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St Vincent – Annie Clark – duelle, double et trouble.

St Vincent – Annie Clark – duelle, double et trouble.

Published May 14, 2021 Updated May 18, 2021 Music
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St Vincent – Annie Clark – duelle, double et trouble.

            Je fais partie des inconditionnels de la délirante, vénéneuse et toujours aussi azimutée : Annie Clark, nom d'artiste St. Vincent.

                Masseduction (2017) puis son pendant nu, MassEducation (2018) m'avaient conquis justement grâce à ce dédoublement : d’une part un album fou et riche qui s'envolait et s'élevait, sans avoir peur des montagnes russes qu'il créait ni des hauts et des bas vertigineux où il fallait avoir le cœur bien accroché : ça c'était Masseduction et donc après son autre face qui, sous le vernis de celui-ci, apparaissait sans le maquillage, dans une nudité splendide, l'acoustique Masseducation, où l'excentrique y triturait ses morceaux, seule au piano avec seulement sa voix éperdue pour l'accompagner, pareille en cela à cette nudité fière qu’elle exhibait, justement sur cette pochette, où elle y apparaissait nue, sa peau recouverte d’un léger grain hamiltonien.

Masseduction (2017)

MassEducation (2018)

              Dans cet album, elle créait un flou qui opacifiait l’ensemble tout en y développant une clarté inédite, où chacun de ses morceaux, ceux-ci revus sans les fioritures et les parures que la production avait laissées dans le précédent, se recouvraient d’une profondeur plus délicate, bien plus nuancée, des tons pastels s’y faisant jour, remplaçant les tons fardés et outranciers qui sur Masseduction débordaient de toutes parts.

@bandcamp

              Ses précédents albums que sont Marry Me (2007), Actor (2009), Strange Mercy (2011) et St Vincent (2014) sont du même tonneau, je l'ai toujours perçue comme une sœur de Fiona Apple ou peut-être sa cousine, avec comme mère, Kate Bush, allez savoir... En tout cas, il y a du mélange, de la variété sonore, des textures fines et d'autres plus complexes ou plus délicates, c'est selon,  dans chacun de ses disques. A chaque fois, une étape s'y trace. Un voyage s'y élabore. Des routes s'entrecroisent, des passerelles, des impasses sombres, des ponts avec une lumière étrange que l'on traverse, avec ses lampadaires, de part et d'autres palpitants. Voici les images qui me viennent à l'écoute de tous ces opus qu'elle a laissés depuis ses débuts jusqu'à maintenant.

                 On l'aimera ou pas, on peut être indifférent ou au contraire se retrouver englué par ces mélodies qui émergent des sillons de ses albums. Les mailles tissées étant comme une toile d’araignée qui vous enserrerait afin de mieux vous dévorer. Annie Clark a quelque chose en elle de prédateur, le trouble tout comme l’ambigüité s’y développe d’album en album.

                     Parce que la dame prend des risques à chaque fois. Certes, il y a d'un côté la star et ses caprices mais aussi de l'autre côté, la femme avec sa force comme ses fragilités, avec ses sentiments, ses émotions, ses nuances, sa profondeur, sa richesse, tout cela décrivant sa propre solitude, ses errements, ses errances et son assurance.  Mais avant tout cela c'est une musicienne intransigeante. C’est donc un portrait éclaté, un vrai puzzle que ses chansons éparpillent d’un album l’autre. Il peut y avoir des artifices dans tout cela, mais finalement, lorsque l'on explore davantage chacun d’entre eux, on sent que ce parcours éclaté a un sens, même si tout cela est protéiforme. Dans tous, elle y apparait, tour à tour grimée, avec toute l'ambivalence de sa sexualité - double – se révélant à la fois femme et homme, dans une dualité et une duplicité que l'on sent affleurer de partout, débordante ou encombrante.

@The New Cue

               Lorsque l'on analyse ses pochettes d'albums justement tout cela se révèle au fur et à mesure : tout d'abord, une grâce simple, sans atours ni effet cosmétique, puis un visage perdu, qui contemple les lointains, sur fond de pochette orange vif; une bouche que l’on devine mordant à pleine dent un objet indistinct; une diva aux cheveux peroxydés, tout son corps enveloppé par des parures éclatantes et chamarrés; une femme penchée à l'extrême, vêtue d'un corset léopard, qui laisse entrevoir les rondeurs troublantes de ses fesses et enfin « Last but not Least » sur Daddy's Home (2021), une femme à la chevelure blonde, attifée, coupe à la garçonne mais toujours aussi féminine, qui révèle ici ce qu'elle est maintenant, à la fin de l'étape qui mène à un pareil parcours : un être complexe, simple, nu, mais aussi fardé, ce que soulignent la pochette aux tons sépias, où le rimmel déborde, élargissant à l’extrême son regard, montrant ici toute l'outrance de la pose, tout cela symbolisé par le rouge baiser, qui plaque sa pleine vivacité sur les lèvres, colorant sa bouche, avec, comme touche finale, ce sourire qui se dessine, rejoignant, en un petit trait à peine soulevé, les bords de sa pommette amaigrie.

Marry Me 2007

Actor 2009

Strange Mercy 2011

Daddy's Home (2021)

Daddy's Home, il m’a suffit d’une seule écoute pour retrouver la jouissance auditive que tous ses albums me procurent, ce dans chacun de ces titres. Tous les parfums, ici rassemblés, me paraissent d’une essence moins volatile, plus âpre et velouté mais jamais sirupeux. Cette fois-ci, elle s'en va vers les seventies, et, pour l’accompagner, des guitares rickenbackeriennes qui sonnent parfois, carillonnant, si limpides, avec leur cascade de sonorités claires et aveuglantes, avec tout autour des chœurs lumineux et enveloppants.

@st-vincent-snl-04-04-2021-billboard

         Des gouffres s'entrouvrent, des espaces s'élargissent. Les chansons ici, dans cette complexité effective, s'élancent et s'aventurent, parfois tâtonnantes, d'autres fois explosives... Ce sont des bombes à retardement. De petits interludes permettent de souffler dans ce qui peut être parfois chaotique, mais les chansons sont là, aguicheuses tout comme le regard d'Annie, avec ces yeux agrandis qui émergent sous le rimmel noir, révélant ce visage si blanc et osseux, amaigri semble-t-il a y regarder de plus près les pommettes qui se creusent, encadrées qu'elles sont par la chevelure blonde qui se développent autour, parfaite image pour moi de l'album.

          Même constat en regardant la pochette, très belle, qui est exactement le reflet de ce que l'album aussi me semble contenir. Des bas filés et rapiécés, un air de fête mais désenchanté, très trouble sur les bords, débraillés et pourtant comme le manteau qu'Annie porte, sous l'apparence, le luxe, la richesse, la profondeur des mélodies avec ces sonorités qui s'envolent donnent le ton d'un album sur lequel, pour ma part, je ne cesserai de revenir. 

Pour écouter Daddy's Home suivre le lien ici de son bandcamp.

 

 

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