Peut on s'en sortir lorsqu'on est femme, noire et responsable d'un enfant à Harlem dans les années 1940 ?

Lucy quitte le domicile conjugal. Son mari n'a pas trouvé de travail (comme tous les hommes noirs à cette époque) et il devient de plus en plus irascible. La distance s'installe entre eux et il va trouver une maîtresse. Lucy se sent de trop dans sa propre maison et elle décide de partir avec son fils de 8 ans et elle déménage. Mais voilà, avec le peu d'argent qu'elle a, elle loue un appartement sordide dans la 116è avenue à Harlem. C'est le territoire de la débrouille et de la délinquance. Elle ne veut pas de ça pour son fils et elle va saisir toutes les opportunités qui se présentent à elle  pour s'en sortir. Le fait d'être très belle ne l'aidera pas, au contraire. Le concierge a des vues sur elle, ainsi que le patron du bar et de son homme de main.

Parallement, Min, la femme du concierge, est une femme soumise et malheureuse.Très laide aussi. Elle pense sauver son couple en allant voir un "mage". C'est un épisode pittoresque du livre. Elle comprends que le "mage " ne peut pas faire de miracles. Cependant, il lui donne plus qu'elle ne pensait recevoir : la considération d'un autre être. Pour Min , c'est exceptionnel. Elle ne pensait pas vivre cela de son vivant. Elle va gagner en confiance.

Tout au long du livre, l'intrigue est menée de telle sorte que le lecteur pense que Lucy va s'en sortir. Le final est époustouflant de surprises !!!

Pour moi, c'est un livre choc, qui remue en profondeur le mythe du "si nous voulons, nous pouvons ". Dans bien des situations dans le monde,encore actuellement, des volontés sont en marche mais les résultats ne sont pas ceux souhaités. Qui peut dire à un jeune orphelin hahitien, esclave dans sa propre famille suite au cyclone qui a ravagé l'île, que le présent est supportable et l'avenir est beau ? Qui peut dire, à une jeune pakistanaise mariée de force à un homme qu'elle n'a pas choisi, que c'est normal ? Et en France aussi, malgré toutes les bonnes volontés, quelquefois, les situations empirent. Comme cette mère de famille autiste Corine, qui pour trouver de l'aide pour son fils cadet lui même autiste se tourne vers les services sociaux et se voit retirer toute la fratrie. 

Ce livre questionne aussi notre capacité à juger les situations dans leur ensemble. Se mettre,à la place de l'autre est souvent difficile. Voir ce que vit l'autre demande de l'attention, de la compréhension et de l'écoute. 

Aujourd'hui, vit- on mieux à Harlem ? 

Ann Pétry " La rue " Ed 10/18 Image de couverture du livre