Falcon-Dog sursaute et regarde tout autour de lui. Aucune trace de Mentalos.

Rien d’autre que de la neige. Est-il en train d’halluciner ?

– Mentalos, c’est toi ? Mais où es-tu ?! Réponds-moi s’il te plait !

– Du calme mon ami. Je suis avec toi.

– Alors ça veut dire que… comme mes parents, tu n’existes que dans ma tête,

c’est ça ?

Son visage est noyé dans la déception.

– Ne sois pas triste, mon ami. Moi, en tout cas, je ne suis pas mort malheureux.

J’ai eu une chance incroyable dans ma vie : celle de t’avoir rencontré ! Tu n’as pas

seulement été un chiot avec des superpouvoirs, tu as été le plus audacieux et le plus

téméraire de nous tous. Retiens ce dernier conseil que je te donne : tomber n’est pas

interdit, le plus important est de toujours se relever !

Ces derniers mots restent gravés dans l’esprit de Falcon-Dog, qui se remet à

escalader. Mentalos a cru en lui dès le début, et il a toujours su lui redonner le moral.

C’était un ami en or.

Les couloirs de Spectror n’ont jamais été aussi déserts auparavant. Plus aucun

bruit, plus aucun mouvement. L’ambiance sonore est à l’image du moral de la

Révoltruffe toute entière.

– Tu sais où on doit aller, Lisa ? demande Billy tout en marchant à côté d’elle.

D’habitude je ne vais jamais dans ce coin-là, dis donc !

– Heureusement qu’il y a quelques panneaux d’indications… Je ne sais pas où

se trouve l’atelier de l’Orfèvre.

Après avoir traversé plusieurs couloirs, les deux amis arrivent enfin devant la

bonne porte. Ils se lancent un regard entendu et Lisa tend la patte vers la poignée.

Avant même qu’elle ne puisse la toucher, la porte s’ouvre lentement. Sauf que ce

n’est pas l’Orfèvre qui les attend. Il s’agit du…

– Général Cocker ! s’exclament les deux Canins en chœur.

Le cocker se tient droit mais son air sérieux habituel laisse apparaitre un sourire

en coin. Dans un silence plein de respect, il s’incline poliment puis les laisse entrer.

L’atelier, rempli de drôles d’inventions en tous genres, est baigné dans la lueur

de quelques bougies. Au beau milieu de cette salle spacieuse, quatre chaises sont

installées autour d’une table recouverte de dossiers. Les trois Canins s’installent

calmement. Cocker ouvre le dialogue :

– Je vous remercie d’être venus. Sachez que je suis heureux de voir que vous êtes

toujours dans la partie. Nous aurons beaucoup de choses à nous dire lorsque nous

serons au complet.

– Est-ce que l’Orfèvre va bientôt nous rejoindre ? interroge Lisa.

À la seconde suivante, une explosion retentit à l’autre bout de l’atelier, ce qui fait

sursauter les Canins. Une odeur de fumée atteint leurs narines.

– Quand on parle du loup… soupire le Général en se frottant les yeux.

Un petit ricanement de savant fou se fait entendre, là où l’explosion a eu lieu. Et

le rire est contagieux : Billy ne peut s’empêcher de pouffer à son tour. Le vieux

teckel vient s’asseoir sur la dernière chaise. Cocker lorgne la blouse de travail noircie

de l’armurier mais ne lui demande pas ce qu’il bricolait :

– Bien. Il est grand temps de vous expliquer l’objet de cette réunion. Notre point

commun à tous les quatre est facile à deviner : nous n’avons pas perdu l’envie de

lutter contre Férus pour défendre nos confrères. Néanmoins, nous ne savons ni où se

trouve notre ennemi, ni ce qu’il est en train de préparer. Il nous faut des informations

pour établir des hypothèses.

– Si je peux me permettre, intervient Lisa, encouragée par le regard de Cocker,

j’aimerais apporter quelques renseignements. Il y a déjà une semaine que nous avons

combattu des panthères de feu (L’Orfèvre, qui n’était pas présent sur les lieux, écoute

attentivement.). Nous sommes ensuite repartis avec l’Amiral Cabos à dos de loup

vers le village des épagneuls, pour retrouver notre aéro-niche. Mais avant de partir,

nous avions vu Férus et ses panthères partir en direction du Canyon rouge.

– Intéressant… dit l’Orfèvre en se frottant le menton. Le climat du Canyon rouge

est chaud et sec. Je suis certain qu’il est parti là-bas pour se reposer et retrouver de

l’énergie. Ensuite, il passera sûrement à l’attaque une bonne fois pour toutes.

Un frisson parcourt le dos de Lisa, en imaginant le terrible Férus entouré de ses

panthères.

Billy profite d’un instant de silence pour poser une question :

– Euh, il y a quelque chose que je n’ai pas compris dans la légende de Férus, dis

donc. Il est censé déchainer sa colère et détruire la totalité d’Ethélys. Mais…

comment ? Comment Férus pourrait-il être aussi puissant ? Comment une panthère

peut-elle ravager le monde entier ?

– Bonne question, mon p’tit gars ! s’exclame l’Orfèvre, sans remarquer son

regard furieux lorsqu’il a dit « petit ». C’est bien beau de vouloir partir à l’assaut de

l’ennemi, mais nous devons connaitre précisément ses intentions.

– « Partir à l’assaut » ? répète Lisa en se tournant vers le Général Cocker.

– Tout-à-fait, confirme ce dernier en hochant la tête. La base Spectror est pour le

moment bloquée par les panthères mais, dès que la situation aura changé, nous ne

resterons pas sans rien faire ! Avec l’Orfèvre, nous avons déjà commencé à réfléchir

au Plan, un programme à suivre pour arrêter Férus – ou au moins le freiner – en

attendant l’arrivée de Falcon-Dog. Nous vous donnerons ces détails plus tard.

Lisa est soulagée d’entendre ces paroles. Elle n’est pas la seule à garder confiance

en Falcon-Dog. Toutefois, la question de son ami chihuahua lui revient à l’esprit :

– Billy a raison. Nous devons savoir quand et comment Férus va passer à

l’attaque. Et je sais parfaitement où nous pourrons trouver ce genre d’informations.

(Les autres Canins se tournent face à elle.) Nous avons besoin du livre des Cinq

Mondes.

Ces mots résonnent dans l’atelier de l’Orfèvre. Le Général Cocker semble

approuver l’idée mais, progressivement, une grimace apparait sur son visage. Il

déclare, avec une voix tremblante :

– Tu as certainement raison, Lisa. Il n’y a que dans le livre des Cinq Mondes que

l’on pourra en savoir plus sur Férus et son projet de vengeance. Cependant, il n’y en

a qu’un seul exemplaire dans tout Spectror et son propriétaire… Comment dire ? Il

ne voudra sûrement pas nous aider. S’il apprenait seulement notre présence ici, nos

intentions et l’existence du Plan que nous préparons… je n’ose pas imaginer sa

fureur !

– Qui est-ce ? interrompt Billy. Qui possède l’exemplaire du livre ?

– C’est l’Amiral Cabos.