Les neiges du Kilimandjaro (Robert Guediguian, 2010)
Sur Panodyssey, tu peux lire 10 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 9 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
Les neiges du Kilimandjaro (Robert Guediguian, 2010)
Robert GUÉDIGUIAN que je surnomme le "Ken LOACH" marseillais fait un cinéma qui n'est pas vraiment ma tasse de thé. Mais j'avais bien aimé "Les Neiges du Kilimandjaro" à la première vision parce qu'une belle histoire, bien racontée et bien interprétée, ça fait toujours du bien et j'avais fermé les yeux sur ses défauts. Le revoir a considérablement accentué mes réserves. N'est pas Jean RENOIR qui veut. La mère de Christophe (Karole ROCHER) justifie l'abandon de ses enfants en rejetant la faute sur ses différents maris et en s'exemptant elle-même ainsi de toute responsabilité sur le refrain individualiste de "moi aussi j'ai droit au bonheur". Hirokazu KORE-EDA a bien montré les conséquences criminelles d'un tel comportement et Jean RENOIR aurait sans doute renvoyé tout ce beau monde dos à dos (qui est pour moi le sens du "chacun a ses raisons") plutôt que de leur chercher des excuses. Il aurait sans doute fait de même avec les arguments de Christophe (Grégoire LEPRINCE-RINGUET) justifiant ses actes délictueux et violents envers ses ex-collègues de travail par sa rancoeur d'avoir été licencié et sa jalousie vis à vis de personnes disposant d'une stabilité financière mais surtout d'un tissu social, amical et familial dont lui-même est privé. Car là où selon moi, Robert GUÉDIGUIAN touche juste, c'est dans le constat d'une fracture générationnelle ayant détruit l'unité de la classe ouvrière, les "boomers" ayant bénéficié de la croissance et de la solidité des institutions des 30 Glorieuses pour s'élever socialement et acquérir du patrimoine alors que la jeune génération souffre d'une atomisation sociale généralisée (crise des syndicats, crise de la famille, précarisation des emplois etc.) et en rend responsable les aînés.
Seulement cette responsabilité n'est pas individuelle mais collective, c'est le modèle de société forgé par la mondialisation libérale qui est responsable de l'explosion des inégalités et de l'atomisation des structures sociales et non les pauvres Michel (Jean-Pierre DARROUSSIN) et Marie-Claire (Ariane ASCARIDE) qui en viennent à se sentir coupables de leur embourgeoisement (tout relatif) comme si le libéralisme les avaient contaminés (après le "si tu es chômeur c'est de ta faute" voici venu le temps du "si tu t'es fait agresser c'est de ta faute, tu as trop"). La fable humaniste de Robert GUÉDIGUIAN dans laquelle les orphelins sont miraculeusement recueillis par les deux bons samaritains qui par générosité ont sacrifié leurs vacances (au grand dam de leurs enfants d'ailleurs) fait moins penser à Victor Hugo qu'à un exercice un peu démago dans lequel les responsabilités collectives sont évacuées, les services sociaux de l'Etat étant aux abonnés absents (on se demande pourquoi d'ailleurs). Moi j'appelle ça "le grand bond en arrière", celui du temps où les services publics étaient assurés par les oeuvres de charité...