Duel au soleil (Duel in the Sun, King Vidor, 1946)
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Duel au soleil (Duel in the Sun, King Vidor, 1946)
"Duel au soleil" est le "Autant en emporte le vent" (1939) du western. On retrouve l'esthétique chromo, le souffle épique, l'exacerbation des émotions, le faste et le gigantisme de la mise en scène, une histoire ayant pour cadre une famille de propriétaires terriens (boniche noire pittoresque incluse) confrontés à des bouleversements historiques qui remettent en cause leur statut et leurs biens. L'unité n'est pas à rechercher du côté des nombreux réalisateurs qui se sont succédés mais du producteur David O. SELZNICK qui a supervisé l'ensemble et imposé sa muse, Jennifer JONES qui est de tous les (gros) plans ou presque dans le rôle de Pearl la métisse débordante de sensualité. Ça ne rend pas le film moderne pour autant, au contraire. Celle-ci nous est présentée comme un petit animal sauvage à éduquer, par les hommes bien entendu. Elle devient donc la proie de leurs fantasmes, un jouet entre leurs mains. Selon la vision patriarcale et pleine de clichés du film, elle n'a que deux destins possibles, bonne sœur ou putain. La religion étant ridiculisée au travers d'un pasteur illuminé et du personnage effacé de Laura Belle joué par Lillian GISH, on voit vite que c'est la deuxième option qui l'emporte. Érotisé à l'extrême, le corps de Pearl est l'objet de plans complaisants bien libidineux censés provenir de Lewt (Gregory PECK), le fils cadet de sa famille d'accueil. Celui-ci est tellement odieux qu'on a du mal à comprendre pourquoi cette sauvageonne rebelle est à ce point sous son emprise. Dès qu'il pose les yeux sur elle, il estime qu'elle est sa propriété et il la traite en conséquence: il la prend de force (mais elle n'attendait que ça, culture du viol oblige), l'empêche de s'échapper en neutralisant tous ses rivaux (y compris son frère aîné, le politiquement correct Jesse joué par Joseph COTTEN qui prétend l'aimer mais finit par épouser une jeune bourgeoise blanche bien sous tous rapports) et en même temps refuse de s'engager au nom de la sacro-sainte liberté du mâle et des préjugés racistes du père (un gros frustré impuissant joué par Lionel BARRYMORE). La fin censée être un summum de tragédie flamboyante où les deux amants s'entretuent fait aujourd'hui un peu pitié
tant elle est kitsch et datée. Pearl n'en finit pas d'agoniser (tout en grimpant les rochers pour mourir dans les bras de Lewt, quelle vraisemblance!) alors que Lewt se transforme tout à coup en amant maudit comme si la mort allait l'absoudre de la responsabilité de ses actes criminels.