CHAPITRE 61
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CHAPITRE 61
Le secret le mieux gardé de France – Anciennes alliances – oubli malencontreux.
Sur la table étaient disposés les traités que j’avais tant attendus. Enroulés soigneusement et retenus d’un sceau de cire, ils avaient l’odeur de documents restés longtemps enfermés. Ils constituaient le secret le mieux gardé de France. Était-ce vraiment un secret ? Nous avions tous contribué à leur oubli, nous avions tous cessé de croire en la magie, reléguant ces anciens traités à des morceaux de papier sans valeur à nos yeux. L’ignorance cependant est un danger pour un Roi.
Autour de la table se trouvait Bontemps qui observait en silence, Colbert toujours aussi gêné par cette affaire de fées, Louvois encore sous le choc des révélations que je venais de lui faire. Je m’étais résolu à le mettre dans la confidence. Enfin, mon frère et la Reine étaient présents également. Celle-ci devra reprendre son rôle de régente quand nous irions en campagne en Hollande, mieux valait l’inclure dans cette réunion. Et puis, je voulais avoir son avis, peut-être que son père avait été moins énigmatique que le mien.
J’observai chacun d’entre eux puis choisis le traité me paraissant le plus ancien. Il datait de Clovis, le premier grand roi des francs. Avant lui, les Romains dominaient le monde, et encore avant, les druides ne gardaient de traces écrites. Cette recherche dans les archives de la royauté française faisait remonter les souvenirs de l’Histoire de France que m’enseignait LaPorte. Je ne crois pas qu’il n’ait jamais mentionné la moindre fée.
Déroulant le traité, je butais sur les mots. Le français avait nettement évolué depuis. Bontemps connaissant cette problématique avait fait venir un linguiste. Ce dernier nous expliqua les termes qu’il contenait. Les francs régnaient sur le monde terrestre laissant le monde des songes, de la magie et de l’imagination aux fées. Ces dernières ne devaient empoisonner ni l'eau des puits ni détruire les cultures sous peine de se voir livrer la guerre. Enfin, les îles bretonnes leur étaient laissées pour royaume. Il était également dit que le monde d’en dessous était le leur et le serait toujours.
Nous ne comprenions pas tout, comme ce monde d’en dessous, mais l’accord avait été ratifié par les deux parties. C’est la première fois que nous vîmes apparaître le nom de Cernunnos qui devait revenir par la suite dans les autres traités. Le suivant avait été signé par Dagobert. Relativement court, il insistait sur le partage des ressources agricoles en échange de la protection des fées contre les maladies rongeant le blé. Celui signé par Charlemagne exigeait la fin des cultes païens et un échange d’artistes entre les deux Cours. Ce fut la première mention à la Cour d’Été.
Charles II avait signé un accord demandant aux fées de participer à l’effort de guerre contre les Vikings en contrôlant les flux maritimes. L’Empereur d’Occident leur assurait que l’Église ne menacerait la foi des hommes en la magie et que les enfants continueraient d’être instruits de leur existence à travers les contes et des célébrations. Lothaire quant à lui avait ratifié un accord exigeant que les fées n’enlèvent plus d’enfants et que les pêcheurs humains relâchent les ondines de leurs filets.
Il n’y eut plus d’accord ensuite jusqu’à Louis IX. Saint Louis dénonça les accords passés sous le principe que la France était catholique et ne pouvait souscrire à de telles pratiques. Philippe IV, le bel, dut écrire un nouveau traité laissant suggérer que la dénonciation de son grand-père n’avait rien auguré de bon. Il réaffirme que les fées de France sont souveraines de la magie, et des rivières et fleuves, et qu’en la matière, elles doivent protéger le royaume contre ses ennemis voisins. Il est question d’une certaine somme accordée et de richesses partagées. La souveraineté du roi Cernunnos est également reconnue dans ce traité.
Mes yeux se levèrent du parchemin, ainsi les fées n’avaient pas une Reine contrairement à ce que ces aveux de sorcières prétendaient, mais un Roi ? Peut-être avaient-elles les deux. Ce qui était certain c’est que mes aïeux avaient pour le moment négocié seulement avec ce Cernunnos. J’avais terriblement envie d’en savoir plus à son sujet, de continuer seul la lecture de ces traités, mais je ne pouvais mener seul cette guerre ni ces négociations.
J’observais alors tout le monde : Louvois n’arrivait à détacher ses yeux des traités, cherchant une part de réalité à laquelle s’accrocher, la Reine demeurait fascinée, Philippe secouait la tête, lui aussi avait du mal à croire que nos ancêtres aient pu entretenir ces liens si longtemps sans que nous n’ayons été mis au courant, Bontemps restait silencieux, quant à Colbert il était plongé dans une intense réflexion. Moi-même, j’étais partagé entre la curiosité et l’impatience. Je repris la lecture à voix haute.
Jean II avait tenté de lutter contre les Anglais en exigeant des fées françaises qu’elles se rallient à sa cause, mais le roi des fées refusa toute implication à moins que le peuple de France ne soit directement menacé. Il fut question de paix avec les fées anglaises et de promesses que ces dernières n’interviennent dans le conflit. Louis XI lui réussit là où son prédécesseur avait échoué en assurant qu’il protégerait leurs territoires et laisserait le peuple continuer de marchander avec elles. Le traité passé fut fort habile : il obtint des fées leur appui pour agrandir son territoire tout en ne leur offrant pas grand-chose si ce n’est le respect qu’elles auraient pu avoir perdu.
François 1er obtient des fées qu’elles espionnent leurs sœurs italiennes et espagnoles. Ce traité mentionnait également l’art italien qui ferait rayonner la Cour de France comme des fées. Ainsi les fées pouvaient inspirer les artistes et inversement. Était-ce la raison ayant poussé les fées à accepter de collaborer avec les armées françaises ? Il me fallait comprendre comment elles fonctionnaient et pour cela, l’étude de ces traités me serait précieuse.
Je notais l’omniprésence de Cernunnos dont le nom ne cessait de revenir. Je finis par me poser la question de la longévité de ces créatures. Si elles étaient immortelles alors je pourrais peut-être m’adresser directement à lui.
Henri IV est le premier Bourbon à signer avec les fées. Mon grand-père avait vécu un règne difficile : la France était alors en pleine guerre de religion. Il avait demandé leur soutien afin d’apaiser les Français en agissant sur leurs songes, mais également pour les récoltes et l’artisanat, probablement dans le but de relancer l’économie d’une France rendue exsangue par le conflit religieux. En échange, il offrit une place à sa table et à sa Cour, Cernunnos étant alors reconnu comme un frère et allié du roi de France.
En entendant cela, je sentis ma main gauche saisie d’un tremblement. N’ayant jamais lu cet accord auparavant, je ne lui avais jamais laissé la moindre place ! M’étais-je fait un ennemi du roi des fées sans le savoir ? Je continuais d’écouter la lecture sans laisser paraître mon inquiétude. Mais rien de tout cela n’avait échappé à Bontemps qui connaissait trop bien mon cœur et mon âme pour ne pas en percevoir les vacillements.
Le traité suivant cherchait à obtenir des fées leur participation dans les différents conflits que mon père eut, notamment avec l’Espagne. Je vis qu’il y manquait la signature de Cernunnos. À cet accord, j’ajoutais celui que m’avait confié Bontemps, celui de non-agression et du respect du territoire conclu avec le Seigneur des Marais.
Après la lecture de tout ceci, j’éprouvais le besoin de réfléchir à la question et, pensant qu’il en allait de même pour tout le monde ici, je proposai que nous en reparlions le lendemain.
— Sire, aurons-nous appartement ce soir ? me demanda la Reine.
Par-là elle entendait l’ouverture des salons, où l’on trouvait musique, danse, mais aussi jeux de cartes ou de billards.
— La vie de la Cour ne doit s’interrompre sous aucun prétexte, aussi, oui, il y aura appartement et j’aimerais que vous y soyez ma chère, ainsi que vous mon frère.
Je la trouvais encore très pâle et sombre, danser lui ferait du bien pensai-je. Quant à Philippe, il s’attarda après que tous furent partis, j’éprouvais moi aussi le besoin de discuter avec lui de ce que nous avions entendu à l’instant.
— Nous en avons découvert de belles sur nos aïeux, soupira Philippe. Comment ont-ils pu nous cacher cela ? L’histoire de la France est imbriquée à celle des fées, nous leur devons beaucoup si j’en crois ces accords…
Même si le trépas prématuré de notre père avait rompu la transmission de ce savoir, j’avais du mal à croire qu’aucun de nos ancêtres n’ait songé à ce qu’une telle tragédie puisse se produire. Particulièrement quand je songeais au fait que notre père nous avait eus tardivement et qu’il n'avait cessé de faire la guerre.
— Je me demande pourquoi le roi des fées n’a pas tenté de me contacter. Que Père soit mort trop jeune pour m’en parler, je peux le concevoir, mais ce Cernunnos ne craignait-il pas qu’ignorant tout des accords je ne les respecte ? Je croyais qu’il dînait à la table du roi. Il est tout aussi fautif que notre père.
Mon frère me regarda de ses grands yeux chocolatés.
— Peut-être a-t-il paru à la Cour et ne l’as-tu reconnu ? Bontemps sait-il seulement à quoi il ressemble ?
La remarque de mon frère était non seulement juste, mais tout à fait à propos. L’avais-je croisé sans même le savoir ? Cette pensée provoqua un frisson glacé.