Calé contre un coussin, petit péché de confort qu’il se pardonnait tout seul comme un grand, il écoutait psalmodier ses pénitents quand au bord de s’endormir il l’avait entendue s’installer,
sour-noi-sement.

- Coucou mon gastounet !

???????

Le grillage en avait semblé vibrer.
C’était idiot ;
même si sa voix frôlant les cent cinq décibels pouvait résonner à la fréquence du verre et que cette fille s’y connaissait en pression illimitée sur qui ou quoi que ce soit …
… Elle n‘aurait pu briser du fer ou du bois.
Ceci dit on parlait de Marjolaine donc elle lui avait fait fermer son portillon.
Elle avait utilisé le secret de la confession à son avantage et la discrétion du confessionnal comme un leurre.

POINT BARRE !

D'abord il l’avait devinée plus qu’il ne l’avait vue, agenouillée, utilisant la tablette non pas pour s’accouder mais pour mieux l’observer. Il n’avait entrevu qu’une longue chevelure (il avait oublié combien il l’aimait ainsi) puis deux mains élevées avec grâce en une parodie de prière (sur le moment le substantif ne lui était pas venu mais avec le recul il faisait sens).
Il n’avait pu sortir du compartiment tant l’angoisse l’avait tenu sur son siège, espérant telle une autruche que se cacher aurait fait disparaître l’ennemie.

Comment l’avait-elle retrouvé ?

Son rire délicieux le fit frissonner alors que ses jolis ongles griffaient la grille avec suggestion.
Il serait damné !
Furieux il sortit du confessionnal, ouvrit la loge latérale pour l’en faire sortir assez brusquement : toute en lignes voluptueuses elle se tenait devant lui sans remords ni gêne.

- Qu’est-ce que tu fais là ?
- Ma foi - une oeillade espiègle, celle du bon vieux temps - Je viens confesser une vie de péchés, certaine de bénéficier de ton indulgence sans avoir à en payer une …

Il parvint à hausser les épaules (très loin de la composition de Lindsay) sur un soupir. Son parfum se faufila jusqu’à lui,
nouveau
encore plus dangereux que celui auquel elle s’essayait derrière la cour de l’école.

- Je n’en reviens pas que tu aies appris où j’officiais.
- Je travaille à la DGSI.
Puis en récitant d’un ton protocolaire :
- Rechercher, Centraliser et Exploiter le renseignement, chef !

Il entrevit son petit salut moqueur ce qui le fit sourire malgré lui. Marjolaine avait toujours su le faire sourire.

Elle posa une main légère sur son bras et s’il n’avait pas autant serrer le crucifix dans sa poche, il en aurait eu des vapeurs.
Elle avait toujours réveillé sa masculinité.

- Ou alors je viens faire passer notre petit jeu du docteur à celui du pasteur ?

Les souvenirs le bousculèrent : la chaleur de leurs lèvres, une main curieuse de ses pectoraux (joueur de foot à l’époque, oblige), les siennes s’affolant sur les courbes féminines …
Le souci était qu’ils n’avaient jamais conclu lui et Marjolaine.

- Je ne suis pas pasteur, je suis prêtre. Pourquoi maintenant ?
- Figure-toi que sur les quais j’ai reconnu dans un bonimenteur assez doué notre Eugène national. Quelle surprise !
- Alors c’est lui qui t’as mis sur ma piste ...

- Quelle importance … Le principal est …

- Mon père ?

Y avait-il plus embarrassant que de se faire surprendre par ses paroissiens, la main dans le sac ou plutôt celle de marjolaine sur sa braguette, lui-même collé à elle telle une ventouse ?
S’expliquer devant son supérieur hiérarchique pour une telle incongruité ?
Ou
se tourmenter de ne jamais se voir confirmer le poste de Marjolaine au sein de la DGSI ?

Photo de couverture et illustration : Chantal Perrin Verdier