Episode 35 : Echec et mat
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Episode 35 : Echec et mat
Nous avions inspecté la pièce de fond en comble et récolté un max d’échantillons : empreintes sur les instruments de torture, peaux sous les ongles des victimes et mégots de cigarettes… Mais impossible pour nous de savoir si oui ou non toutes ces preuves allait incriminer ce taré de Florigan, pas sans l’IAC.
J’avais bien ma petite idée là-dessus… Il était beaucoup trop intelligent pour laisser autant d’indices derrière lui. Pourtant, Léila semblait vouloir y croire. Elle s’imaginait retourner au commissariat en héros, poussant un Florigan menotté devant elle et le jeter sur les genoux du capitaine en exigeant que nos deux noms soient lavés. Alors elle enregistrait le moindre détail de cette scène effroyable, répertoriait tout ce qui traînait autour des cadavres… mais pourquoi toutes ces pièces seraient plus recevables que les images qu’elle avait déjà envoyé au chef ?
– Tiens, le bleu. Tu peux m’aider pour déplacer cette caisse s’te plaît ?
– Et ta force surhumaine ?
Elle s’approcha nonchalamment de moi pour me mettre une claque derrière la tête. De quoi me retourner le cerveau !
– Putain, Léila ! Fais chier ! Qu’est-ce que j’ai dit encore ?
– Je peux très bien la déplacer sans toi, ce n’est pas le problème ! Mais je ne voudrais pas prendre le risque de détruire des preuves. Alors j’ai besoin d’un coup de main pour la soulever correctement…
Je ne voyais pas trop ce qu’elle insinuait, mais je ne dis rien. Je n’avais aucune envie de me reprendre un coup ! On agrippa chacun un coté de la grosse boite métallique. Une longue plainte s’en échappa et le fond céda sous le poids du contenu de la malle. Du vieux matériel de cinéma : bobines, vieilles caméras et un projecteur.
– Et merde ! Voilà exactement ce que je voulais éviter !
– Je te comprends pas… On a complétement pollué la scène de crime. Nos empreintes et notre ADN sont partout. Alors pourquoi tu t’énerves pour ça ?
Elle shoota dans l’un des objets et fit se dérouler une pellicule. Mais pas n’importe laquelle ! Un film intitulé « Chers Léila et Moridan ». Un message de Florigan. Je craignais le pire…
Sans un mot, je ramassai le rouleau pour le rembobiner délicatement avant de récupérer le projecteur. Je sortis de cette pièce qui puait la mort pour retourner dans mon super appart’ quatre étoiles.
– Qu’est-ce que tu fous, le bleu ?
– J’ai envie de me mater un film. T’as un problème avec ça ?
– Tu crois vraiment que c’est le moment ? Tu te fous de ma gueule, Moridan ?
– Fais pas chier, Léila. On a tout retourné ici. Y’a plus rien à faire.
Pourquoi ne lui avais-je pas parlé de ce que je venais de trouver ? Aucune idée. Je n’avais pas envie de l’avoir sur le dos. Son enthousiasme et son énergie m’épuisaient et me rendaient dingue.
Après des heures dans la pénombre et les miasmes, le confort de ma chambre était un véritable bonheur. Je poussais les meubles pour dégager l’un des murs et disposai le projecteur devant. Depuis mon lit, j’avais une vision parfaite du film. Il ne me manquait plus que les pop-corn !
La bande était un peu abîmée, l’image sautait et le son grésillait un peu, mais rien qui pouvait m’empêcher d’apprécier le spectacle immonde. En première partie, un homme masqué expliquait comment momifier un corps, mais sur des cobayes vivants. J’ai gerbé trois fois de suite devant l’horreur des images. En deuxième partie, le tueur mettait en scène les quatre cadavres sur une musique de Mozart. Il dansait avec une des mortes, l’embrassait à pleine bouche avant de l’installer à cheval sur l’un des mecs au sol. C’était écœurant. Et la fin était terrifiante…
Le psychopathe était installé juste devant la caméra, riant aux éclats. Puis, d’une voix étouffée par le foulard qui lui dissimulait le visage, il dit :
– Bonjour, Moridan. Bienvenue dans mon repère. Les lieux te plaisent ? Le confort est sommaire, mais comparer aux égouts ou à cette minuscule cabane en plein désert, c’est du grand luxe. J’imagine que vous avez joué aux petits scientifiques, avec notre très chère Léila, et rassemblé tous les indices que vous pouviez trouver sur le cadeau que je vous ai laissé au niveau -4, n’est-ce pas ? Je m’en doutais… mais je vous déconseille fortement de les envoyer à votre capitaine. Pas si vous voulez être disculpés. Ce cher Gram, même s’il n’était pas très malin, m’a rendu de grands services. Tout comme Monsieur le Maire. Grâce à eux, j’ai pu obtenir vos empreintes et des échantillons en tout genre : bave, peau… De quoi décorer cette magnifique pièce. Ingénieux, n’est-ce pas ?
L’enfoiré ! Il avait encore bien joué son coup. On était foutu... J’entendais déjà ces connards de la haute sphère annoncer cette vidéo comme non-recevable. Insinuer que ça pouvait très bien être moi qui tentais une diversion peu convaincante…
J’avais envie de tout envoyer valser. D’exploser ce film de malheur, mais je me retins. Léila devait le voir avant qu’il ne lui prenne l’envie de tout expédier à la scientifique.
Texte de L.S.Martins (35 minutes chrono, sans relecture).
Image par Igor Ovsyannykov de Pixabay : Analogue Archiver Art - Photo gratuite sur Pixabay