Le trésor de la Sierra Madre (The Treasure of the Sierra Madre, John Huston, 1948)
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Le trésor de la Sierra Madre (The Treasure of the Sierra Madre, John Huston, 1948)
Immense film que ce "Trésor de la Sierra Madre" qui voit trois hommes en marge de la société s'improviser chercheurs d'or dans l'espoir de faire fortune... mais inconsciemment dans l'espoir de trouver un sens à leur vie et une place dans le monde. Face à cet or qui s'avère être un mirage, chacun va trouver sa vérité, douce pour certains, cruelle pour d'autres dans cette "Sierra Madre" qui est un sas entre la vie et la mort. C'est toute la noblesse, toute la profondeur, tout l'humanisme du cinéma de John Huston qui s'exprime dans cette œuvre admirable.
Les personnages sont si criants de vérité que l'on ne parvient pas à les détester, même quand ils commettent des actes haïssables. C'est le cas de Fred C. Dobbs (campé par un géant du cinéma, Humphrey Bogart qui plus est dans un de ses meilleurs rôles) que la soif maladive de l'or plonge dans une terrible paranoïa autodestructrice. L'ombre qui le recouvre, la barbe qui mange son visage et les ruines qui l'environnent expriment son effondrement intérieur et annoncent son destin tragique.
Le vieux briscard qui l'accompagne, Howard (campé par le propre père de John Huston, Walter qui n'a pas volé son Oscar) pose un regard plein de compréhension sur lui, exprimant sans détour qu'il est une version déchue de lui-même. Extraordinaire personnage que cet Howard, plein d'expérience, de sagesse et de ressources cachées. Il est l'âme du film, celui qui sait justement le mal que l'or peut faire à l'âme. Il sait également que l'activité de prospecteur est maudite. Et pourtant, la tentation est trop forte, il ne peut s'empêcher de recommencer à chercher cet or, sans doute parce qu'il n'a jamais réussi à s'accomplir et qu'il saisit ce qu'il considère comme une dernière chance de le faire. Y renoncer sera par conséquent une vraie épreuve pour lui mais il y gagnera ce qu'il a en réalité toujours cherché: sa place au soleil. La scène où il ranime un enfant symbolise sa renaissance. Sa guérison est complète quand il lâche prise en riant aux éclats de la perte de son "or".
Il y a enfin Curtin (Tim Holt) qui au début de l'histoire partage la misère et le désoeuvrement de Dobbs. Leur rencontre le sort de son marasme, ils font équipe ce qui les rend plus forts (c'est le sens de la scène où ils obligent leur employeur à les payer). Mais plus le film avance, plus Curtin s'avère être l'antithèse de Dobbs et le fils d'élection de Howard avec lequel il partage ce fantastique éclat de rire libérateur qui clôt le film. Contrairement à Dobbs que son vide intérieur rend progressivement fou, Curtin rêve d'utiliser son or pour se construire un foyer où il pourrait s'enraciner. De plus il se comporte de façon loyale et honnête. Son vœu sera exaucé mais pas tout à fait de la façon dont il l'imaginait.