Olympia ou la symbolique du félidé
Auf Panodyssey kannst du bis zu 30 Veröffentlichungen im Monat lesen ohne dich anmelden zu müssen. Viel Spaß mit 29 articles beim Entdecken.
Um unbegrenzten Zugang zu bekommen, logge dich ein oder erstelle kostenlos ein Konto über den Link unten.
Einloggen
Olympia ou la symbolique du félidé
Marie Leonor, Les Jardins de Tokyo, (Marie Leonor-KGDD/Marie Leonor), Epic, 1983.
Le point de convergence
La mélodie se déploie dans des circonvolutions électriques, sur une gamme asiatique. Ici et là, Marie Leonor glisse quelques mots en japonais dont je serais bien incapable de dire quoi que ce soit. L’essentiel est ailleurs.
Derrière ce single anecdotique mais sympathique convergent en effet des monstres sous-marins de légende : une catastrophe naturelle, un montreur d’icône, des créatures issues d’une des premières épopées du monde et un rockeur cryptique. Voilà le programme.
L’amour a tout emporté
Marie Leonor n’est pas devenue riche avec Les Jardins de Tokyo, single tiré de son troisième album Pas déranger, simple succès d’estime. En revanche, sous le nom de M. Leonor, elle a écrit les paroles d’Ouragan, succès fracassant de Stéphanie de Monaco en 1986 : 29 semaines au Top 50, dont plusieurs à la première place. La parolière et le compositeur ont eux aussi tout emporté sur leur passage niveau droits d’auteur, dans le sillage de la tempête Stéphanie.
Orientalisme
Pour illustrer la pochette de l’album et du 45 tours, les producteurs ont fait appel à Jean-Baptiste Mondino, célèbre photographe à qui l’on doit des centaines de pochettes et de nombreux clips mémorables, à commencer par Cargo d’Axel Bauer, qui lui vaut une reconnaissance internationale, ainsi que des spots publicitaires (pour Jean-Paul Gaultier notamment).
Sur ce cliché, Mondino mélange tout un tas d’éléments n’ayant rien à voir avec Tokyo ou le Japon : le léopard allongé sur le tapis au pied du lit en rotin (Emmanuelle) semble trop immobile pour être vrai, la chanteuse, recouverte pudiquement d’un drap blanc, les bras ceignant son oreiller, fixe l’objectif. Le tout fait penser à l’Olympia de Manet. Les tentures bleues transparentes tendues à l’arrière-plan évoquent un orientalisme fantasmé par Flaubert au cours de son voyage en Égypte dont il a ramené des images qu’il exploitera dans ses écrits : Salammbô, Hérodias, la danse des voiles de Salomé, la tête coupée de Saint Jean-Baptiste.
J’y vois même des réminiscences de L’Hôtel particulier baroque chanté par Serge Gainsbourg sur Histoire de Mélody Nelson en 1977 :
« S’il est libre, dites que vous voulez le 44
C’est la chambre qu’ils appellent de Cléopâtre
Dont les colonnes du lit style rococo
Sont des nègres portant des flambeaux »
L’image est riche, saturée, et frappe vivement l’esprit.
L’Odyssée
Derrière l’acronyme étrange (KGDD) qui a cosigné les paroles et accompagne Marie Leonor se cachent tout simplement quatre musiciens épinglés par leurs initiales : Manfred Kovacic (claviers et saxophone), Olivier Guindon (guitare), Philippe Drai (batterie) et Francis Delage (basse), connus pour avoir joué avec Alain Bashung et un autre groupe plus confidentiel, Vanda et ses sirènes, dont la voix pouvait faire se fracasser les navires, êtres mi-femmes, mi-oiseaux chez Homère.
Voilà donc qui nous permet de mieux comprendre certaines paroles étranges de Boris Bergman :
« Aujourd’hui c’est vendredi et je voudrais bien qu’on m’aime
Je sens que je vais encore finir chez Vanda et ses sirènes
Et ses sirènes »
Vanda n’est donc pas une mère maquerelle, tenancière de quelque Hôtel particulier interlope, mais une chanteuse au milieu des sirènes.
Pour finir, et boucler cette boucle, c’est encore à Mondino qu’on doit la photo de Bashung sur le single de Gaby Oh ! Gaby, dont ce texte est extrait.
Le morceau est en écoute ici.