Un tramway nommé désir (A streetcar named desire, Elia Kazan, 1951)
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Un tramway nommé désir (A streetcar named desire, Elia Kazan, 1951)
Revoir "Un Tramway nommé désir" (titre en soi mythique!) fait paraître à côté bien pâle la relecture de Woody ALLEN dans "Blue Jasmine" (2013). Cette différence tient en partie au climat poisseux de la Nouvelle-Orléans (porté à ébullition par les bains brûlants que ne cesse de prendre Blanche) conjugué à la promiscuité du minable appartement des Kowalski. Mais il est surtout dû à la manière viscérale dont les acteurs habitent leurs personnages. Ce que dégagent Marlon BRANDO et Vivien LEIGH est monstrueux, à tous les sens du terme. Le magnétisme animal du premier et la folie intérieure de la seconde qui souffrait réellement de troubles bipolaires crèvent l'écran. Ils explorent chacun à leur façon les limites de l'humain. Inutile de préciser qu'avec de telles prestations, tout jugement manichéen vole en éclats. Oui, Stanley est un effroyable macho qui domine les femmes par un savant mélange de séduction et de terreur. Il suffit de voir le visage satisfait de Stella (Kim HUNTER) après qu'il l'ait tabassée puis honorée ("battue et contente") pour comprendre jusqu'où cet homme peut exercer son emprise. Le marcel blanc moulant et dégoulinant de sueur voire déchiré aide beaucoup ceci dit ^^^^. Mais il permet au moins à la spectatrice de se rincer l'oeil car une telle érotisation du corps masculin était rare à l'époque. Son ami si politiquement correct (en apparence) Mitch (Karl MALDEN) vaut-il finalement mieux que lui lorsqu'il repousse Blanche parce que je cite "elle n'est pas assez pure pour vivre aux côtés de sa mère"? Il y a du Norman Bates c'est à dire du monstre chez Mitch ("toutes des salopes, sauf ma mère") qui s'interdit de désirer une femme hautement désirable (pourquoi est-il encore célibataire à son âge?) et quand le désir est frustré, la pulsion de meurtre n'est pas loin comme le soulignait si bien Alfred HITCHCOCK. Quant à Blanche, l'aristocrate déchue, mythomane et nymphomane qui éprouve une attraction-répulsion pour le prolo brut de décoffrage qu'est Stanley Kowalski, elle suscite aujourd'hui moins d'agacement ou de rejet que de pitié. Ses grands airs et ses mensonges lui servent de paravent dérisoire pour camoufler sa déchéance bien réelle et des besoins sexuels dévorants sur lesquels elle n'a aucun contrôle. Mais la société patriarcale le lui fait tellement chèrement payer par sa culture du viol, de l'exclusion et de l'enfermement "rééducatif" qu'on lui pardonne.