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Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée...  (Christiane F. - Wir Kinder vom Bahnhof Zoo, Uli Edel, 1981)

Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée...  (Christiane F. - Wir Kinder vom Bahnhof Zoo, Uli Edel, 1981)

Veröffentlicht am 18, Feb., 2022 Aktualisiert am 18, Feb., 2022 Kultur
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Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée...  (Christiane F. - Wir Kinder vom Bahnhof Zoo, Uli Edel, 1981)

A sa sortie à la fin des années soixante-dix, le livre autobiographique "Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée" fit grand bruit bien au-delà de la RFA. Il connut un succès durable (je m'en souviens comme d'un livre incontournable de mon adolescence que tout le monde se passait alors qu'il était déjà sorti depuis une bonne dizaine d'années) et contribua à changer l'image des drogués ainsi que leur prise en charge. En 1981, deux ans seulement après la parution du livre, une adaptation cinématographique vit le jour que l'on peut voir en ce moment sur Arte ainsi qu'un documentaire qui a le mérite de contextualiser l'histoire de Christiane. Si le livre fit l'effet d'une bombe à sa sortie, c'est qu'il révélait en effet le mal-être profond d'une partie de la jeunesse ouest-allemande, faisant voler en éclats l'image positive, pimpante et prospère que la RFA s'évertuait à donner d'elle-même. Livre et film sont construits comme une descente aux enfers, une spirale sans fin dans un monde dystopique sans aucune perspective (ce n'est pas un hasard si le mouvement punk et son "no future" émerge au même moment). Comme la génération des cinéastes qui débutaient à cette époque (Wim WENDERS, Werner HERZOG, Volker SCHLÖNDORFF), les jeunes allemands de l'ouest étouffaient sous plusieurs chapes de plomb bien trop lourdes à porter pour leurs frêles épaules:
- Celle de la seconde guerre mondiale qu'avaient connu leurs parents et qui les avaient murés dans le silence.
- Celle de la guerre froide et ses multiples murs: celle du rideau de fer entre les deux Allemagne, celui qui entourait Berlin-ouest où a grandi Christine.
- Celle des années de plomb du terrorisme d'extrême-gauche (incarné principalement par Fraction armée rouge pour l'Allemagne) lui-même issu en partie de la fracture générationnelle lié au nazisme et suscitant en retour une surenchère sécuritaire de la part des autorités de la RFA.
- Celle de la crise économique des années soixante-dix consécutive aux chocs pétroliers.
- Celle de la cité Gropius dans laquelle a grandi Christine qui incarnait à l'époque comme partout ailleurs en Europe la "modernité" alors que plusieurs cinéastes (Jean-Luc GODARD, Maurice PIALAT, Jacques TATI) alertaient déjà sur la deshumanisation, l'aspect mortifère de ces grands ensembles, leur insalubrité galopante et derrière, une volonté de contrôle absolu du vivant par le biais du bétonnage de la nature et donc des émotions. Il est d'ailleurs bien précisé que rien n'avait été prévu pour les enfants et les jeunes dans la cité sinon une forêt de panneaux d'interdictions, de même que pas un brin d'herbe ne pouvait pousser entre les dalles de béton.

Tous ces facteurs, combinés à la maltraitance subie par Christiane dans son enfance par son père, puis le divorce de ses parents et le délitement des liens familiaux qui en a résulté (facteurs peu évoqués dans le film et pas du tout dans le documentaire) explique ce qui ressemble à une interminable et cauchemardesque dérive dans la nuit (la très grande majorité du film se déroule en nocturne) dans des lieux sordides: une boîte de nuit glauque, un squat, des toilettes publiques et une station de métro délabrée, la Zoologischer Garten (un nom bien ironique quand on observe ce dédale souterrain sinistre) devenu le point de ralliement des jeunes tombés dans la spirale de la drogue et de la prostitution (pour se payer les doses). Comme dans la plupart des films traitant de l'addiction aux drogues dures et de ses dommages collatéraux, plusieurs scènes sont très crues, que ce soit dans la prise de drogue, les crises de manque ou les overdoses. Tous ces corps d'adolescents en souffrance, réduits à l'état de zombies, hurlant leur désespoir en lieu et place de leurs parents mutiques et absents ont quelque chose de si saisissant qu'ils n'ont pu que provoquer un électrochoc. Les sociétés occidentales y voyaient leur propre finitude au travers de l'autodestruction de leurs enfants. Une crainte qui nous poursuit toujours sous d'autres formes (écologiques notamment).

A noter que la bande originale du film a été composée par David BOWIE à partir de ses albums berlinois. Et le chanteur (dont est fan Christiane) fait une apparition dans le film quand celle-ci va le voir en concert.

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