Youth (Paolo Sorrentino, 2015)
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Youth (Paolo Sorrentino, 2015)
La vieillesse est un naufrage disait Charles de Gaulle à propos du maréchal Pétain. Pourtant ce sont trois acteurs nés respectivement en 1933 (Michael CAINE), 1937 (Jane FONDA) et 1939 (Harvey KEITEL) qui sauvent ce film du naufrage. Sans eux, on aurait juste un défilé d'images esthétisantes clipesques ou pubesques (certains persifleurs ont pensé au chocolat Milka, moi plutôt aux bijoux, parfums et séjours en thalassothérapie) et de réflexions sur la difficulté d'être un artiste, surtout quand on est en voie de décomposition. Mais vu que tout cela se déroule dans un hôtel de luxe coupé du monde, difficile d'éprouver de l'empathie pour ces VIP et leurs problèmes d'ego et de prostate (ou de surpoids dans le cas de l'acteur qui joue Maradona et qui séjourne aussi dans le coin avec Miss Univers). Au bout d'une heure et demi de ce cirque, je me suis dit que tout cela était assez poseur et que le cinéma qui se regardait complaisamment le nombril, ça commençait à bien faire. N'est pas Federico FELLINI qui veut!
Il n'en reste pas moins que les trois acteurs cités plus haut sont tellement bons qu'ils réussissent à donner par moments vie à ce défilé de clichés. Michael CAINE (Fred le musicien) et Harvey KEITEL (Mick le réalisateur) s'exposent sans fard et leur fragilité ainsi que leur mélancolie parviennent à émouvoir. Quant à Jane FONDA (Brenda, l'actrice star), elle a peu de scènes mais elle est impériale. Surtout lorsqu'elle claque avec autant de tendresse que de fermeté le beignet à Mick qui vit encore dans l'illusion d'être un grand réalisateur (et un homme irrésistible). Au passage elle en profite pour affirmer son indépendance ("je me suis faite toute seule, ce n'est pas toi qui m'a faite") ce qui lui permet de secouer le joug de la phallocratie pesante qui règne dans ce film où les femmes (et les beaux jeunes hommes) sont autant d'objets désirables pour les deux grands pontes obsédés par les performances de leur zigounette. Le personnage de Fred a passé sa vie à prouver qu'il était un "dieu au lit" et reste obsédé par la compétition virile avec Mick. Il faut voir pour le croire la scène hallucinante où ce dernier contemple le cheptel des 50 actrices qu'il prétend avoir révélées déclamer dans un pré une phrase tirée des films qu'il a réalisé. Déguisées en policiére, noble du XVIII, femme fatale, fermière, extra-terrestre, elles sont autant de pathétiques fantasmes fétichistes (le chapitre correspondant du DVD s'intitule d'ailleurs "créateur et créatures").
Hélas le bel effort d'émancipation de Brenda est démenti par la suite quand elle fait une crise d'hystérie dans l'avion (énième cliché inscrit dans le mot même, hystera signifiant utérus) où elle supplie Mick de lui pardonner (et de la reprendre?) Le machisme pétri de culture judéo-chrétienne a encore de beaux jours devant lui.