My Fair Lady (George Cukor, 1964)
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My Fair Lady (George Cukor, 1964)
"My fair lady" est une comédie musicale à grand spectacle. Son esthétisme raffiné, ses chansons assez irrésistibles et son interprétation impeccable jouent en sa faveur. Mais sur le fond, je n'adhère pas du tout aux propos qui n'en sont pas moins révélateurs d'une époque pas si lointaine et loin d'être révolue.
Les relents nauséabonds de "My fair Lady" sous couvert d'humour et de critique sociale relèvent de "Tintin au Congo". Et pour cause, lorsque George Bernard Shaw écrit la pièce, la colonisation est à son apogée et le Royaume-Uni a le plus grand Empire du monde. Une puissance fondée sur l'oppression des classes laborieuses condamnées à un semi-esclavage dans les mines et usines du pays. Le racisme de classe qui s'exprime sans vergogne dans le film rejoint parfaitement le racisme proprement racial et trouve ses prolongements jusqu'à nos jours. Quand Higgins (Rex Harrison) traite Eliza (Audrey Hepburn) de sauvageonne, comment ne pas penser aux "sauvageons", terme par lequel certains politiques qualifient les jeunes de nos banlieues populaires contemporaines? Ce que propose le professeur Higgins a un caractère assimilationniste. Il veut "civiliser" Eliza à la manière du fardeau de l'homme blanc ou du discours de Jules Ferry "Il y a un devoir pour les races supérieures, c'est de civiliser les races inférieures". En la débarassant de son argot populaire, de ses manières grossières et de son accent cockney, il fait table rase de son identité (que serait par exemple l'identité vocale du groupe Madness sans cet accent cockney? Et sa chanson célébrant Michael Caine, acteur magnifique récemment anobli avec cette identité?) pour la transformer en une sorte de poupée-vitrine du narcissisme exacerbé de la upper class. Même le choix d'Audrey Hepburn peut se lire de cette manière. Dans les premiers films américains, les noirs étaient joués par des blancs grimés. Audrey Hepburn est une aristocrate grimée en fleur de pavé ou plutôt selon l'une des remarques odieuses de Higgins en "raclure de macadam".
Car l'autre aspect nauséabond du film est sa profonde misogynie. Le fait qu'Eliza puisse tomber amoureuse d'un homme qui ne cesse de l'humilier et de l'insulter (en tant que pauvre mais aussi en tant que femme) et que l'on fasse passer cela pour du romantisme est une escroquerie pure et simple. De ce point de vue Shaw a été plus honnête dans sa pièce que Cukor et son équipe. Estimant la romance entre Higgins et Eliza impossible, il lui fait épouser Freddy qui a été séduit par son naturel transpirant malgré son vernis mondain. Il laisse également entendre que Higgins est homosexuel ce qui est totalement occulté dans le film alors que c'est un élément clé de son comportement. Mais il était impensable à cette époque qu'un film hollywoodien à gros budget vendant du rêve au plus grand nombre puisse aborder ce thème. Shaw avait déjà dû altérer la fin de son oeuvre pour sa première adaptation cinématographique en 1938. Le résultat est un gros lézard qui créé un sentiment de malaise.