Angels in America (Mike Nichols, 2003)
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Angels in America (Mike Nichols, 2003)
Angels in America ("Fantaisie gay sur des thèmes nationaux") est à l'origine une pièce de théâtre en deux parties "Le Millenium approche" et "Perestroïka" écrite par Tony Kushner au début des années 1990. La pièce qui prétend fort modestement rien de moins que saisir "l'éclat tragique de la fin de ce siècle" est une fresque des USA des années Reagan confrontés à l'émergence de l'épidémie de sida. Kushner mélange la chronique intimiste, la réflexion politico-historico-religieuse et les échappées oniriques dans le fantastique (ouf!). Le résultat est comme on peut l'imaginer très grandiloquent mais brillant. Kushner n'a pas volé son prix Pulitzer.
C'est Mike Nichols qui a réalisé la mini-série de 6 épisodes d'une heure adaptée de la pièce en 2003. En effet il était impossible de faire tenir un projet aussi démesuré dans un format cinéma classique. Le résultat a été acclamé à l'époque puisque la série a reçu de nombreux prix (Emmy Awards, Golden globes etc.) Avec le recul et un nouveau visionnage, je suis plus critique.
Les parti-pris assez gonflés de la pièce et de la série peuvent dérouter: soit on adhère, soit on rejette. Ainsi, les délires sous substances psychotropes donnent des résultats inégaux. Les apparitions de l'ange (joué par Emma Thompson) et plus globalement toutes les références mythologico-religieuses paraissent assez lourdingues pour ne pas dire grotesques. Ce n'est pas mieux avec les tableaux écolos autour d'un antarctique en train de fondre (avec couche d'ozone trouée en prime). En revanche la rencontre hallucinogène d'Harper en princesse et de Prior en drag-queen dans les décors du château de la Belle et la Bête de Cocteau a quelque chose de magique (et quel bel hommage!)
En faisant abstraction de ce barnum parfois indigeste, il est intéressant de suivre ces personnages marginaux issus de minorités (juive, mormone, afro-américaine) en proie à leurs démons intérieurs dans une Amérique puritaine, intolérante et conservatrice. Les qualités d'écriture permettent d'apprécier certaines saillies comme celle de la définition du parti républicain "pour une moitié des fanatiques religieux voulant contrôler chaque citoyen, pour l'autre des cow-boys libertaires égo-anarchistes criant haro sur l'Etat." Et si le talent d'Emma Thompson est hélas gâché par des rôles qui ne la mettent pas en valeur de même que celui de Meryl Streep dans des rôles ectoplasmiques, on a droit à un sommet grandiose entre Al Pacino dans le rôle de l'avocat véreux Roy Cohn homophobe, raciste et maccarthyste se mourant du sida et sa "négation", Belize, l'infirmier afro-américain et gay joué par le génial Jeffrey Wright. Roy Cohn, personnage historique dont l'action fut à l'origine de l'exécution d'Ethel Rosenberg représente le visage le plus hideux de l'Amérique en "phase terminale, démente et méchante." Mais Al Pacino lui donne comme à d'autres personnages tragiques de sa filmographie une vraie densité. Il apparaît dans sa haine des autres (reflet de sa haine de lui-même) comme une figure autodestructrice de l'Amérique que la compassion que finissent par lui porter ceux qu'il hait vient neutraliser.