Lors de nos séminaires de certification en analyse transactionnelle, nous plaisantions parfois en affirmant : « L’Adulte, c’est ce qui reste quand on a enlevé le Parent et l’Enfant. Et parfois… il ne reste plus rien. »

Quarante-cinq ans plus tard, cette boutade pourrait bien sonner comme une vérité plus actuelle qu’il n’y paraît.

L’état du moi Adulte joue un rôle essentiel : il permet de traiter les informations de manière rationnelle, de prendre des décisions objectives, actualisées, adaptées à la situation présente. Il tient compte des émotions et des convictions, mais s’en affranchit suffisamment pour rester lucide. C’est notre centre d’analyse, souvent comparé à un ordinateur, capable de faire la part des choses entre faits et croyances, ressentis et interprétations.

L’Adulte s’ancre dans le présent tout en anticipant les conséquences de ses choix. Il s’appuie sur des données vérifiables, remet en question les évidences héritées de l’état du moi Parent, et garde la distance nécessaire face aux réactions émotionnelles de l’Enfant. Il commence à émerger dès l’âge de sept ans, lorsque l’enfant apprend à comparer différentes sources d’information, à expérimenter par lui-même, à penser de façon plus autonome.

Son développement dépend en grande partie du climat éducatif : il s’épanouit dans des environnements qui valorisent la réflexion, l’exploration, l’autonomie et l’esprit critique. Mais il peut aussi être inhibé dans des contextes trop autoritaires — où la parole est confisquée — ou trop permissifs — où tout se vaut, sans cadre ni confrontation.

L’équilibre psychique ne repose pas sur un état du moi isolé, mais sur une dynamique vivante entre les trois. L’objectivité de l’Adulte, conjuguée à la protection et aux repères du Parent, et à la créativité et la spontanéité de l’Enfant, nous permet de naviguer dans la dialectique entre autonomie et sociabilité.

Mais l’Adulte n’est pas la panacée. S’il est souvent valorisé dans les discours de formation comme neutre, sain, voire idéal, son excès engendre d’autres impasses. Un Adulte surdéveloppé peut inhiber les émotions, assécher les relations, refroidir les élans humains. À trop vouloir comprendre objectivement, il finit par escamoter les enjeux éthiques, affectifs, existentiels. Un Adulte exacerbé produit une technocratie froide, brutale, qui méprise l’intuition et les émotions des autres en les taxant de simples “états d’âme”. L’Adulte seul ne sait ni aimer, ni consoler, ni rêver. Il peut évaluer , mais pas accueillir.

Pourtant, à l’ère des fake news, des vérités alternatives et de la désinformation, l’Adulte est une ressource précieuse. Il nous aide à penser par nous-mêmes, à prendre du recul, à résister aux manipulations. Mais pour garder notre discernement, notre intégrité et notre humanité, il doit collaborer avec les autres états du moi. Ce travail d’alliance intérieure est sans doute l’un des défis majeurs de notre temps.

J’y reviendrai dans mon prochain billet. En attendant, vos questions et commentaires sont les bienvenus pour enrichir cette réflexion.