CHAPITRE 3
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CHAPITRE 3
Un frère peut-être de bon conseil – Des souvenirs reviennent.
Bontemps ne fut le seul à m’accorder ce regard sombre. Mon frère que j’allais voir afin de m’assurer que tout était fin prêt pour les festivités me foudroya également de ses yeux noisette. J’imaginais que c’était de bonne guerre, d’ordinaire c’était moi qui lui faisais la morale, sur les hommes qu’il mettait dans sa couche, ceux qui allaient dans celle de son épouse, ou encore sur les robes qu’il portait et ce maquillage outrancier qui était le sien. Mère avait laissé faire, pensant qu’un frère de roi fardé serait moins dangereux, le spectre de Gaston avait toujours plané sur mon pauvre frère.
Être frère de roi était la position la plus délicate qui soit. Chaque soupirant lui tournant autour voyait en lui l’héritier si je mourais avant l’heure, bien que j’eusse déjà donné un dauphin à la France, et quelques bâtards, je l’avoue. Depuis bien longtemps mon frère attirait les mécontents et les comploteurs, ce qui m’inquiétait c’est que cela n’avait guère changé avec le temps. Je savais que ce n’était de sa faute, ce que je lui reprochais c’est de ne pas se rendre compte que ces flatteurs ne venaient à lui que pour sa position dans l’héritage royal, parfois également, pour son argent qui en fin de compte était le mien et celui du peuple.
Mais Philippe, en dépit de tous ses défauts, était un homme de goût. Il avait déniché les meilleurs artistes pour la troupe royale et savait organiser des soirées mémorables. Son épouse favorisait elle aussi les arts. Henriette m’était très chère, peut-être un peu trop. Notre attraction mutuelle dérangeait profondément mon frère qui avait toujours été d’un naturel jaloux. Et cependant, en dépit de nos disputes, il restait à mes côtés, et je pouvais compter sur lui quoi qu’il advienne.
Même à la chasse alors qu’il ne partageait mon goût pour les chevauchées ni pour ce grand air. Philippe préférait les salons et leurs discussions animées comme les parties de cartes. J’insistais pour qu’il m’y accompagne comme le reste de la Cour, du moins, de mes plus proches courtisans. Aussi avait-il été témoin de ma découverte au sanctuaire. Et tout comme Bontemps, il s’était inquiété de me voir seul à un endroit où des bandits avaient visiblement déjà réglé son compte à quelqu’un.
— Louis, tu ne devrais pas être auprès de la Reine ? me demanda-t-il en me voyant approcher.
J’observais les avancées pour ce soir, les comédiens répétaient pendant que des domestiques disposaient les chaises, s’occupaient des candélabres qui allaient éclairer la scène ou encore de la collation qui s’en suivrait. C’était toute une fourmilière qui s’affairait ainsi. Chaque soirée était une fête à Versailles, soigneusement préparée et orchestrée par les artistes les plus en vue. Mon frère et moi nous en assurions même si j’avais de moins en moins de temps pour m’en occuper, à mon grand dam.
— La Reine choisit sa tenue pour ce soir, tu sais comment sont les femmes avec leurs toilettes.
En réalité, je n’avais aucune idée des activités de Marie Thérèse, ma royale épouse, l’infante d’Espagne. Notre mariage n’était d’amour, et même si je l’appréciais énormément, je lui laissais la liberté d’orchestrer sa vie comme elle l’entendait. Étant très pris par les affaires d’État sur lesquelles je veillais scrupuleusement, et les innombrables conseils de ministres, lits de justice, je n’avais guère de temps à lui accorder. Ma tendre épouse avait, dès lors, adopté dans ses appartements la vie à l’Espagnole, mangeant tard, consommant des douceurs ibériques, et se consolant avec ses nombreuses dames de compagnie, son nain maure véritable clown à ce qu’on racontait, et ses petits chiens.
— Que me veux-tu ?
Mon frère me reprochait de préférer son épouse à la mienne. Henriette était effectivement plus énergique, vive d’esprit et drôle, mais je connaissais néanmoins mon rôle. Nous avions décidé de cesser de nous voir, Henriette et moi, et ce depuis un moment à présent. Mais Philippe était persuadé que sa femme continuait secrètement à gagner ma couche le soir, il ignorait le pauvre qu’Henriette avait bien plus d’amants et de maîtresses que lui et moi n’en aurions jamais. Elle était curieuse, aventurière, et très appréciée. Comment pouvait-on résister à ses charmes ? Même moi j’y avais cédé. Mais là n’était point le sujet.
— Je voulais connaître ton avis sur ce que j’ai découvert dans les bois.
Philippe me regarda à nouveau avec ces yeux sombres, fronçant un sourcil.
— Que veux-tu que j’en pense ? C’est un cadavre. Les routes ne sont pas sécurisées jusqu’à Versailles, chacun le sait. Tu devrais nommer quelqu’un pour s’en charger, Lionne a d’autres choses à faire surtout depuis que tu t’es décidé à conquérir l’Europe.
Je lui renvoyais un regard tout aussi sombre que le sien. Même si Philippe n’avait pas tort, je détestais qu’il me donne des conseils, surtout des bons.
— Je ne cherchais pas ton avis sur la gestion des affaires du pays, je le veux à propos de ma macabre découverte… tu n’as rien ressenti là-bas ?
Mon frère s’approcha d’un pas, me regardant droit dans les yeux, comme s’il cherchait à y lire quelque chose.
— Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
Moi-même je l’ignorais. Ou peut-être que je me souvenais d’une nuit où la fièvre m’avait saisi et où j’avais cru voir quelque chose au-dessus de mon lit.
Mes nuits avaient toujours été troublées par des cauchemars, il est vrai. Cette nuit-là, alors que je n'étais qu'un enfant, la fièvre me tenait entre ses griffes. La variole m'avait touché et manqué de m’emporter. Peut-être n'était-ce qu'une peur d'enfant à la force renouvelée par la proximité de la mort, mais encore aujourd’hui je garde le souvenir de cette étrange silhouette au-dessus de mon lit....
— Tu te souviens, quand la vérole nous a frappées et que nous avions une si forte fièvre ? Te rappelles-tu de la créature que nous avions vue ?
Philippe avait été éloigné de moi, par sécurité, mais quelques mois après, il était tombé malade à son tour. Lui aussi avait vu cette créature. Celle-là même que, plus jeunes, nous avions aperçue dans les jardins de Saint Germain. Nous avions pensé, enfants, que ces bois étaient hantés, que c’était une terreur d’enfant, un croquemitaine comme on en trouve tant dans les contes de fées.
Philippe hocha la tête.
— Je m’en souviens.
— J’ai eu la même sensation dans les bois qu’à l’époque.
— Ce n’était qu’un cauchemar d’enfant, Louis. Cet homme a sans aucun doute possible été tué par des bandits. Laisse Bontemps s’en occuper.
Aux yeux de tous, nous étions des frères jaloux et querelleurs, tout le monde à la Cour connaissait l’histoire de la bataille de bouillie ou encore le fait que nous avions chacun pissé sur le lit de l’autre. Nous avions été des enfants d’autant plus turbulents que la Fronde occupait ceux chargés de notre éducation. Je crois que c’est justement parce que nous avons toujours été proches que nous étions si prompts à la critique et à la dispute. Philippe avec tout son caractère dramatique et moi avec toute l’autorité royale.
— Tu n’as rien ressenti ? lui demandais-je, insistant encore une fois.
Mon frère me regarda en secouant la tête. Pendant l’ombre d’un instant, il eut l’air grave, en dépit de sa mine fardée et précieuse. Cela ne lui ressemblait pas.
— Ce n’était qu’un cauchemar, rien d’autre.
Je ne sais pourquoi j’insistais autant. Philippe n’avait pas envie de revenir dessus, je me demandais si c’était parce qu’il avait ressenti quelque chose justement. Tout cela frisait l’absurdité, ce n’était qu’un corps dans les bois et un vieux croquemitaine que nous n’avons plus vu une fois adulte.