La connaissance par les plantes
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La connaissance par les plantes
2 juillet 2022
Je pensais avoir terminé pour cette aventure ; pas encore tout à fait. Il y a la conclusion du voyage, il manque" la conclusion de l’expérience chamanique.
Je voudrais revenir sur l’article "Un point c’est Tout", écrit au lendemain de la séance d’Ayahuasca de la fête de Sao Juan. Il me dérange, il m’apparait faux, incomplet, présomptueux. Prétendre avoir compris la Vérité Ultime ? On peut s’en approcher, on peut l’expérimenter, et c’est ce qui arrive au cours d’une séance d’Ayahusaca : arrive un moment, entre deux chants, où on sait qu’on y est. Ca ne peut s’expliquer, mais Tout est là. Le silence se fait. C’est comme un arrêt sur image, une fixation temporelle sur le présent. On est là, pleinement là, totalement présent à ce qui est, avec une intensité incommensurable. Chaque son, le tintement d’une cloche, résonne comme un joyau vibratoire dans ce calme absolu. Tout est là, on se contente de le percevoir par l’ensemble de nos sens pleinement ouverts, on est là, pleinement connecté à ce qui est. C’est une expérience sublime, où il n’y a plus que l’Amour de ce qui est qui nous remplit. On éprouve alors une force d’Amour infinie. Mais prétendre connaître la Vérité Ultime, prétendre la définir en mots ?!…c’était prétentieux et présomptueux. On peut l’approcher, l’expérimenter, mais on ne peut pas la décrire. Elle est innommable par essence. Il me tenait à coeur de corriger cela.
Pour clore donc cette exploration spirituelle chamanique, je me devais de relire Carlos Castaneda, que j’ai eu la bonne idée d’emporter avec moi. Et c’est ce que je fais ces derniers jours.
En 1960, alors jeune anthropologue de l’Université de Los Angeles, très versé dans la recherche en botanique, très sachant donc, Castaneda rencontre Don Juan, vieil Indien du Mexique vivant en Arizona. De là naît une rencontre de plusieurs années, initiatique, où le vieillard finit par le considérer comme l’élu pour lui transmettre son savoir, et l’initie à la connaissance expérientielle par les plantes : le peyotl ou Mescalito (Lophophora williams), l’herbe du diable (Datura Inoxia), et la petite fumée ou Humito (Psyllocibe mexicana), qui permettent un accès à ce que Castaneda appelle des états de réalité non ordinaires.
Là encore, distinction entre savoir et connaissance, l’un sous le contrôle d’une raison raisonnante, l’autre appréhendant la réalité hors savoir, innommée, indéterminée, indéfinie, après laquelle toute question devient inutile. Ce fut là mon erreur, ma présomption, à vouloir malgré tout mettre en mots cette expérience pour tenter de la rendre accessible. Là encore, insistance de Don Juan sur la voie royale et directe d’accès à la connaissance, la voie du Coeur, accord parfait entre l’homme et l’univers.
Don Juan parle de 4 ennemis successifs à vaincre pour l’homme de connaissance.
Le premier, c’est la peur. Il explique qu’il faut, malgré la peur, ne pas se sauver, et malgré elle avancer dans le savoir. Une fois la peur vaincue, l’homme accède à la clarté, la clarté de l’esprit. Il sent que plus rien n’est caché.
C’est là le deuxième ennemi : la clarté aveugle. Elle amène l’homme à ne jamais douter de lui-même. Si on cède à sa puissance apparente, on en devient le jouet, et il nous devient impossible de continuer à apprendre. Il convient alors de rester prudent, modeste, patient, en acceptant que la clarté n’est qu’un point devant le regard.
On accède alors au pouvoir : le plus puissant de tous les ennemis. L’homme ayant dominé sa peur et la clarté de l’esprit, devient puissant. Il est le maître, invincible, c’est lui qui dicte les règles. Mais s’il n’apprend pas à se dominer, il ignore quand et comment se servir de cette puissance. Il doit comprendre que cette puissance qu’il lui a semblé conquérir ne sera jamais à lui. Il doit faire usage de sa raison pour savoir où et comment exercer ce pouvoir, savoir manier cette puissance avec précaution et fidélité à ce qu’il a appris.
Le dernier de ses ennemis est la vieillesse. C’est le seul qu’il ne pourra jamais vaincre totalement. Mais s’il résiste au désir suprême de se reposer, ne serait ce que l’espace d’un instant, il aura su repousser cet ennemi invincible, et sera alors un véritable homme de savoir.
C’est encore une fois très très ésotérique. Il y est question dans ce livre de sorcellerie, de magie blanche ou de magie noire, d’expérience de décorporation et de transmutation dans un autre corps, dans un animal par exemple, très déconcertant pour notre appréhension rationnelle du monde…
Le but je crois dans cette approche n’est pas de croire ou ne pas croire, qui serait l’apanage du contrôle de notre seule raison. Seule l’expérience directe peut nous faire comprendre ou pas de quoi on parle. Il est, pour Castaneda qui conserve sa formation analytique, comme pour moi à sa simple lecture, de tenter d’appréhender toute la logique et la cohérence interne à un système de pensée très différent du nôtre, et de voir ce qu’on peut en tirer à notre niveau. Castaneda va très loin dans l’initiation. Il ira au terme, malgré de nombreuses hésitations, de cet appel à la connaissance par les plantes.
Je n’ai bien sûr pas cette prétention. Mais j’aime à comprendre aujourd’hui que derrière la clarté de l’esprit, expérience que j’ai éprouvé à chaque fois avec l’Ayahuasca une fois mes peurs et angoisses dissipées, Il y a un nouvel enjeu, un nouvel ennemi à surmonter, d'autres erreurs à déjouer. Et donc de continuer encore et toujours à apprendre, savoir faire preuve de doute, d’humilité, de prudence, de patience, sans considérer que derrière cette expérience tout nous serait révélé. Bien au contraire…