sorti un nouvel album : le vingt septième… Belle leçon de longévité. J’espère qu’une tournée suivra : je serai heureux d’aller le voir une troisième fois. Croyez-moi : ça vaut le détour…
Chapeau Monsieur Furnier !
Sérézin – le 27 février 2021 – Avec une pensée pour Jean-Louis, où qu’il soit.