Chapitre 6

C’est samedi aujourd’hui et j’en suis bien heureuse. Ma première semaine d’école s’est déroulée sans trop d’embûches. Aussi, ma mère a réservé mes billets d’avion et ma chambre d’hôtel.   Je pars donc dans moins de deux semaines pour l’Europe, ce qui est une très bonne nouvelle. Par contre, j’ai essayé à plusieurs reprises de contacter ma mère biologique par téléphone afin de ne pas débarquer à l’improviste, mais sans résultat à chaque fois. Elle m’avait laissé son numéro de téléphone dans le cadre, mais apparemment elle doit avoir changé avec les années ou bien elle n’écoute pas souvent les messages sur sa boîte vocale.

Ce matin, j’ai terminé de lire et de regarder le contenu du cadre, car j’ai été trop occupée cette semaine pour le faire (parce qu’en effet, les enseignants aiment bien donner des devoirs la première semaine d’école et que j’ai voulu les faire tous du même coup pour en être débarrassé). J’ai parlé trop vite la première journée!  En lisant ses messages, je me suis rendu compte que ma mère a un sacré sens de l’humour.   Alors pour « célébrer » ma rencontre imminente avec ma mère biologique, j’ai décidé d'aller me promener dans la montagne pour me calmer un peu, car je suis fébrile et s’il n’y a pas trop de passants j’aurais peut-être l’occasion d’exercer mon don pour être encore plus rapide. Sans compter que je ne me lasserai jamais d’utiliser mon don et de ressentir cette sensation de bonheur pur et simple. Être une Flora a beaucoup d’avantages.

Ma mère est venue me reconduire en allant à l’hôpital, il lui suffisait de faire un petit détour pour m’y reconduire. Dans la voiture, elle m’a donné plein de conseils de voyage (je savais déjà la moitié de ce qu’elle racontait), car elle est extrêmement enthousiaste de mon départ (contrairement à d’autres parents elle n’est pas mère poule et ne craint pas que je me fasse enlever ou quelque chose du genre). Je suis heureuse qu’elle partage ma joie de quitter le Québec pour enfin rencontrer mes parents biologiques.

Amélia me dépose donc près de la montagne après m’avoir saluée et informée qu’elle rentrera tard ce soir.

Je me dirige donc vers une carte des sentiers pour finalement en choisir un de trois kilomètres et demi. Ce n’est pas le plus long, mais il risque d’occuper une petite partie de ma journée. C’est donc pleine d’assurance que je me dirige vers le sentier des fougères. Je marche très rapidement les premières minutes, mais ralentis un peu la cadence une fois bien enfoncée dans la forêt afin d’admirer le magnifique paysage. Des arbres vieux de plusieurs décennies, des jeunes arbustes, des fougères au parfum exquis, tout pour me plaire. Les oiseaux chantent et les écureuils courent parmi les premières feuilles mortes. J’entends aussi un ruisseau ou une petite rivière et cela suffit à me faire sourire, le bruit de l’eau qui se déplace ou encore celui de la pluie sont pour moi d’un réconfort extrême. C’est la première fois que je viens dans ce sentier et je le trouve agréablement silencieux (malgré les quelques animaux qui se déplacent ou qui chantent une douce mélodie). Ce que j’aime de cette montagne c’est que même si elle est près d’une rue très passante, l’épaisse forêt camoufle tous les bruits de la route.

Je respire profondément afin d’emmagasiner un maximum de cette odeur de fougères et d’humidité qui me plait tant. Je ferme même les yeux pour être plus concentrée et ainsi profiter encore plus de ce délicieux parfum.

À quelques reprises, lorsque je vois une plante endommagée ou en train de mourir, je la fais pousser afin qu’elle redevienne belle et pleine de vie. Ça me fait un bien fou, pas seulement à cause de ce que mon don me fait ressentir, mais parce que je redonne la vie à ces petits êtres immobiles. Je suis terriblement impressionnée par ce dont je suis capable.  Je prends conscience peu à peu de ce qui m’arrive même si chaque matin c’est le collier qui est autour de mon cou qui m’indique que ce n’est pas un rêve totalement absurde. Et c’est le sourire toujours collé au visage que je poursuis lentement ma promenade.

C’est incroyable tout ce que je peux faire! Lorsque je suis certaine qu’il n’y a personne autour de moi, je fais croître des buissons, éclore des fleurs, redonner vie à un jeune arbre à moitié déraciné et même prendre une simple graine et la transformer en un arbre géant en à peine quelques secondes. Je suis ébahie à chaque fois, comme un enfant qui voit le père Noël pour la première fois dans un centre d’achats. Je suis même capable de donner aux plantes que je fais pousser des formes étranges, je viens tout juste de faire pousser un arbre de forme carré, pour ensuite diriger ses branches dans différentes directions. Quelques instants plus tard, je décide de lui rendre sa forme initiale, car je crois que les autres randonneurs risquent de trouver étrange qu’un arbre pousse en forme de carré presque parfait.

Quelques kilomètres plus loin, j’arrive au sommet de la montagne. Il me semble que le trajet a été tellement court, je n’ai pas vu le temps passer. Il faut croire que je m’amusais vraiment comme un enfant en testant mes capacités surnaturelles.

Levant les yeux vers le magnifique paysage qu’offre ce point de vue, je me rends