Petite chose (pas si) fragile
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Petite chose (pas si) fragile
Amélie Morin, J’étais venue pour dire bonjour (J-Y. Luley), Phonogram, 1981.
Une petite voix enfantine qui, sous ses intonations bien innocentes, est capable de raconter sans émoi l’aventure de deux hommes qui se sont combattus à mort, voilà en peu de mots résumée la tonalité du morceau.
Amélie Morin est principalement connue pour avoir doublé des personnages de dessins animés dans les années 80 (Candy, Sailor Moon) et avoir interprété quelques génériques (Sherlock Holmes, Mimi Cracra). Elle a aussi enregistré deux albums : J’étais venue pour dire bonjour en 1981 et Drôle de dream en 1982, mais même si elle a fait quelques télés à l’époque, sa carrière de chanteuse est restée très confidentielle. Il y a pourtant des merveilles, en tête desquelles arrivent J’étais venue pour dire bonjour et L’Eau des fleurs, toutes deux signées Jean-Yves Luley.
On peut encore trouver des vidéos de ses apparitions à la télé, notamment celles d’une émission où la chanteuse est présentée par Francis Cabrel en personne. Parfois, même si tout semble lancé sur des rails et prêt au décollage, ça ne marche pas. Heureusement, il y a Bide et musique et les vide-greniers pour préserver ce genre de monuments éphémères de la chanson. C’est un patrimoine fragile, des cathédrales peuvent s’effondrer aussi vite qu’elles ont été érigées.
Perchée sur une balançoire, en robe rouge remontée jusqu’au col, l’air mutin et boudeuse, Amélie Morin entonne :
« J’étais venue pour dire bonjour
Je vous avais cueilli des fleurs
…
Il y a du sang sur mes dentelles
Vraiment fallait pas vous entre-tuer pour moi ».
Comme si elle n’était pas touchée, à peine un peu gênée pour le désordre dont elle semble la cause, demandant presque pardon d’exister.
« Boum c’est malin me v’là toute seule
Plus personne pour jouer avec moi
J’ai mis mes fleurs sur vos linceuls ».
Elle semble accepter les retournements de situations sans sourciller, les fleurs amenées pour dire bonjour serviront finalement à orner les tombeaux. Elle se demande quand même pourquoi tout ce remue-ménage :
« Qu’est-ce qu’ils ont tous ? J’suis même pas belle ».
C’est vraiment une interprétation magique qu’Amélie Morin nous livre ici. Elle termine sa chanson comme une enfant punie sans trop savoir pourquoi, comme le chaton qui ne comprend pas pourquoi il ne fallait pas bouffer le canari de la maison :
« On va encore dire que c’est de ma faute
S’il y a du sang sur mes dentelles ».
Les comédiens et auteurs du Splendid étaient très friands de ce genre d’attitude :
« Ça va encore être de ma faute, tu vas voir »
(Gérard Jugnot dans Le Père-Noël est une ordure, après avoir tiré une balle dans la tête de l’éléctricien)
« Tu vas voir que bientôt ça va être de ma faute »
(Michel Blanc dans Les Bronzés font du ski).
Autant de belles filiations…
Le morceau est en écoute ici