Le Faucon Maltais (John Huston, 1941)
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Le Faucon Maltais (John Huston, 1941)
Le premier film de John HUSTON est aussi l'un des premiers grands classiques du film noir, il a d'ailleurs contribué à fixer les règles du genre (le privé, la femme fatale, l'intrigue tortueuse, l'esthétique expressionniste etc.) et fait de Humphrey BOGART une star. Néanmoins en dépit de sa remarquable interprétation et de la qualité de la mise en scène, le film manque d'épaisseur et de subtilité. Sur le thème de la course à l'étoffe "dont sont faits les rêves", John HUSTON est allé beaucoup plus loin humainement avec ses films suivants tels que "Le Trésor de la Sierra Madre" (1948) ou "Quand la ville dort" (1950). Non seulement "Le Faucon maltais" est sec, squelettique mais son apologie du virilisme est tellement grossière qu'elle me fait rire (ce qui pour un film noir est tout de même gênant). Sam Spade (Humphrey BOGART) a bien raison de dire qu'il ne "connaît rien aux femmes" ou plutôt au monde féminin. Plutôt qu'un "redresseur de torts" il s'agit surtout d'un beau mufle. D'abord, comme tout macho qui se respecte, il remet à sa place quelques garces coupables d'avoir le feu aux fesses. Admirons la subtilité de la scène où Brigid O'Shaughnessy (Mary ASTOR), cette menteuse congénitale diablement attirante remue les tisons dans la cheminée pour mieux l'allumer peu après que notre ami qui a deux fers au feu soit pris en flagrant délit de fricotage avec Iva, la veuve de feu son associé (Gladys GEORGE). Toutes deux après être tombées aux pieds de l'irrésistible privé subissent le châtiment qu'elles méritent, l'une en voyant son amant filer dans les bras de celle qui a tué son mari, l'autre en étant envoyée en prison par mister justicier Spade qui lui envoie une punchline d'anthologie "si tu prends vingt ans je t'attendrai, si tu prends perpétuité je garderai un beau souvenir de toi". Mais comme se valoriser auprès du "sexe faible" ne suffit pas à son ego surdimensionné, il faut encore qu'il écrase de sa supériorité les autres hommes. Son associé Miles Archer (Jerome COWAN) qu'il supplante auprès de la gent féminine et les bandits, des "lopettes" qu'il prend plaisir à tabasser et humilier. Cela commence avec Joël Cairo (Peter LORRE) dont le mouchoir parfumé au gardénia et les manières précieuses nous indiquent sans ambiguïté les tendances homosexuelles. Avec une jouissance non feinte, Sam Spade lui donne à deux reprises la raclée qu'il mérite et lui vole son flingue (histoire de rappeler que le seul homme dans la pièce, c'est lui!). Spade inflige un traitement pire encore à l'homme de main, Wilmer Cook (Elisha COOK Jr.), le ridiculisant, le désarmant lui aussi avec une facilité déconcertante et après l'avoir poussé à bout, lui donnant la raclée qu'il mérite (il est trop fort ce Sam Spade). Lui aussi a droit à sa punchline assassine adressée à son patron Kasper Gutman (Sydney GREENSTREET) qui au vu de ses manières est vraisemblablement aussi de la jaquette "Ne le laissez pas se balader avec ça [un flingue], il peut se blesser. Je les ai pris à un cul de jatte qui les lui avait chipés". J'avoue avoir éclaté de rire, surtout que Elisha COOK Jr. a remis le couvert dans le rôle du souffre-douleur avec "L'Ultime razzia" (1956) de Stanley KUBRICK. Bref, le "Faucon maltais" a beau se présenter comme un film "moral" à l'image de son héros "moins pourri qu'il n'en a l'air", il n'en reste pas moins qu'il véhicule des valeurs aussi discutables que celles qu'il est censé combattre.