Imitation Game (The Imitation Game, Morten Tyldum, 2014)
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Imitation Game (The Imitation Game, Morten Tyldum, 2014)
"Imitation game" est un biopic sur Alan Turing, mathématicien et cryptologue britannique considéré comme l'un des pères fondateurs de l'informatique. Pendant la seconde guerre mondiale, il joua un rôle important dans le décodage des messages de la machine Enigma dont l'armée allemande se servait pour communiquer de façon cryptée. Il est aussi l'un des précurseurs de l'ordinateur, Colossus étant une version perfectionnée de sa propre machine à calculer (dite "machine de Turing" ou "bombe de Turing"), elle-même inspirée d'inventions polonaises. Comme toute innovation majeure, l'ordinateur est donc le fruit d'une chaîne de perfectionnements et non la création d'un seul homme. C'est là l'un des nombreux arrangements avec la réalité du film de Morten TYLDUM qui s'avère aussi académique que peu scrupuleux avec la vérité historique. Certes, tout travail d'adaptation oblige à faire des raccourcis, des simplifications, des choix dans le foisonnement du réel. Mais on peut le faire en restant fidèle à l'essentiel. Or l'objectif affiché étant de fournir un long-métrage calibré pour plaire au plus grand nombre avec un label "film de prestige" en vue des Oscar (on l'a d'ailleurs beaucoup comparé à "Le Discours d un roi") (2010), la vie de Alan Turing est biaisée pour faire rentrer celui-ci dans les bonnes cases. Son homosexualité par exemple est reléguée en toile de fond, devenant presque abstraite afin de gonfler au maximum une romance hétérosexuelle plus bankable avec Keira KNIGHTLEY. Comme si cela ne suffisait pas, pour expliquer son génie (car dans les films de ce type hyper balisés, linéaires, sans zones d'ombre, il faut toujours une explication pour tout), on lui colle une étiquette d'autiste asperger ce qu'il n'était manifestement pas. J'ai eu souvent l'occasion de m'insurger contre la vision stéréotypée que le cinéma donne des autistes asperger, tous géniaux et tous géniaux en mathématiques tout en étant infréquentables par ailleurs. Cliché, cliché, cliché. Enfin, ne reculant devant aucune lourdeur, on a droit a une séquence gênante censée présenter un dilemme moral au cours de laquelle l'un des membres de l'équipe de cryptologues supplie que l'on sauve son frère juste après qu'ils aient découverts que le message qu'ils ont décodé ordonne de couler des bateaux (encore une erreur historique d'ailleurs, les messages s'adressant à l'armée de l'air et non à la marine ce qui est logique, cette dernière étant le maillon faible des nazis). Dans la même recherche d'émotion facile, l'ordinateur s'appelle Christopher du nom du premier amour (platonique sinon ce n'est pas bankable) de Alan Turing. Dans la réalité il s'appelait Victory: un but collectif bien plus juste qu'un attachement sentimental isolé et qui rappelle que les américains participaient au projet ce qui est occulté par un film qui n'entend rien à l'Histoire. La reconstitution des années 50 le prouve: le contexte de persécution des homosexuels dans le cadre de la paranoïa anticommuniste lié à la guerre froide et au maccarthysme est réduit à sa plus simple expression. Seule la performance de Benedict CUMBERBATCH mérite d'être soulignée mais elle offre bien moins de nuances que dans "Sherlock" (2010), l'acteur étant tributaire du film.